L'article de Jean-François Augereau
paru dans le Monde

24 septembre 2003

Je mets ce texte sur mon site en ayant bien conscience de l'inuitilité de cette démarche. Un an plus tôt j'avais tenté d'attirer l'attention de la presse, des journalistes scientifiques et du public sur ce que je considère comme un projet-écran destiné à détourner l'attention des gens sur une triste réalité : la tenue d'essais nucléaires souterrains dans le territoire Français, en particulier pendant dix ans, à mille mètres de profondeur, dans un secteur isolé de la mine de Gardanne. A la suite de révélations faites dans mon ouvrage paru le 9 janvier 2003 la mine a été précipitemment fermée (2 février 2003), une fermeture anticipée de trois ans, puis très vite ennoyée ( à partir de mai 2003 ). Le secteur incriminé est maintenant ennoyée, irréversiblement et toiute enquête sera à jamais impossible. La seule question restera : combien de temps s'écoulera-t-il avant que l'eau, ne dissolvant le calcaire, ne provoque des fissurations, des effondrements et au bout du compte des rejets de substances radio-actives en Méditerrannée, entraînant une pollution à côté de laquelle Tchernobyl ressemblera à une aimable plaisanterie.

Tout le monde s'en fout. Aucun journaliste n'a fait la moindre enquqête, pas plus que des associations comme Greenpeace ou la Criirad (Centre de recherche d'informations Indépendantes sur la Radioactivité). Par contre on trouve sans problème des journalistes scientifiques comme Augereau pour se faire les chantres de ce "Soleil en laboratoire" Bordelais. En bleu, mes commentaires.


http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3244--335131-,00.html

On peut se demander comment les ingénieurs espèrent obtenir une compression implosive dans la cible sphérique. La réponse est dans un mot allemand : holraum, qui signifie four. Cela consiste à mettre dans la boite cylindrique une "mousse légère" qui, en absorbant l'énergie des lasers serait portée à très haute température. On espère alors que ce matériau, en rayonnant à son tour, transformerait cette enceinte en un four où régnerait une pression de radiation constante, laquelle agirait alors sur le "pusher" entourant la cible sphérique de deutérium-tritium. Tout cela reste très spéculatif et basé sur des simulations numériques effectuées sur ordinateur. Simple détail : tous les ingénieurs liés au projet, qui mettaient en doute la faisabilité de l'opération ont été virés ou mis sur la touche. Comme ITER, Megajoule est une "cathédrale pour ingénieurs".

Près de Bordeaux, le Commissariat à l'énergie atomique vient de poser les premières fondations du Laser MégaJoule. Cette source de lumière unique devrait fonctionner en 2010. Bordeaux de notre envoyé spécial

C'est ce côté "unique" qui est étonnant. Les Américains ont été les premiers en 1976 à utiliser des lasers au verre dopés au néodyme pour tenter de réaliser la fusion par laser. Une technologie qui date donc de 28 ans. J'ai été aussi le premier non-américain à voir ces installations en 1976 ( lire "Les Enfants dui Diable", Albin Michel 1995 ). A l'époque "SHIVA" qui sevait être doté de 24 lasers au néodyme était en construction. Le proncipe de la fusion par laser consiste à focaliser sur une cible sphérique minuscule de puissants faiseaux. Ceux-ci ont pour effet de comprimer la cible. Au départ celle-ci se trouve sous forme d'hydrogène liquide ou solidifié. On comprime alors la sphère cible dans un rapport dix (mille en volume), ce qui aurait pour effet de porter le mélange de deux isotopes d'hydrogène lourd (Deutérium - Tritium) à la température de fusion.

Toutes ces opérations se soldèrent par des échecs. On ne parvint pas à réaliser une compression possédant une symétrie sphérique. Tout se passait "comme si une ménagère essayait de comprimer de la pâte dans sa main et que celle-ci lui file entre les doigts". Quand on lit ce texte on a l'impression que France se pose en leader dans cette course à la fusion par laser, alors même qu'elle s'y est mise fort tardivement.

Le chantier est imposant. Plusieurs hectares de clairière pris sur les bouquets de pins des Landes qui peuplent les terrains du Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine (Cesta), que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) possède près de la commune du Barp (Gironde), à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Bordeaux. Le sol est éventré. Sous l'herbe rase qui le recouvre, du sable et des trous dont les parois fragiles attendent d'être consolidées pour accueillir les premières fondations d'un bâtiment aux dimensions immenses : 300 m de long, 150 m de large, 45 m de haut et une emprise au sol de 40 000 mètres carrés.

L'ensemble sera assez vaste pour y loger une tour Eiffel, précise, pédagogue, un article tiré des Défis du CEA de juillet-août. Assez vaste surtout pour abriter le Laser MégaJoule (LMJ), l'un des deux plus puissants lasers au monde avec le NIF (National Ignition Facility), que les Américains commencent à assembler près de San Francisco, au Lawrence Livermore National Laboratory. Deux installations qui se ressemblent étrangement car elles sont le fruit de la coopération que la France et les Etats-Unis entretiennent depuis des années sur ce thème. Toutes deux poursuivent, en effet, le même but : assurer le renouvellement de leurs armes de dissuasion nucléaire sans recourir aux essais souterrains qu'elles se sont, comme d'autres, engagées à abandonner.

Vaste foutaise. Américains et Russes n'ont jamais interrompu leurs essais nucléaires souterrains qui sont depuis des décennies poursuivis de manière clandestine et furtive. La technique est au point de longue date dans ces deux pays et se trouve abondamment décrite dans un rapport de l'American Geological Society. Il suffit de faire détoner des engins d'un kilotonne dans des cavités de 20 à 25 mètres de diamètre, selon la nature du terrain. le signal ne dépasse alors pas la magnitude 3, ce qui correspond à 450 kilos de TNT, soit l'exploitation normale d'un front de taille. Rien n'est plus facile que de camoufler des essais dans "l'activité normale d'une mine". Américains et Russes ne s'en sont pas privés depuis plus de vingt cinq ans. Le moratoire sur l'interdiction proposé par les USA est apparu ... le jour où les Américains avaient simplement mis ces techniques au point. Les Français ont suivi, il y a dix ans, à la différence qu'il n'y a pas de régions désertiques dans notre pays.

Le désert existe cependant. c'est un désert politique, médiatique, informationnel, scientifique, intellectuel. Vox clamat in deserto. Chez Augereau on hésite entre la naïveté et la complaisance.

On connait les expressions "scientifiquement correct", "politiquement correct", etc. Ajouter le "médiatiquement correct". Ce que vous voyez sur votre petit écran fait illusion. Tout est filtré. Calvi pourra dire " Croyez-vous, monsieur Machin, que ben Laden soit encore vivant ?". Le télespectateur retient son souffle. Il frémit en apprenant que les terroristes auraient peut-être maîtrisé les "armes chimiques".

Mais les véritables terroristes sont ceux qui font exploser des engins nucléaires sous nos pieds, à proximité de zones à forte population. Un sujet qui n'est pas "médiatiquement correct" et que vous ne verrez abordé nulle part. Quand je pense à la télévision ou même à la presse écrite j'ai l'impression qu'on donne au gens à téter des tranquilisants.

VERRE TRÈS SPÉCIAL

La nouvelle installation de la direction des applications militaires (DAM) du CEA ne sera pas cependant pas prête avant 2009-2010. Les premiers mètres cubes de béton du bâtiment qui l'abritera viennent tout juste d'être coulés. Un premier pas pour ce programme de 2,14 milliards d'euros (salaires compris) - dont 1,17 milliard d'euros d'investissements hors taxes - qui mobilisera jusqu'à mille personnes. Ici, le gigantisme est la règle. On parle en millions de joules, d'où le préfixe "méga" associé au nom du programme, en dizaines de tonnes et en milliers d'éléments.

"Pas prête avant 2010", .. au mieux. Les essais nucléaires de Muroroa ont été interrompus en 96. Seize années se seront donc écoulées. Il n'est pas du tout dit que cela fonctionne, en 2010 ou plus tard. Ensuite la fusion Deutérium-Tritium n'a pas de rapport évident avec celle du véritable explosif des "Bombes H", à savoir de l'hydrure de lithium. Mais cela, Augereau se garde bien de l'évoquer. Enfin, dernière donnée : les militaires estiment qu'il n'est pas possible de garantir la fiabilité de l'arsenal nucléaire actuel, à valeur dissuasive, au delà de vingt années. Que fera-t-on alors ?

Pas moins de 66 tonnes d'un verre très spécial de couleur cassis dopé par une terre rare, le néodyme, doivent être coulées. Environ 10 000 systèmes optiques plutôt complexes doivent être montés pour transmettre, filtrer, nettoyer, séparer et focaliser les puissants faisceaux - 240 en tout - de lumière que la machine produira. Dix mille moteurs sont prévus pour les positionner à une fraction de millimètre près, et deux mille caméras seront mises en ouvre pour observer le tout.

Au bout du chemin, l'ensemble des deux cent quarante faisceaux lasers groupés par paquets de huit convergera sur une chambre d'aluminium de 350 t et d'un peu plus de 10 m de diamètre. A l'intérieur, une microsphère de 2 mm de diamètre pleine d'hydrogène lourd (deutérium) et superlourd (tritium). Là, en quelques milliardièmes de seconde, l'enfer se déchaînera sous l'effet de la lumière des lasers, qui échauffera et comprimera ce mélange de telle façon que la température atteindra plusieurs dizaines de millions de degrés et la pression plusieurs millions d'atmosphères. Des conditions qui n'existent que dans le cour des étoiles et dans celui des... armes thermonucléaires !

Monsieur Augereau, faites-moi rêver avec l'argent de mes impôts, c'est formidable....

Deux à trois fois pas jour, les équipes du LMJ renouvelleront cette expérience. Mais pas question de tester des armes. Les microsoleils allumés dans la grande chambre du Laser MégaJoule ne pourraient détruire le moindre bâtiment. Le colosse a beau produire des torrents d'énergie (1,8 mégajoule), cela ne représente finalement que "l'énergie contenue dans dix pots de yaourt à 0 %", s'amuse un ingénieur. Dérisoire. Toute l'astuce de la machine est ailleurs et tient dans sa capacité à délivrer cette énergie en une fraction de seconde et en un minuscule point de l'espace.

Comme dirait Kipling "tout cela est grosse astuce et force magie". Rassurez-vous, ça ne sera ni dangereux, ni polluant. "L'énergie de dix pots de Yaourt à 0 % , s'amuse un ingénieur". Mais moi ça ne m'amuse pas qu'on se foute à ce point de la tête des gens. Enfin, de Gaulle disait que les Français étaient des veaux. C'est peut être vrai. Du moment que c'est "dans le Monde", c'est que ça doit être vrai. Mais je rappelle au passa un titre fracassant d'un papier d'Augereau "la matière sombre existe. La preuve : on la mesure". ce qui me choque c'est que des gens qui ont la prétention d'être des journalistes scientifiques servent la soupe à ceux qui gâchent l'argent des contribuables en leur faisant prendre des vessies pour des lanternes.


BOUFFÉE D'ULTRAVIOLET

Ces de prouesses ne sont pas à la portée du premier venu, et les équipes de la DAM, appuyées par une batterie d'industriels, n'ont pas eu trop de leurs longues années d'expérience dans les lasers à vocation militaire (Phébus et Octal par exemple) pour se lancer dans l'aventure. Contrairement à leurs homologues américains, elles ont préféré construire une chaîne prototype de huit faisceaux lasers, la LIL (ligne d'intégration laser), qui préfigure celles qui équipera le LMJ. Pour l'heure, un seul de ces lasers fonctionne. En avril ses performances ont été meilleures que celles prévus par le cahier des charges : 9 500 joules de lumière ultraviolette produite, alors qu'on en attendait seulement 7 000.

On est les meilleurs. Mais quel imbécile croira que nous, les Français, puissions damer le pion aux Américains en matière de systèmes à énergie dirigée, domaine où ils ont joué un rôle de leaders avec plus de vingt ans d'avance sur nous ? L'oncle Sam feint d'entrer dans cette course à la fusion par laser avec son NIF (National Ignition Facility). L'idée est simple : continuer à laisser au civils croire que les essais nucléaires souterrains pourront être "à jamais bannis". D'ailleurs ils ont été interrompus, non ? Vous avez entendu parler de quelque chose à l'ouest du Pecos ou à l'Est de l'Oural ?

Un record mondial que les Américains ont battu depuis en produisant 10 400 joules de cette même lumière à la fin du mois de mai. En 2004, la LIL devrait être équipée de quatre faisceaux et en 2005-2006 de quatre autres, ce qui permettra au CEA de valider avant de s'engager l'un des trente éléments de base de la future machine. Moins prudents, ou plus pressés, les Américains du NIF ont décidé d'aller directement au but sans passer par un prototype, ce qui leur permettra d'être prêts en 2008.

En attendant, les physiciens de la DAM vont pouvoir lancer leurs premières manips avec l'installation de la LIL, dont la chambre d'expérience n'est autre que la sphère d'aluminium que les Américains utilisaient sur NOVA, leur précédente installation laser à vocation militaire. Mais nul doute à terme que cette chaîne prototype n'intéresse aussi des chercheurs plus civils. D'ores et déjà, il est prévu que 20 % du temps du Laser MégaJoule leur soit réservé pour mener des recherches en astrophysique sur la nature des étoiles denses, en géophysique sur la "respiration de la Terre", sur la physique des lasers et des conditions extrêmes et sur la fusion par confinement inertiel, qui, un jour peut-être, offrira une source d'énergie inépuisable à l'humanité. Une action que le CEA, le CNRS, l'Ecole polytechnique et la région Aquitaine veulent favoriser en créant, juste en face du Cesta et du LMJ, un Institut lasers et plasmas. En 2005, cet élément de la future "route des lasers" devrait fédérer les compétences d'une trentaine de laboratoires français spécialisés dans ce domaine, tant du point de vue de la recherche fondamentale que de celui des transferts de technologie.

Au passage on achète le silence du Cnrs. "Soyez dociles et compréhensifs, ne posez pas de questions gènantes, aidez-nous à embobiner le grand public avec des grands mots, en prime il y aura quelques postes pour vous". Lors de l'émission chez Tapie où j'avais essayé d'attirer l'attention sur le problème Gardanne (mais cela fut coupé au montage, comme chez Ruquier) Couturier, directeur de recherche au Cnrs (directeur de l'observatoire de Paris, je crois) présent sur le plateau avait aussitôt pris le contre-pied en chantant les louanges de notre futur "Soleil en éprouvette". Mais ce passage fut aussi coupé, considéré comme hors sujet.

En 76 Couturier, spécialiste des ondes de choc ne croyait pas à mon idée d'annihilation des ondes de choc, sans toutefois être capable de fournir le moindre argument scientifique à l'appui. Il n'y croît toujours pas d'ailleurs.

"La route des lasers", quelle merveille ! Quand un projet ne tient pas debout on insiste sur les retombées technico-scientifiques, l'emploi, le transfert de technologie, etc.

Jean-François Augereau

Je fais mon boulot désormais sans y croire. Comme m'ont écrit des lecteurs "vous avez ouvert les yeux de beaucoup". Alors, continuons. Mais s'il fallait encore prouver que la presse, dans de nombreux domaines, nous fait prendre des vessies pour des lanternes, y compris des "journaux sérieux comme le Monde", disons que c'est fait.


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