Après le NON

27 juin 2005

Au printemps 2005 un phénomène étonnant est intervenu, d'abord en France, puis s'est étendu rapidement à d'autre pays européens.Mais voyons d'abord ce que s'est passé en France.

Je trouve personnellement que ce phénomène est historique, même si l'affaire devait par la suite tourner court. En effet, les partisans d'un vote positif destiné à entraîner la ratification du projet de constitution européenne a été précédé d'une campagne médiatique hallucinante, par un matraquage tous azimuts, sans précédent. Dans nos médias, les temps de parole accordés aux partisans du OUI atteignaient le double de celui accordés aux tenants de la position inverse, au point qu'une masse de journalistes signèrent une pétition dénonçant ce manquement à l'éthique de leur profession. Des personnages publics des plus importants ont mis leur glaive dans la balance. Le chef de l'Etat tout d'abord, qui y a engagé sa respectabilité, sa crédibilité et a présenté cet assentiment comme une mesure d'évidence, de civisme et de salubrité publique, "frappée du sceau du bon sens". Il y eut ensuite le premier ministre, Rafarrin qui, avec des air des proviseur de lycée autoritaire a tenu son rôle de "fusible" pendant trois longues années, accumulant les mesures impopulaires. Ajoutez 80 ou 85 % des représentants de la classe politique. Parmi "les personnalités politiques de premier plan", seuls Laurent Fabius, Emmanuelli et Chevènement s'engagèrent en faveur du NON. Ce à quoi il faut ajouter les représentants du parti communiste

Il faudrait des pages pour recenser les chantres de ce OUI, que ceux-ci présentaient comme une évidence. Je me souviens d'une phrase de Jack Lang, concluant

- Vous voterez OUI à cette constitution, car c'est une bonne constitution.

Daniel Cohn-Bendit, ex "Dany le rouge, en 1968", de nationalité allemande, représentant des "verts" à l'assemblée européenne, se manifesta activement en arpentant l'hexagone en faveur du oui en France. On vit Strauskhan, le socialiste, interviewer un haut responsable politique allemand, en traduisant en français les déclarations de celui-ci, venu expliquer que dans son pays la constitution européenne avait été adoptée dans l' assemblée de son pays avec 90 ou 95 % des voix.

Les grands journaux donnèrent de la voix. Vous vous souviendrez de gros titres de couverture portant " Ils vous mentent ! ". Tout a été utilisé, les ficelles les plus éculées, sans doute recommandées par des "conseillers en communication". Quand un Laurent Fabius ou un Chevènement avait un temps de parole sur le petit écran, on faisait suivre cette séquence par un plaidoyer émanant d'un Jean-Marie Le Pen, participant à un dîner politique de deux cent couverts ou une sortie de son ex-valet, dont j'ai oublié le nom, réunissant un quart de cet effectif. Quand cet épouvantail de droite ne suffisait pas, on passait à l'extrême-gauche. Des séquences montraient des hommes et des femmes, en très petit nombre également, porteurs de drapeaux rouges amplement déployés. Le message était simple :

- Si vous votez NON, non seulement vous voterez contre l'Europe en fusillant son avenir, mais vous voterez aussi contre la France, vous joindrez vos voix à celles de racistes, de dangereux agitateurs.

Les "débats", comme par exemple ceux animés par Christine Ockrent furent d'une indigence absolue. On entendit ce vieillard nommé Giscard d'Estaing parler de sa fierté d'avoir largement contribué à la rédaction de ce texte. Quelle belle relance de sa carrière politque ( comme cela aurait pu être le cas pour un Chirac ) que de devenir éventuellement le premier " Président de l'Europe ".

Tout, absolument tout fut mis en oeuvre pour que le projet passe. Certains électeurs m'écrivirent " Monsieur Petit, dans ma circonscription les bulletins du oui sont imprimés sur du papier de bonne tenue et de bonne qualité, ceux du non sur un support exécrable ! "

En pourtant tout cela n'a pas marché. Peu importe quelles furent les motivations des uns et des autres. Le NON l'emporta avec 55 % des voix. La déroute de la classe politique fut totale. Raffarin, limogé, disparut comme dans un trappe. La cote de popularité de Chirac tomba à 26 %.

Un président de la République est censé être "le président des tous les Français". Mais la cinquième République, voulue par un de Gaulle pour palier l'impuissance de la quatrième, où les premiers ministres se succédaient à une cadence effrénée, dotait le chef de l'Etat d'un pouvoir fort. Rappelons à grands traits les éléments essentiels de cette Quatrième République, la constitution précédente, que de Gaulle avait tant décrié. Le pouvoir exécutif était confié à un Président du Conseil choisi par le Président de la République, dont le rôle se limitait à chercher l'homme qui, à un moment donné, lui paraissait représenter le plus fidèlement l'opinion de la majorité des Français, laquelle était elle-même censée être reflétée par les membres de l'Assemblée Nationale, que ceux-ci avaient installé à leur poste par voie électorale. Ce Président du Conseil gouvernait alors à vue, vaille que vaille. De temps en temps, quand une opposition trop forte semblait se manifester il sollicitait l'assentiment des députés à travers un "vote de confiance". Si celui-ci était en sa défaveur il devait se démettre et le Président de la République devait en chercher un autre.

De Gaulle remplaça cette consultation par une, plus directe, s'opérant à travers le système du référendum, en appelant les Français à s'exprimer directement, et non à travers leurs représentants à l'assemblée Nationale. C'est ainsi qu'il finit par quitter le pouvoir, en &&& ( je ne rappelle plus la date exacte ). De Gaulle, c'était :

- Etes-vous d'accord avec ma politique, la façon dont je mène la barque ? Répondez-moi par oui ou par non.

Au premier vote négatif, dans l'esprit de la constitution de cette Cinquième République qu'il avait créée à sa mesure, est imant qu'il n'était plus soutenu et approuvé par la majorité des Français il démissionna de ses fonctions et se retira de la vie politique.

Etant donné le bide phénoménal que notre actuel président venait de connaître il aurait dû normalement démissionner. Etant donné le désaccord flagrant entre la volonté populaire, exprimée démocratiquement par le vote et les positions tenues par 85 % de ce qu'on appelle maintenant "la classe politique" il aurait dû dissoudre l'assemblée et renvoyer les électeurs vers un nouveau choix, double, celui de leurs représentants à l'Assemblée nationale et celui de leur Président de la République Il n'en fit rien, en particulier parce que cette démission aurait marqué la relance immédiate des poursuites judiciaires dont il est l'objet depuis de longues années, pour détournements de fonds, abus de biens sociaux. Au contraire, dans le cas d'un succès du OUI, s'il avait pu être nommé " Président de l'Europe " ceci aurait étendu sa protection contre les foudres de la justice pour des années supplémentaires par le système de l'immunité protégeant les représentants élus.

Plus incroyable encore : il choisit comme premier Ministre de Villepin ( qui n'a jamais été élu par qui que ce soit ), fervent partisan du OUI. Les remaniements ministériels s'avérèrent dérisoires, dans le style "on prend les mêmes et on recommence".

Ce qui se produisit à la tête de l'Etat eut son pendant dans les formations politiques. François Hollande, secrétaire du Parti Socialiste, exclut du comité directeur de son parti Laurent Fabius, parce que celui-ci n'avait pas suivi les consignes de vote "socialistes" et adopté une attitude de franc-tireur contestataire. En fait, étant donné les résultats du référendum la logique aurait voulu que le PS consulte sa base et procède à une réélection du son comité de direction. Mais il ne l'a pas fait. Toutes les structures, étatiques ou des partis politiques ont fonctionné de manière non-démocratique. Dans de nombreux pays, à commencer par l'Angleterre, les referendums destinés à questionner les citoyens sur l'opportunité de ratifier la constitution européenne furent reportés sine die.

De quelque côté que l'on se tourne, aucun homme politique n'accepta d'envisager une seule seconde qu'il ait pu se trouver en désaccord avec la volonté populaire, d'accepter le verdict des faits. Tous s'empressèrent de dire qu'il ne pouvait s'agir que d'un malentendu, que les Français "avaient mal voté parce qu'ils avaient mal compris. "Et ils avaient mal compris parce qu'on ne leur avait pas assez bien expliqué". C'est un aspect de la politique française et de la politique européenne en général. Il n'y a aucun débat avec les administrés, les citoyens européens. Les représentants de la classe politique ne sont pas là pour être à l'écoute du pays, mais pour "expliquer", à des électeurs trop bêtes, sans doute, pour avoir des idées claires sur les sujets du moment.

Au passage on a envie de paraphraser Clémenceau :

La politique est peut être un sujet trop sérieux pour être laissé aux politiciens.

- Les Français sont des veaux, avait dit un jour de Gaulle.

Dans cette logique, étant donnés les moyens mis en oeuvre et les opinions exprimés, on pouvait s'attendre à ce que l'opinion publique, aussi puissamment manipulée, obéisse au diktat formulés par le chef de l'Etat, son Premier Ministre, les chaînes de télévisions, pratiquement tous les grands organes des presse et 85 % des hommes politiques.

Or c'est le contraire qui s'est passé. On pourrait même dire que ce bourrage de crâne pourrait avoir eu l'effet inverse.

Quelles que soient les motivations réelles de électeurs il faut s'arrêter sur cet événement, qui nous laisse un faible espoir. Le leit motiv de mon site est :

Apprenez à penser par vous-même, sinon d'autres le feront pour vous

Au-delà c'est tout le système démocratique qui est remis en question. Pour compléter ajoutons, alors qu'en Italie, en Allemagne et dans d'autres pays Européens, comme l'Espagne le projet de constitution européenne avait été massivement accepté par les députés des différents pays, le second referendum, qui s'est tenu en Hollande, s'est soldé par un rejet avec 70 % des voix. Du coup l'Angleterre, puis le Danemark, ont décidé de reporter ce type de consultation, ce qui ne signifiait nullement dans l'esprit des différents dirigeants politiques que ce texte serait susceptible d'être renégocié. Tous pensèrent que ça n'était qu'une question de temps et qu'après avec "mieux expliqué les tenants et les aboutissants, après avoir bien fait comprendre ce texte aux intéressés" tout se passerait bien. Mais dans les faits ces événements en cascade semblent bien entraîner une dislocation complète de l'Europe. Dans certains pays comme l'Italie se manifestent déjà des mouvements de groupes qui poussent à ce que le pays ... sorte de l'euro.

Cette affaire est-elle sauvable ? Pourquoi soudain ce rejet des "bases" des pays alors que l'ensemble des classes politiques adhéraient au projet ?

Je pense qu'il existe une réponse à cette question, à condition de s'en poser une autre : qu'est-ce que la classe politique dans un pays européen, et en particulier dans le pays France ?

La démocratie est née en Grèce. Etymologiquement c'est "le pouvoir au peuple". Démos en Grec signifie le peuple et cratos, le pouvoir. Dans les cités grecques les questions politiques ( de polis, la ville) devaient être débattues en public, sur l'agora, la place ( République , vient du Latin res publica, autrement dot :"la chose publique" ) . Cela impliquait que les citoyens, les "hommes libres" de la cité soient tenus de se rendre sans cesse sur cette place pour entendre des orateurs proposer des mesures et être à même d'émettre des critiques ou des suggestions. Tout cela représentait une perte de temps considérable pour les gens qui étaient artisans, qui avaient, dans la journée, des choses à faire. Périclès introduisit donc le premier une rétribution, une indemnisation de ces gens qui, pour pouvoir participer aux affaires de la ville étaient obligés de s'absenter de leur lieu de travail. Puis, avec le temps, apparurent des "politiciens à plein temps".

De nos jours la politique est devenue un métier. Je ne crois pas me tromper en disant qu'un homme comme Jacques Chirac, qui avait fêté ses quarante ans de politique, n'a jamais fait autre chose de sa vie. Je ne sais pas ce qu'a fait Giscard d'Estaing ( qui, au passage, s'appelait monsieur Giscard et a payé le droit de rajouter à ce nom plébéien celui d'y accoler ce complément plus aristocratique ). Au départ c'est un polytechnicien, qui a complété ces deux années passées à l'X par des études à l'ENA, l'école nationale d'administration. Sauf erreur monsieur Giscard d'Estaing n'a jamais été salarié d'une entreprise, n'a jamais dirigé une entreprise. Au mieux, avant de devenir un professionnel de la politique a-t-il été ce qu'on appelait jadis "un grand commise de l'Etat", c'est à dire un fonctionnaire, promu rapidement "haut fonctionnaire", ce statut constituant une antichambre optimale pour l' entrée dans "le vie politique du pays".

Or il est un fait : on ne peut comprendre les problèmes des autres que si on les a, au moins pendant un temps, véritablement partagés. Comment imaginer les réactions d'un ministre du travail qui n'aurait jamais été salarié, ni dirigé d'entreprise, ni tout simplement jamais été "immergé dans le monde du travail" ? Comment imaginer un ministre de l'éducation nationale qui n'ait jamais été enseignant ? Comment imaginer un "ministre de l'emploi" qui n'ait jamais souffert de précarité, ni connu le chômage ? Comment imaginer un ministre le l'industrie et de la recherche qui n'ait jamais été ni industriel, ni chercheur ? Etc...

Inutile de citer des noms. Vous savez pertinemment que les sièges ministériels ont été maintes fois, je dirais même plus la plupart du temps occupé par des gens qui n'avaient jamais mis un doigt, un pied dans l'univers qu'ils étaient censés gérer. Cela rappelle la phrase de feu Desproges :

- Les hommes politiques sont des gens qui sautillent de droite et de gauche avec une incompétence dont la constance force le respect.

Le second point concerne l'origine sociale de ces hommes politiques. Dans leur immense majorité ils sont issus de groupes sociaux où on ne démarre pas de zéro, où quand on s'établit dans la vie "la famille offre d'emblée logement, voiture, avantages, subsides". Ils ont ignoré les contraintes écrasantes des crédits pour l'accession à la propriété, les soucis liés à la recherche d'un emploi, la poursuite de leurs études, le risque de la précarité. Ce sont, d'emblée, des privilégiés. Quand ils sont issus de classes populaires, c'est encore pire car ils s'empressent alors de vouloir ignorer leur origine modeste, achètent châteaux, meubles anciens et yacht, envoient leurs enfants dans de coûteuses écoles privées, fréquente "la Haute" et la jetset.

Quand ces gens ont réussi à prendre pied dans la classe politique, à condition qu'ils observent les "normes du groupe", la précarité disparaît. N'allez pas croire que parce que monsieur Rafarrin a été viré en tant que Premier Ministre il se retrouve au chômage. Le premier souci de cette classe politique a été de créer un système "d'assurance-chômage" et "d'assurance-retraite" extrêmement efficace. Ces gens ont la possibilité de s'enrichir, parfois de manière spectaculaire et pas forcément très honnête. Quelqu'un imaginerait-il une seule seconde que notre actuel Président de la République ait contracté un emprunt à long terme pour acheter le château où il réside, ou pour le remettre en état ( on sait que cette réfection fut payée par le contribuable, le bâtiment ayant été classé monument historique ). Même chose pour l'acquisition des terrains aux alentours ( afin de préserver la tranquillité du couple ) dont l'achat a été financé par une ... association humanitaire, la fondation Georges Pompidou.

Un homme politique devient, très vite un personnage qui, outre le fait qu'il est rétribué pour sa charge, est équipé d'un parachute dorsal, et même d'un ventral. Tout cela se paye, implique une certaine adhésion à des groupes de pression, d'opinion, ou tout simplement financiers. Cela n'est un mystère pour personne.

En un mot comme un seul, tous les hommes politiques sont issus de classes sociales de privilégiés ou ont intégré ces couches de la sociétés. Ils sont propriétaires de biens, d'actions, perçoivent des loyers et, quand ils en payent c'est ... au frais de l'Etat. Tous ces hommes et ces femmes sont pour la plupart totalement coupés des réalités et des problèmes du quotidien des hommes et des femmes de leurs pays".

Le hasard a fait que j'ai personnellement fréquenté de très près des hommes politiques, à très haut niveau, il y a bien des années. Je n'étais pas issu d'une classe de privilgiés, loin s'en faut. J'ai commencé à gagner de l'argent en travaillant dès l'âge de douze ans. Mes talents de dessinateur et de musicien, de compositeur de chansons viennent de là. Le hasard a fait que je me suis lié d'amitié avec un homme, aujourd'hui décédé, qui appartenait à ce qu'on appelle l'aristocratie, avait un nom doté d'une particule et connaissait une certaine aisance. Cet homme, aujourd'hui décédé, avait fait Saint-Cyr. En 1940, après la débâcle de l'armée française il s'empara d'un avion de tourisme et, emportant avec lui sa femme et sa fille, gagna l'Angleterre à partir de laquelle il participa fort courageusement à la bataille du même nom, en tant que pilote de chasse. Là-bas il retrouva des gens issus de sa catégorie sociale, comme Marin la Meslée, également pilote de chasse, qui fut tué au combat. Mais il se retrouva compagnon d'armes de gens issus de familles modestes, chacun sauvant périodiquement la vie de l'autre. Il y a des expériences qui font totalement éclater la vision du monde transmise par l'éducation, qui dévaluent le système des castes. Mon ami apprit ainsi qu'on pouvait être issue d'une grande famille, avoir un nom à rallonge, et n'être qu'un lâche et un imbécile. Il apprit aussi qu'on pouvait être issu d'une famille très modeste et posséder une réelle noblesse d'âme.

Quand il mourut, le gouvernement français rendit hommage à ce héros de la seconde guerre mondiale au cours d'une cérémonie qui eut lieu aux Invalides. Mais, en parallèle, il fut intègre, généreux, travailleur et laissa dans l'esprit de nombreux hommes et femmes qui l'avaient connu et avec qui il avait travaillé un souvenir impérissable. Il m'aida beaucoup, à plusieurs reprises. Je peux dire par exemple que lorsque je finissais ma thèse en 1965 en tirant quelque peu le diable par la queue il se rendit à Bruxelles et réussit à négocier avec la rédaction du journal Spirou la publication de ma première bande dessinée "Le Voyage du Maxiflon" (voir le CD Lanturlu 2 ). Il n'avait pas ses entrées là-bas. Il était de passage à Bruxelles et en profita jouer un rôle "d'agent littéraire" bénévole.

En étant dans son sillage il me fut donné d'approcher nombre de personnages connus et de souper à leur table, parfois dans des châteaux, peuplés par une nombreuse domesticité. Je pus observer des hommes politiques qu'on dirait aujourd'hui apartenir à la "gauche caviar", issus de familles cousues d'or, emmenant leur future femme dans le métro "pour leur montrer le peuple de près". Je pourrais écrire un livre sur tout ce que j'ai vu et entendu à cette époque. En vrac, quelques phrases :

- L'argent n'est rien pour moi. Je pourrais très bien dormir sur un canapé.

- Quand on se marie et qu'on attend un enfant se présente alors un problème très épineux à résoudre : comment mettre la main sur une bonne nurse. De nos jours les bonnes nurses sont devenues très rares.

- Vous savez, ce sont les gens qui ne possèdent rien qui sont finalement les plus heureux. Vous n'imaginez pas, Jean-Pierre, quel souci cela peut être de faire construire ou de gérer des loyers. Vous avez de la chance de ne pas connaître tout cela.

En 1961, quand je partais pour les Etats-Unis un jeune fils de famille de mon âge me tint ce discours :

- Vous partez pour New York par bateau ? Alors, j'ai un excellent tuyau à vous refiler.
- Ah bon, lequel ?
- Eh bien vous achetez une Ferrari et vous la chargez à bord. Puis, quand vous arrivez aux Etats Unis vous dites "voilà, j'ai une Ferrari toute neuve, clef en main", et vous gagnez au passage 20 %
- Mais, comment est-ce que j'achète la Ferrari ?
- Eh bien, vous demandez simplement à votre père de vous avancer l'argent....

Ces anecdotes empliraient un ouvrage entier.

En parallèle je fréquentais, à Marseille, des "plongeurs de cruches", hauts en couleur, à une époque où le milieu des plongeurs et des corailleurs était géographiquement très proche du milieu et des gens qui exportaient des armes vers l'Algérie. Ce qui ne veut pas dire que ces plongeurs étaient des bandits. Mais nous croisions souvent en mer, en particulier lors de plongées effectuées de nuit, d'authentiques gangsters, armés jusqu'aux dents, Avec mes compagnons plongeurs, été comme hiver, je ramassais des amphores en jouant "aux gendarmes et au voleurs" avec la police maritime ( autre livre que je devrai un jour écrire ). Puis nous les vendions à des gens issus de milieux variés ( qui étaient parfois des hommes politiques connus ). Cela me permettait d'avoir pendant mes études d'ingénieur, où ma bourse d'entretien complète ne couvrait pas le loyer de la chambre de dix mètres carrés où j'habitais, des rentrées qui me permettaient de partir au ski, de voyager et d'avoir une vie à peu près décente. .

L'été, nous faisions avec ces amis la navette entre Marseille et Saint Tropez. A la fin de ces années cinquante il: était de bon ton, dans ce petit port de la côte varoise, de s'encanailler. Le fils du propriétaire d'usines pharmaceutiques emmenait ainsi dans son luxueux hors-bord Riva en acajou des plongeurs comme nous, plus le fils du boulanger ou celui du pêcheur du coin. Les parents d'un garçon, propriétaires d'usines en Amérique du Sud fermaient les yeux quand leur fils invitait dans la propriété familiale ou à bord du yacht des gens "issus d'un peu n'importe où".

Je peux dire ainsi que dès mes dix-neuf ans j'ai pu explorer "la France d'en Haut" et "la France d'en bas"; dans toute la largeur du spectre. Intéressante expérience. S'agissant de la "France d'en haut" je peux dire que sa position pourrait se réumer à une phrase :

- Riche au pauvre, qu'est-ce que ça peut faire quand on a de l'argent

Le problème est que c'est "la France d'en haut", qui gère la France tout court ( "au mieux de ses intérêts" dirait un juriste ) et en particulier la France d'en bas et constituée par une frange de la population qui ignore tout des réels problèmes du reste des habitants du pays France. Ces gens, issus de cette France d'en Haut, ont toujours ignoré et ignoreront toujours les problèmes de l'emploi, la précarité. Ce sont ces mêmes hommes qui ont rédigé ce projet de constitution européenne, et cela dans tous les pays concernés. Certains ont agi avec cynisme, songeant à leur propre intérérêt de classe, mais d'autres ne comprennent simplement pas pourquoi " les Français refusent de s'adapter aux contraintes de l'économie de marché ".

Vous n'imagineriez pas à quel point nos hommes politiques et nos journalistes sont à ce point coupés du monde.

Le résultat de ce referendum a tétanisé la France, provoqué de nouveaux débats télévisés, en particulier à " C'est dans l'air ". J'ai entendu des gens proposer qu'on mette en chantier la constitution d'une "Sixième République". On a vu émerger des remarques comme " La classe politique, dans son ensemble, s'est totalement discréditée ", " La crédibilité du Président de la République est tombée à zéro ", " le pays risque des mouvements sociaux importants ".

J'ai de nombreux amis qui ont voté pour cette constitution ... sans même avoir lu une ligne de ce texte ( soit parce que c'était "trop compliqué", soit parce que c'était "écrit en trop petits caractères" ). Mais tous ont cru "voter pour l'Europe". et je crois qu'il en est ainsi pour de nombreux Français. J'ai signalé dans mon site de nombreux disfonctionnements dans ce texte et j'a personnellement appelé, arguments à l'appui, à voter non.

Non pas à l'Europe, mais à "cette Europe-là", à l'Europe du fric, du profit, du capitalisme sauvage, du laminage des acquis sociaux sous prétexte de compétitivité, de l'ajustement pas le bas. Non à l'Europe des Nouveaux milliardaires et des nouveaux pauvres. J'ai pu constater que je n'avais pas été le seul à avoir cette réaction. A la suite du résultat de ce référendum, qui a ouvert une véritable crise politique, j'ai entendu des gens me dire :

- Après tout cela j'ai été quelque peu déçu de ne pas voir ( tel ou tel parti politique ) ne pas reprendre ce problème en main.

Je leur réponds :

- N'espérez plus rien d'un système parlementaire si vous ne le contrôlez pas, si vous abandonnez tout à vos élus. S'ils ne sont pas cupides, malhonnêtes, ils le deviendront. Le pouvoir corromps. Organisez-vous et agissez.

C'est déjà le cas. On me cite l'exemple de gens qui ont créé un forum international pour tenter de construire un autre modèle de constitution européenne. Le voici, pour mention :

http://www.appel-constituante.org

Les verts ne tiennent pas leurs promesses. Voir par exemple ce lamentable personnage politique qu'est " Dany le rouge ". Allez voir ailleurs. Jetez par contre un oeil à :

http://easy.spad.free.fr/index.htm

Voilà des gens qui ont décidé de s'organiser pour mettre sur pied des systèmes qui économisent l'énergie et réduisent la pollution.

Au-delà, je pense que notre planète vit une crise extrêmement grave. Hubert Reeves, se piquant soudain d'écologie déclarait il y a quelques mois du fond de sa luxueuse propriété :

- Je crois que si nous ne faisons pas quelque chose, cela risque d'aller très mal d'ici trente ans.

Personnellement je diviserai ce délai par trois. Or aucun homme politique français, aucun journaliste français ne semble en avoir conscience. Quand on écoute Daniel Bilalian nous parler chaque jour de chiens écrasés, nos bras et nos mâchoires se décrochent. Est-ce cela qui se passe dans le monde actuellement ?

A tout hasard, abonnez vous à Yahoo Actualités ! ! C'est gratuit et déjà moins vide que les discours télévisuels. Vous trouverez l'URL sur Google.

Oui, notre monde est inquiétant, stressant, mais c'est le monde dans lequel nous vivons. Je connais des gens qui vivent dans une grande aisance, qui n'ont jamais connue la moindre "tuile", ni pour eux, ni pour leurs enfants, sur aucun plan. Appartement de 500 mètres carrés en plein Paris, avec bout de jardin. Revenus, propriétés. La femme préparait, la dernière fois que je l'avais vue " le rallye des Gazelles ", un Paris-Dakar pour bourgeoises friquées. Comment, par les temps qui courent, alors que 25.000 personnes meurent de faim chaque jour peut-on claquer de l'argent dans de pareilles futilités ? C'est de l'inconscience totale. C'est aussi le fait de gens qui se croient à l'abri de tout. Or qui peut dire que d'ici dix ans nous n'aurons pas une crise sociale, économique, monétaire, écologique majeure, avec de vastes mouvements de populations. Regardez ce qui s'est passé au Portugal où soudain 500 jeunes issus de quartiers défavorisés ont déferlé sur une plage, débordant complètement les rares policiers qui s'y trouvaient et détroussant les baigneurs. Personne n'avait prévu un chose pareille.

Regardez la façon dont Sarkozy envisage l'avenir, dotant ses policiers et ses gendarmes "d'armes non-léthales dont ils pourront enfin se servir", ce qui,précise-t-il, restaurera leur autorité. Allez voir sur cette vidéo comment les choses se passent déjà au Etats-Unis.

Réagissez, agissez, comptez sur vos propres forces, réfléchissez par vous-mêmes. J'ai écrit :

Apprenez à penser par vous-mêmes. Si vous ne faites pas, d'autres le feront pour vous

On peut compléter en disant :

Organisez vous pour vous mêler de la gestion de votre quartier, de votre ville, de votre pays, de votre planète.
Si vous ne faites pas, d'autres le feront pour vous, n'importe comment, avec n'importe quoi.

La seule arme dont nous disposions c'est Internet, qui constitue notre premier et notre dernier espace de liberté. Profitez-en avant qu'il ne soit trop tard, que la férule ne s'abatte sur ce secteur-là aussi, grâce au méandres de "la loi sur l'économie numérique", la fameuse LEN. On peut peser sur son temps sans avoir à descendre dans la rue. Un simple professeur de droit, analysant le texte de la constitution européenne, a peut-être entraîné à lui seul le basculement de plusieurs centaines de milliers d'électeurs. Avec un simple site Internet.

Si vous descendez dans la rue, on vous surveillera avec des caméras embarquées à bord de dirigeables télécommandés ( comme ça a été le cas à Paris pour la fête de la musique le 21 juin 2005 ), on vous neutraliser avec des drones. On vous gazera, on vous électrocutera, on vous assommera avec des matraques électromagnétiques qui ne laissent aucune trace visible sur votre corps.

Voici venu le temps des Robins des Bois du numérique, des manifestations virtuelles, des votes par e-mail, des e-forums internationaux, le jour où des gens se décideront enfin à doter des outils comme MSN Messengers d'un système de traduction automatique.

Les revendications doivent se formuler à l'échelle internationale, sur tous les plans, économiques, financiers, bancaires, écologistes, d'affectation des ressources terrestres. Vous cherchez des idées ? Il n'en manque pas. En finir avec les paradis fiscaux, les systèmes bancaires qui permettent le recel, les secrets bancaires qui autorisent les détournements de biens sociaux et les dissimulations. Exigez un système social où les biens, les avoirs, les revenus et les affectations des dépenses des élus puissent être consultés sur un simple clic de souris. Ce qui est révolutionnaire c'est la Vérité, la transparence. Les malversations ne peuvent perdurer que dans le secret.

Il faut être aveugle et sourd pour ne pas voir que les problèmes se mondialisent. Les solution véritables ne peuvent être que planétaires. Il serait de la plus extrême urgence que les hommes et les femmes de cette planète puissent se doter d'un outil leur permettant de communiquer par delà la barrière de leurs langues respectives. C'est faisable à condition de le vouloir.

Le contrôle en temps réel des choses de la planète est aussi une chose faisable, ce qui aurait été impensable il y a seulement quelques années. N'êtes vous pas parfois sidéré de la rapidité de la réponse d'un outil comme Google, qui gère des milliards de pages Internet ? Comment cela fonctionne-t-il ? C'est une "machine" centrée autour de la technique du multiprocesseur. Goggle, ce sont des milliers de machines qui travaillent en parallèle et s'informent les unes les autres. Imaginez que vous souhaitiez avoir, dans une bibliothèque, accès à des documents. Imaginez que les "biblothécaires" soient aussi nombreux que les lettres de l'alphabet ou que les couples de lettres de l'aphabet, etc. Quel gain de temps.

Il serait aujourd'hui techniquement possible que n'importe quel citoyen de la planète puisse avoir instantanément accès au montant du compte ou des comptes de n'importe quel homme politique, à sa "feuille de paye", à la description de ses biens, de ses revenus, à l'envelope correspondant à ses frais de déplacement ou de représentation.

Plus haut, j'ai cité un lieu de réflexion axé sur la recherche d'une autre constitution Européenne. Mais, à dire vrai, c'est un projet de constitution planétaire que nous devrions envisager. Avec non seulement des droits, mais aussi des devoirs.

Tout cela est "utopiste" mais, comme le disait René Dumont, l'écologiste, c'est "l'utopie ou la mort".

Nous vivons la décennie de tous les dangers

 

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