Combien coûte un Président ?

20 octobre 2005

J'ai souvent entendu des gens dire :

- Allez, si les riches étaient moins riches, les pauvres ne seraient pas moins pauvres.

Pas si sûr. Ziegler, dans son livre " l'Empire de la Honte " montre, calculs en main, que la famine est une arme politique, maniée sciemment. Les pays occidentaux ont leurs obèses. Si vous allez aux USA vous verrez que les marchands de glaces ont des pots en carton de tailles variées. Les plus grands ont la taille des seaux de plage. Ce sont "des doses pour obèses ". Il n'y a pas un homme politique qui interdira la vente du pop corn et des glaces dans les cinémas. Ca crée des emplois. Après, il faudra se soucier de ces gamins qui, après le dîner font une deuxième repas en broutant dans leur seau de carton.

On a fini par s'apercevoir que les distributeurs de gâteries, dans les collèges, déstabilisaient la diététique enfantines, sous prétexte de leur fournir "un quatre heures".

Nos hommes politiques s'empiffrent, à leur manière. Qu'est-ce qui les fait courir ? Là est la question. Pourquoi des gens s'enrichissent-ils à ce point ? Je dis souvent "quand on a le superflu, il faut savoir s'arrêter". Mais non. Certains sont pris dans des spirales sans fin. En fait le monde est organisé avec différentes strates. Il y a ceux qui corvent, bêtement. Ceux qui rament toute leur vie pour bénéficier pendant peu d'années d'une maîgre retraite. Ils sont usés. Parfois atteints de maladies professionnelles, les poumons bouffés par l'amiante, ou autre chose. Ce sont les "pauvre Bitos" décrit par le dramaturge Jean Anouihl. Au sein de cette faune il y a les vrais exclus, qui sombrent dans la pire des misère. Cest vite là. Et il y a les faux exclus, qui jouissent de tous les avantages sociaux possibles, en travaillant au noir.

Tout en haut, les nantis. J'ai connu. C'est un monde étonnant. Vous avez vu ces yachts mirifiques.

J'ai posé le pied sur des trucs pareils. Comment ? C'était à la fin des années cinquante. J'avais 18 ans. Au hasard de galères d'un été, j'avais atterri dans le midi, que je ne connaissais pas. Sans un sou, malade. J'avais attrappé une dyssentrie en buvant de l'eau de Tolède. J'avais passé une dernière nuit sans dormir, à geler sur une plage. Depuis une semaine je me nourrissais d'un énorme pain et d'un carré Gervais, par jour. Je suis allé voir les flics.

- Que faut-il faire pour passer une nuit au violon ? J'aimerais dormir sur un lit. Qui dois-je insulter ?

On m'avait jeté dehors. J'avais une sale tête. Je tenais à peine sur mes jambes. J'ai été recueillis par des clochards qui squattaient une maison en construction, sur le bord de mer de Saint Raphaël. De l'élixir parégorique a stoppé ma diarrhée. Avec eux, je me suis retapé. J'ai dormi dans des vieux cartons. J'ai observé ce monde étrange. A cette époque on était clochard par vocation, car le travail ne manquait pas. Le mot SDF n'avait pas encore été inventé. Il y avait un ancien militaire, revenu d'Indochine avec des souvenirs trop lourds et un pharmacien qui avait tout quitté après avoir empoisonné par mégarde un client.

Quand j'ai pu tenir sur mes jambes, j'ai remercié ces gens et je sui sreparti explorer cette côte d'Azur que je ne connaissais pas. J'ai atterri à Cannes. Le port était empli de bateaux de belle taille. J'avais une plume, de l'encre de Chine et du papier. J'ai dessiné les bateaux et j'ai vendu mes dessins, avec facilité. Ce commerce m'a fait parfois monter à bord. Je me souviens de clients, deux vieux Anglais, qui m'avaient fait mander à bord par un domestique en gants blancs. j'avais gravi l'échelle de coupée puis découvert un pont de promenade de la taille d'un terrain de tennis. Au fond gisaient deux vieillards, l'un mâle, l'autre femelle. Ils regardèrent mon oeuvre avec attention, en silence puis, sur un geste, un domestique me remit l'argent et me fit signe que "l'entretien" était terminé.

Cette profession me permit d'entrer un peu partout, par exemple pour livrer mes oeuvres à doimicile. Propriétés, châteaux. Après avoir connu la cloche, j'explorais le dessus du panier. Je croisais des femmes portant des diamants gros comme les billes avec lesquelles je jouais étant gosse.

La nuit, je dormais sur un voilier à l'ancre, non surveillé. C'était aussi simple que ça. Je pouvais m'étendre sur le pont, sous une bâche qui traînait. En soirée je liquidais les dessins invendus près du restaurant Da Boutau, où le tout Hollywood venait dîner. Je vis avec stupéfaction mon héros des séries B en boir et blanc, Burt Lancaster, rouler un patin à un beau jeune homme, et tant d'autres choses du même genre. La Gay Pride se jouait là-bas, à l'époque, loin des regards du populaire. J'ai atterri dans les lits de quelques femelles milliardaires. Là encore, c'était une expérience. Dans les cabines ou dans les propriétés je découvrais des tableaux de maîtres. Un jour j'ai trouvé un petit Breuguel, dans une chambre à couchers.

J'ai découvert la misère des nantis. Une autre espèce de misère. J'ai connu la petite fille du roi de l'Etain Bolivien, qui avait épousé un grand nom de France, avec un nom à rallonge. Beau et cynique, celui-ci avait dit à la mère " et, que crois-tu, si je t'ai épousé c'était pour ton fric et rien d'autre ". La romantique milliardaire se suicida.

Je me souviens d'un jeune de mon âge. Son père avait, aux environs de Paris, une propriété faisant fonction de coffre-fort. Elle était discrètement gardées par un jardinier et un chauffeur dont les poches intérieures révélaient la présence d'armes de gros calibre. La maison recélait de quoi remplir trois musées. Il y avait un grand Vélasquez, dans l'entrée, qui représentait des chiens. Puis des pièces, l'une emplie de marines de Turner, l'autre de Picasso. Il y avait plusieurs étages. Le fils de ce type s'appelait Ellis. Il était tombé amoureux d'un mennequin, au point qu'il auvait voulu en faire sa femme. Le père ne l'entendit pas de cette oreille et décida de donner une leçon à son fiston. Un jour il lui montra des clichés.

- Tu vois, mon fils, je suis devenu sans difficulté l'amant de cette jeune fille dont tu es épris. Ca m'a coûté un petit deux-pièces, à Neuiilly. Maintenant tu sais comment le monde fonctionne...

On lit ces choses dans les romans. Moi, je les voyais de mes yeux. Je découvrais des choses stupéfiantes. Je croisais des célébrités, des hommes politiques en découvrant les faces cachées de leurs existence. Mais, en parallèle, à cette même époque j'ai connu la plonge aux cruches à Marseille. Un autre monde qu'à toute prendre je préférais au précédent. Il faudra que j'en fasse un livre qui sera un peu l'histoire de la plongée sous-marine, bien différente des mensonges contés par Cousteau. Quand j'y pense, quelle rigolade, quel flibustier, ce cher commandant ! Un jour j'avais vu une émission où Cousteau évoquait les fouilles de l'île du Grand Conglüé, au large de Marseille, là où on avait commencé à exploiter la première épave antique. Exploiter était bien le mot qui correspondait. Cousteau ravageait le site et "confiait les amphores sous caution, en tant qu'élément du patrimoine archéologique français". Jolie combine qui payait de gasoil de ses bateaux. Je crois que c'est même dans un livre qu'il évoque un dîner que lui et ses plongeurs avaient oraganisé, en mangeant dans de la vaisselle antique ( du campanien, noirci à la litharge de plomb, qu'on trouve au Musée Borelli à Marseile) habillés en Grecs, avec des vêtements adéquats. Il évoquait "l'intense émotion que lui et ses hommes avaient ressenti". En vérité ils étaient ronds comme des queues de pelles et l'un d'eux, complètement ivre, était même tombé à la mer. Et il avait fallu qu'Yves Giraut, un des principaux lieutenants de Cousteau à cette époque, de qui je tiens cette histoire, aille le repêcher.

Peu après Lallemand avait sorti un best seller "Le Voyage de Markos Sextios", retrançant le dernier voyage de celui qui était venu sombrer à pic, à côté de ce récif en partant d'un porte de la côte Ouest de l'Iralie, à l'époque de la "Grande Grêce". Un livre riche de détails... issus de l'imagination de son auteur. Le monde a ses coulisses, partout.

Revenons à l'argent. A cette époque je partageais mon temps entre Marseille où moi et mes compagnons arrachions des aphores aux fonds marins et Saint Tropez, où nous vendions nos trouvailles, sans complexes. Les amphores n'étaient que les bidons de l'époque, avant qu'elle ne soient remplacées par les tonneaux, une fort astucieuse invention gauloise. Là encore ce commerce m'amenait dans les plus riches demeures, à bord des bateaux les plus luxueux, là où le mot luxe perd même son sens. J'ai réalisé que cette quête était sans limite et pouvait même déboucher sur les plus folles absurdités.

De Barge, propriétaire de plusieurs usines de produits pharmaceutiques, s'était fait construire un géant. Trois fois un voilier "Star", avec un mât unique de trente mètres. Outre le logement des ses matelots, une appartement somptueux, pour lui et sa compagne. Ce voilier avait une immense baignoire, disposée sur le côté. Ce qu'on avait pas prévu c'est qu'en la remplissant cela faisait gîter le bateau. Je connaissais le fils de De Barge, qui avait mon âge et s'ennuyait ferme, au commandes de son racer "Riva" en acajou. "Un jouet pour le gamin", disait son père. Grâce à ce garçon nous pouvions faire du ski nautique et nous prélasser dans les canapés du navire, de temps en temps, en dégustant le caviar à la louche. Le père ne pensait qu'à ses régates. Je lui ai joué un jour un tour à la fgaçon. La veille d'un appareillage j'ai plongé, la nuit, dans les eaux du port et j'ai accroché avec un fil de fer, à la "crépine" du bateau ( l'orifice immergé part lequel on puisse l'eau demer destinée au refroidissement eu moteur assurant les manoeuvres ) un .. casier à bouteilles.

De Barge perdit sa compétition, ivre de rage.

- Quand même, j'avais des voiles neuves !

La nuit suivante, en replongeant dans le port, j'avais enlevé l'objet du délit.

Il est sûr que la pauvreté n'a jamais rendu quelqu'un heureux. Il est appréciable de ne pas avoir de soucis d'argent et de pouvoir régler ses factures sans angoisses, de payer son plombier ou son garagiste. Mais je me suis souvent demandé à quoi servait le super-luxe. Les gens très riches s'inventent des problèmes que vous ne sauriez pas soupçonner. Un souvenir remonte. Au bout d'un cap de la baie de Saint Tropez, un certain Nus, un allemand, roi du papier WC ( ça ne s'invente pas ) avait acquis une horloge ancienne, pyrotechnique. Il s'agissait d'un canon muni d'une lentille, une superbe antiquité allemande. Quand le soleil était au zénit le rayon lumineux se concentrait sur de la poudre et, boum ! le canon signalait qu'il était l'heure d'aller déjeuner. Mais l'engin restait peu précis. Madame Nus devenait folle, hystérique, dès midi moins dix. Elle partait s'enfermer dans sa chambre avec des boules Quiès dans les oreilles et poussait un cri terrible quand l'explosion avait lieu. Ils finirent par divorcer.

Notre société possède son dessus de panier. Elle est assez bien décrite dans la série des bandes dessinées de Largo Winch. A partir d'un certain stade il semble que seul le pouvoir devient la motivation centrale. Je pense qu'il en est ainsi pour le petit Sarkozy ou tant d'autres. Mais un pouvoir, pourquoi faire ? On se souvient de l'épisode où Mitterand avait dépêché toute une escouade de militaires des sections spéciales pour aller retrouver le chat de sa fille Mazarine, égaré dans la propriété, le fort de Brégançon, apparenant à l'Etat, où elle passait ses vacances. Peut être est-ce cela, le pouvoir, après tout. Pouvoir affréter un avion spécial et une escouade du GIGN pour aller capturer un chat.

Je crois que plus les hommes pernnent de l'altitude, moins leur cerveau se trouve irrigué. A un certain niveau " on dépense sans compter ", faut d'avoir à subir un contrôle quelconque. On découvrira dans le document ci-joint qu'un Président de la republique Française coûte autant que 100 députés à lui tout seul !


Le budget officiel de l'Elysée ne représente qu'une petite partie des moyens mis à la disposition de Jacques Chirac.
A la veille du débat budgétaire, Libération décortique les comptes cachés du «château».


Par Didier HASSOUX

lundi 03 octobre 2005 ( Liberation )

Combien Jacques Chirac dépense-t-il chaque année ? L'intéressé, qui n'a pas de souci de fins de mois, n'en a aucune idée. Selon les documents officiels que l'Elysée déclare à l'Assemblée nationale chaque automne, la présidence de la République coûte près de 30,5 millions d'euros à la nation (1). Mais ce budget visible, présenté à partir de demain au Parlement dans le cadre de la loi organique de la loi de finances (Lolf), ne représente en fait qu'un gros tiers du vrai budget présidentiel. C'est ce qu'a mis au jour après cinq ans d'opiniâtreté parlementaire le député socialiste de l'Aisne, René Dosière. A partir des questions écrites aux ministres et des interpellations orales au gouvernement du parlementaire, Libération a reconstitué le volume du budget réel de la présidence de la République, la part que chaque ministère y consacre (voir infographie). C'est ce que Dosière nomme pudiquement «un déshabillage progressif». Au bout de ce strip-tease budgétaire, on découvre que des contributions ministérielles ­ en personnels, fonctionnement et investissement ­ viennent grossir la manne élyséenne à hauteur de 52 millions d'euros. Les ministères fournissent donc près de deux fois plus d'argent que le budget officiel en compte. Le budget réel dépasse ainsi les 82,5 millions d'euros. Par comparaison, celui de l'Assemblée nationale avoisine les 495 millions d'euros. Un député ­ ils sont 577 au total ­ «coûte» donc aux Français 857 000 euros. Le président de la République, lui, vaut, quelque cent députés !


La cohabitation du Président

Il y a dix ans, Jacques Chirac pesait moins, financièrement s'entend. A son arrivée à l'Elysée, en 1995, le chef de l'Etat disposait d'une ligne budgétaire annuelle officielle d'un montant annuel de 4,5 millions d'euros. Sous son règne, les crédits élyséens ont été multipliés par six (en euros constants). C'est lorsque débute la cohabitation avec le gouvernement Jospin que l'augmentation a été la plus spectaculaire, passant de 5,21 millions d'euros en 1995 à plus de 14 millions en 1998. Les manettes du gouvernement étant passées à l'ennemi, l'Elysée renforce son levier financier et humain. Un nouveau saut quantitatif intervient en 2001. Cette année-là, le gouvernement Jospin décide la suppression des fonds spéciaux attribués par Matignon à l'Elysée. Cette amputation de 3,66 millions d'argent secret est alors largement compensée par une augmentation de crédits d'un montant de 5,5 millions.

Très placidement, l'Elysée explique que son budget augmente parce qu'il prend désormais à sa charge des dépenses qui incombaient auparavant aux ministères. Ce n'est qu'en toute petite partie vrai. Cela l'est, très partiellement, pour les gommes, les crayons, les feuilles, etc. : jusqu'en 2003, ces fournitures de bureau de l'Elysée étaient à la charge du ministère de la Culture. A compter de cette date, ces sommes ont été réintégrées au budget élyséen. Dans une réponse à la question écrite n° 2465 du député Dosière, le Premier ministre répond qu'une somme totale de 3,84 millions d'euros (dont 0,96 pour l'informatique) est désormais directement à la charge de la présidence. Or, cette année-là, le budget total de l'Elysée augmente de 6,2 millions d'euros. Si on suit les explications gouvernementales, les crédits élyséens affichent donc un gain net de 2,4 millions, soit + 10 %, comparé à 2002. A quoi sert cet argent ? Nul n'en sait rien.

La plupart des ministères s'en contrefichent. Au début d'une année budgétaire, l'Elysée leur demande une somme. Ils s'exécutent, sans demander la moindre explication. En témoigne la réponse fournie par Brigitte Girardin, alors ministre de l'Outre-Mer, à la question écrite n° 35315 de «l'honorable parlementaire» Dosière : «Les sommes destinées à couvrir les frais des voyages exceptionnels sont estimées par les services de la présidence de la République. Ceux-ci informent le ministère de l'Outre-Mer du montant des sommes qui relèvent de sa participation. Une fois délégués, ces crédits sont engagés directement par la présidence.» En résumé : l'Elysée demande de l'argent, l'obtient et le dépense sans justificatif, ni contrôle. En 2003, l'Outre-Mer a ainsi fourni un demi-million d'euros à l'Elysée. Même en période de cohabitation, aucun ministère n'ose demander des comptes à la présidence. Une fois, Edouard Balladur a eu la velléité de couper des crédits à François Mitterrand. L'initiative n'a pas eu de suite. «L'incident n'en valait pas la chandelle, justifie un conseiller de l'ex-Premier ministre. La période n'était pas la bonne. Et nous avions Chirac sur le dos.»


Les avions du Président

L'année 2003, Jacques Chirac a volé 673 heures. Coût moyen de l'heure de vol, selon les avions employés : entre 4 050 et 5 750 euros, carburants, repas et salaires du personnel compris. Ces chiffres sont ceux de l'Escadron de transport, d'entraînement et de calibrage, l'Etec, qui dépend directement du ministère de la Défense et transporte le personnel ministériel. L'Etec dispose officiellement de huit appareils : deux Airbus et six Falcon. Selon la durée des déplacements, le président use de l'un ou de l'autre : Falcon 900 en France ou en Europe, Airbus A319 pour les voyages de moyens et longs courriers. Quelle que soit la destination, au moins un appareil ­ dit le «spare», («la rechange» en anglais) ­ accompagne à vide celui du chef de l'Etat. Au cas où... En 2003, Jacques Chirac a effectué une quarantaine de déplacements officiels dans et hors l'Hexagone. Ce qui représente, selon nos estimations, quelque 200 heures de vol. S'y ajoute le «spare». Soit, en comptant large, un total de 400 heures. Restent 273 heures injustifiées. De deux choses l'une. Ou l'Elysée ne déclare pas tous les déplacements du chef de l'Etat, notamment les vols privés pour les vacances au Canada, à Maurice ou ailleurs. Ou ce n'est pas le chef de l'Etat qui se déplace avec les appareils réservés à la Présidence. Et ces vols ne figurent pas au budget élyséen...

Cet été 2003, Jacques Chirac effectue un long voyage officiel en Malaisie, Nouvelle-Calédonie puis Polynésie. La moitié de la flotte aux couleurs de la République est mobilisée pour ce tour du monde : les deux Airbus et deux Falcon. Pour des raisons d'emploi du temps, l'épouse du chef de l'Etat zappe l'étape malaisienne. Elle part rejoindre son époux à Nouméa, via un avion de ligne et une escale à Tokyo. Mais le confort des premières d'Air France ne sied pas à Bernadette Chirac. Arrivée au Japon, elle obtient qu'un des deux Falcon déjà posé en Nouvelle-Calédonie vienne la chercher. Soit une douzaine d'heures de vol aller-retour pour un coût de près de 70 000 euros. Les caprices aériens de Bernie coûtent près d'une année de salaires de son mari.


Le personnel du Président

L'Elysée est une entreprise moyenne. Le chef de l'Etat emploie 740 fonctionnaires, pour un coût de 28,6 millions d'euros, soit la moitié du budget officiel de la présidence. Ils ne sont pas tous en permanence à l'Elysée. Certains n'y viennent même jamais. Le gros des troupes est fourni par le ministère de la Défense : 466 militaires ou assimilés sont détachés au service du chef de l'Etat. Parmi eux : le chef de l'état-major particulier du président de la République, ses aides de camp, le commandant militaire de l'Elysée, et 248 gardes républicains chargés notamment de la protection de Jacques Chirac. Pour le même job, le ministère de l'Intérieur fournit, lui, 40 fonctionnaires, tous affectés au service de protections des hautes personnalités (SPHP). Les traitements de ces policiers ne sont pas intégrés au budget élyséen, ni dans celui du SPHP. L'Intérieur précise que «le fonctionnement de ces unités est inclus dans le budget de fonctionnement et d'équipement global du service, sans rubrique spécifique».

Jusqu'en 2003, les quinze salariés de La Poste au service du chef de l'Etat n'émargeaient pas non plus au budget de l'Elysée. C'est leur entreprise qui les payait directement, primes comprises. En 2004, la situation devait changer : la présidence de la République s'est engagée à rembourser La Poste. De la même façon, il a fallu attendre 2002 et l'arrivée de Bertrand Delanoë à l'Hôtel de Ville de Paris en remplacement de l'ami Tiberi pour que les trente-trois agents municipaux parisiens ­ dont un maître ouvrier, un jardinier, trois chauffeurs ­ qui travaillent au «château» soient rétribués par l'Elysée. En revanche, personne ne peut dire combien de personnes emploie la crèche élyséenne que fréquentait le petit-fils du Président. Son personnel est totalement pris en charge par l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (APHP)...

Le salaire du Président

Le traitement du chef de l'Etat est d'un montant annuel de 79 133,70 euros (6 594 euros mensuels). C'est Matignon qui le précise en réponse à la question n° 37542 de René Dosière. Ce «salaire» est donc inférieur à celui du Premier ministre (194 000 euros), inférieur à celui d'un ministre (125 000 euros), inférieur aussi à celui d'un secrétaire d'Etat (113 000 euros). Cette anomalie républicaine, personne dans les services du Premier ministre comme dans ceux de l'Elysée n'est en mesure de l'expliquer. Personne ne sait qui en est à l'origine, ni à quand elle remonte. Seule explication fournie à Dosière : «C'est la tradition.» Comme si le chef de l'Etat échappait à la loi. Car les rémunérations des autres élus, elles, sont fixées par le législateur.

A l'avenir, on peut espérer une plus grande transparence des deniers de l'Elysée, mais on est loin d'une mise en cause du modèle de président-monarque qui sous-tend ce budget. Tous les «locataires» de l'Elysée en ont bénéficié, l'actuel se régale... Il est probable que la présidence continue de garder pour elle ses secrets. La représentation nationale ne connaît pas, par exemple, l'ampleur du parc automobile élyséen. Elle ne sait rien non plus du coût des bouquets qui fleurissent chaque jour le palais du Faubourg-Saint-Honoré. Elle ignore totalement ce que représente l'entretien des résidences secondaires du chef de l'Etat (Marigny, Rambouillet, Souzy-la-Briche, fort de Brégançon, etc.) et celui des chasses élyséennes. Elle ne soupçonne même pas la superficie des locaux ­ bureaux et logements ­ que la présidence occupe.

(1) Tous les chiffres donnés ici sont de 2003.

 

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