En une même soirée :
Les deux versants du monde

16 février 2005

Nous avons eu droit, hier soir, à deux émission étonnantes. D'abord sur ARTE, le mardi 15 février à 20 h 45 un film d'Eugène Jarecki d'une heure vint, intitulé " Le Nerf de la Guerre ", dont les thème était " les Etats-Unis et la Guerre ". Puis, sur ARTE, à 23 h 50 un autre document intitulé " Algérie 1988-2000, autopsie d'une tragédie ".

( Remarque : si quelqu'un avait enregistré un de ces documents, voire les deux, et pouvait m'en faire une copie en Divx ou Avi je lui en serais extrêmement reconnaissant, car il s'agit réellement de documents d'études ).

Lorsque la télévision nous ment, il faut le dénoncer. Aucune n'échappe à la règle. Mais l'information n'est pas homogène, ni dans un sens, ni dans l'autre. Comme je le dis et je le répète " apprenez à penser par vous-même, sinon d'autres le feront pour vous ". En cette soirée du mardi 15 février 2005 il semble que deux médias nous aient mis sous les yeux d'un coup des deux extrêmes des grands problèmes du monde, de la manière la plus crue qui puisse se faire.


1 - LA NOUVELLE ROME.

Commençons par le premier film. Il y a deux images obsédantes, en toile de fond. La première est un discours d'Einseinhower, celui qu'il prononce le jour où il quitte la vie politique et où il avertit ses concitoyens, et le monde entier, d'avoir à se méfier d'une prise de pouvoir du pays par ce qu'il appelle ( il invente au passage le mot ) " The military industrial complex " , le Complexe Militaro Industriel. Le réalisateur reviendra sans cesse sur cette séquence, tout au long du film. Ele en forme l'introduction et la conclusion.

Tout y passe. On interviewe l'homme de la rue Américain, à propos de la guerre en Irak

- Qu'est-ce que nous sommes allés faire là-bas ?

Les réponses sont variées :

- Défendre la liberté... nos libertés.
- Nous y sommes allés parce qu'il fallait bien le faire....
- Je suppose que si notre président a envoyé nos gars là-bas, c'est qu'il devait avoir ses raisons.....
- Je ... ne sais pas..... à dire vrai, je n'en sais rien....

Ce film présente toute une kyrielle de documents, montrant les propos de Donald Rumsfeld, de Dick Cheney et de Bush avant le déclenchement de cette opération. Il suffit d'écouter leurs propres phrases.

- Nous savons que Saddam Hussein développe des armes de destruction massive.... nous avons les preuves de cela..... un jour il pourra bombarder notre propre pays..... Nous devons intervenir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.... Saddam développe la bombe atomique.... nous savons qu'il a tenté de se procurer de l'uranium en Afrique ( ce fait remontait en fait à 1980 ).... Il va falloir que les gens, et les états, qui soutiennent les terroristes payent ....

Un peu plus loin dans le film, une phrase de Bush :

- Il n'y a pas de lien entre Saddam Hussein et le terrorisme .... je suis désolé, il n'y avait pas d'armes de destruction massive....

Le réalisateur utilise un autre témoignage. Celui d'un flic New Yorkais, qui a un de ses deux fils tué dans l'effondrement d'une des deux tours jumelles. Sous ses yeux d'ailleurs, puisqu'il les voyait depuis sa rame de métro quand cela est arrivé. Il a fait le Viet-Nàm. Il raconte qu'il était jeune, mitrailleur à bord d'un hélicoptère. Il survolait le sol à cent, deux cent mètres d'altitide.

- Nous tirions sur des fourmis, je les voyais courir comme des fourmis, raconte-t-il

On voit la célèbre scène où Bush trône au milieu des décombres du World Trade Center en tenant un pompier par l'épaule et déclare :

- Ceux qui ont fait cela devront payer ! ....

Et tout le monde sourit, fait masse autour du Président des Etats Unis. On se rappelle des membres du Congrès chantant en choeur "God Bless America".

Le flic New-Yorkais, la bonne pâte américaine par excellence, le pur concentré de naïveté raconte sa colère :

- Je voulais faire quelque chose qui ait un sens, vis à vis de la mort de mon fils. Je voulais que ces gens en chient, ceux qui avaient fait cela. Alors j'ai pensé qu'on pourrait mettre son nom sur une des bombes larguées sur Bagdad et j'ai démarché pour qu'il en soit ainsi. Finalement, j'ai eu gain de cause.

On voit effectivement une image, sur l'un des porte-avions, où le nom de son fils est inscrit sur une des bombes guidées par laser qui va être accroché sous l'un des appareils.

Il y a une autre séquence, que le réalisateur distille tout au long du document qu'il nous présente. Il interviewe les deux pilotes qui ont lâché deux bombes de 900 kilos sur un palais présidentiel de Bagdad, de nuit, avec leurs F - 117 A, le premier acte de guerre des Etats-Unis. Il y a une confiance totale de ces deux-là dans l'efficacité de leur technologie. Ils prônent la précision imparable de leurs frappes, le fait que cette technique évite tous les dommages collatéraux, les morts de civils. Contre-point où on entend Rumsfeld dire :

- Nous avons aujourd'hui atteint une précision dans nos bombardements qui dépasse ce que vous pourriez imaginer.

Dans le film, on attend le largage de ces bombes. L'ordre est venu de la Présidence qui, pour la première fois de l'histoire des Etats Unis, s'est vue octroyer le droit de déclencher les hostilité où elle voudrait et quand elle voudrait. Un feu vert, une carte blanche complète. On voit le vol de des F - 117 A, de nuit. On entend le reporter qui, à Bagdad, dit que pour le moment tout est calme dans la ville, complètement éclairée. Les bombes seront effectrivement lâchées, mais une au moins manquera sa cible et tombera sur un quartier populaire voisin. Images de civils, d'enfants tués.

Il y a une foule d'image qui s'entrechoquent, dans ce film. Le réalisateur explique à quel point les membres du Congrès sont devenus étroitement liés au complexe Militaro Industriel. Celui-ci crée des emplois dans leurs circonscriptions. Refuser de donner un feu vert qui lancerait l'industrie de guerre reviendrait à perdre leur siège. Les pièces du puzzle sont méthodiquement assemblées. Le nerf de la guerre, c'est l'argent. Et ce que le réalisateur nous montre c'est qu'il en est aussi le moteur, l'essence (sans jeu de mot ). On insiste sur la personnalité d'Einseinower, qui fut le chef suprème des opérations combinées lors du débarquement des troupes alliées en Normandie. On repasse des bribes de ses discours de l'époque :

- Des hommes vont mourir. Mais nous devons donner nos vies pour préserver le bien qui nous est le plus précieux : notre liberté.

A l'époque il y croyait, ses hommes y croyaient et il se trouve que c'était vrai. Il fallait stopper le délire mégalomaniaque des Nazis. Et la guerre était la seule solution. Mais, dans l'après-guerre, Einseinower perçoit que d'autres forces naissent : les puissances d'argent, pour qui la guerre est simplement une fin, un moyen de s'enrichir. Le film nos fait découvrir les chiffres hallucinants des dépenses Américains en matière d'armements, qui nous font comprendre qu'il peut réellement s'agir d'une fin en soi. La production d'armes rapporte, gros. Un responsable d'une entreprise ajoute :

- Nous avons des actionnaires. Et quand ils ne reçoivent pas de retour suffisant de leurs investissements, ils protestent, croyez-moi.

Pour qu'il y ait de bons retours, il faut un carnet de commandes chargé. Et pour qu'il y ait des commandes il faut qu'on consomme, il faut de la casse. Bref il faut des guerres qui fassent tourner l'industrie des armes. Jamais, comme dans ce film, on n'a été mis face à une telle évidence. Il y a des interviews d'industriels, de "responsables de produits". Ce sont souvent des femmes. Une viet-namiènne émigrée explique qu'elle est spécialiste des explosifs et que dans son service sont mises au point des bombes capables de frapper à travers d'importantes protections de béton. Elle adhère à toute cette idéologie. Enfant, elle a été "sauvée par les Américains" au moment de leur complète débâcle. D'autres employées, qui usinent ou assemblent ces "bombes intelligentes" semble avoir de débuts de scrupules. Elles espèrent "que ces bombes ne tueront personne".

Ce film montre tout, y compris les tensions qui étaient apparues lors de la guerre du Viet-Nàm où on envoyait des conscrits. La guerre a du être stoppée le jour où les pertes ont été telles qu'elles faisaient des coupes sombres même parmi les enfants des classes moyennes. Mais les choses ont changé. L'armée US s'est orientée vers une armée de métier, composée d'engagés. Ceux-ci "savent à quoi ils s'engagent quand ils signent". Un sergent recruteur le précise : "il n'y a pas de point d'ombre. Les gars sont prévenus". On voit un jeune de vingt ans qui s'apprêt à partir.

- Depuis que ma mère est morte, c'est la seule solution pour que je puisse payer mes études.

On en revient sur la brave flic Américain, qui découvre avec stupeur les aveux de Bush.

- Il n'y avait pas d'armes de destruction massive. Et il n'y a pas de lien établi entre les activités des Irakiens et les attentats du 11 septembre...

L'homme est sidéré. On sent qu'il aurait été parfaitrement capable d'admettre qu'il lui faille donner la vie de ses fils pour une cause juste. Lui même a combattu, mais n'a sans doute pas bien perçu les tenants et aboutissants du combat qu'on lui a fait mener quand il avait vingt ans.

- Mais alors... qu'est-ce que nous faisons là-bas ? .... J'ai regretté d'avoir fait mettre le nom de mon fils sur cette bombe.... Vous savez, aux Etats Unis, si on en vient à ne plus pouvoir faire confiance au Président du pays, alors c'est la fin de tout....

On a vu que ce policier, jeune militaire, avait participé à la guerre du Viet-Nàm comme mutrailleur, à bord d'un hélicoptère. Il a dans le film indiqué "qu'il avait à cette époque eu l'impression de tirer sur des fourmis". Dans la suite du document il évoque les incidents qui ont amené Johnson à déclencher la guerre, en réponse à des "provocations intolérables de la part des Nord-Vietnamiens". La séquence où Johnson fait cette déclaration est incluse dans le film. Même ce flice se rend compte, etdit "qu'on sait maintenant que tout cela était bidon et ne servait que de prétexte au lancement de cette guerre". A ce sujet toutes les hypothèses ont été envisagées. Il reste la question clé : "à qui ceci a-t-il profité ?". Aux Américains eux-mêmes, sûrement pas, mais à leur industrie de l'armement, franchement oui. Ce que nous n'arrivons peut être pas à concevoir c'est qu'il puisse exister de par le monde des gens qui poussent vers le déclenchement de guerres en se disant que ceci va remplir leur porte-feuille et qui se moquent éperduement des pertes en vies humaines que ces guerres pourront engendrer. Quand un homme politique comme Johnson prend finalement cette décision, est-ce sa seule motivation ? Est-il franchement acheté ? On ne le saura jamais. Il resterait, outre une franche compromission l'illusion d'une "géopolitique active", de "contenir l'infiltration des rouges". Les nord vietnamiens, pour Johnson et nombre d'Américains n'étaient somme toute que "des communistes", c'est à dire des gens qui à la limite ne méritaient pas de vivre.

Un texte, dans un article paru dans le Monde Diplomatique en décembre 2004 sur la plume de Bruce Cumings évoque la façon dont les Américains traitèrent la question de la guerre de Corée. Nous avons tous entendu parler des "bombardements en tapis". Un livre donne plus de détails sur ce qui s'est réellement passé et que dans l'ensemble les gens ignorent. Les Américains ne font pas dans la dentelle. Le problème du Viet-Nàm c'est que cette fois-là, ça n'a pas marché. Les Américains avaient gagné la guerre du Golfe, de 1991. Vous vous rappelez que le général Schwarzschkoff, qui était prêt à foncer vers Bagdad et à "destituer le tyran Saddam Hussein" avait été stoppé net. Ainsi, cette guerre-là avait-elle été "gagnée". La dernière. Mais que se serait-il passé si les Américains avaient envahi l'Irak avec leur adresse habituelle ? Est-ce que cela n'aurait pas débouché sur une situation assez proche de ce qu'ils connaissent aujourd'hui ? A propos de Saddam Hussein, est-ce que quelqu'un se soucie encore de lui, de nos jours ? Quid de son procès ? Personne n'en parle plus parce que simplement personne ne croît plus un seul instant que cette pauvre baudruche fatiguée ait pu repérsenter un danger pour "le monde libre" avec "ses armes de destruction massive". Il tuait du monde, certes, mais autant qu'il s'en tue aujourd'hui en Irak ?

J'en reviens à la prise de conscience de ce brave flic américain, qui a commencé par réaliser que la guerre au Vietnàm avait démarré sur la base "d'actes de guerre Nord Vietnamiens totalement fabriqués". Aujourd'hui il vacille à l'idée que "Le Président des Etats Unis puisse ne pas dire la vérité". Pourrait-il imaginer une seule seconde que les "attentats du 11 septembre" aient pu être ... autre chose que de simples attentats, lui qui a perdu un de ses fils dans ce drame ? Ce qu'on réalise dans ce film c'est d'un côté la tragique lucidité de certains Américains, dont des responsables qui n'hésitent pas à témoigner à voix haute, et de l'autre l'hallucinante naïveté et ignorance qui touche probablement l'immense majorité du peuple américain.

Revenons à l'analyse du film.On repasse à la première mission de guerre sur Bagdad. Les F117-A filent dans la nuit. Le reporter local continue de dire que "tout est calme". Soudain, le ciel s'embrase.

Flash sur l'un des pilotes.

- J'ai lâché mes bombes. Elles devaient tomber à 5 heures.

Feu d'artifice. Vision de corps de civils déchiquetés. Retour sur le pilote. Il est sans état d'âme. Le journaliste ne lui pose même pas la question de savoir si sa mission a comporté des bavures. C'est un jeune qui n'a pas trente ans. Il est père de famille. Il précise que les militaires ne doivent pas se mêler de la politique et doivent simplement se contenter d'obéir aux ordres. On a l'impression que si on lui montrait ces images, il répondrait quelque chose comme :

- Oui, mais dans l''ensemble, le but a été atteint. Nous avons frappé l'ennemi là où il fallait. Dans les guerres il y a toujours des dérapages....

Puis il penserait : "ces images sont sans doute de la propagande" et il les chasserait au plus vite de son esprit. Sinon "il ne pourrait pas faire son travail".

Le réalisateur revient encore et sans cesse sur les avertissement d'Einseinower, lors de son discours d'adieu. Je ne pensais pas que ses propos auraient été aussi fermes. Il ne s'agit pas d'un vague allusion. Il martèle ses mots, encore et encore. Puis ont voit Dick Cheney, l'homme qui est totalement lié à la société Halliburton et dont la fortune personnelle a été multipliée par dix avec la guerre en Irak. La guerre apparaît comme un vaste buisness, totalement privatisé. Les boites de fast food nourrissent les soldats, sur place. D'autres sociétés privés les blanchissent, les transportent. Tout cela rapporte, fait tourner des tas d'industries "collatérales". Les chiffres sont éloquents et la collusion évidente. D'anciens responsables du Pentagone témoignent :

- Il ne s'agit de rien d'autre que d'activités criminelles, étalées au grand jour, au su et au vu de tous.

On montre comment les médias américains ont été solidement encâdrés, en suivant un plan précis, pour éviter la dramatisation du Vietnàm, où on montrait les "sacs à viande" ramenant les corps des boys. On évoque le fantastique budget de propagande en faveur de la guerre en Irak. En fait l'Américains moyen ne voit rien, ne sait rien. Les choses suivent leur cours, et maintenant le leit motiv est "le bon déroulement du processus démocratique en Irak".

Le point d'orgue du film est hallucinant. On découvre que la guerre même se privatise. Quinze mille mercenaires sont actuellement en action en Irak, sans uniformes, sans insignes, issus de différentes nationalités. Les société qui les emploient "fournissent un certain service, assurent la sécurité des personnes et des biens". Ces hommes ne relèvent d'aucune juridiction, ne sont sanctionnables par personne. Ils ne composent pas de rapports, leur hiérarchie est plus que floue et apparemment "ils bénéficient de la plus large initiative et improvisent au fil des évènements". On cite les noms de différentes sociétés. Celles-ci sont censées assurer une sécurité rapprochée que les militaires Américains ne sont plus à même de fournir, qui vivent retranchés dans leurs casernements et appréhendent les missions dans les Humevee non blindés qui peuvent à tout moment sauter sur des mines télécommandées.

Très difficile d'interviewer ces "soldiers of fortune", des "hommes d'expérience" aux allures d'honnêtes pères de famille, à l'allure bonhomme et sympathique. Leurs salaires : entre 3 et 12 briques par mois. "Des salaires à cinq chiffres" dit le commentaire. A ce tarif on la ferme ou on est viré. Avec beaucoup de difficulté les journalistes pourront recueillir des témoignages de quelques hommes, essentiellement des jeunes. Un Français témoigne, mais demande à rester anonyme. Il y a trois Italiens de 25 ans. On leur demande pourquoi ils font ce job. Fait suprenant, leur réponse n'est pas automatiquement "pour l'argent".

- Pourquoi on fait ce job ? Pour l'adrénaline. Eh oui, on prend goût au risque. J'ai essayé de quitter, mais je suis revenu parce que ça me manquait.

On apprend donc une chose que l'on savait déjà. La guerre n'est pas une rente de situation. Ca n'est plus une vocation. Ca n'est pas un métier. Alors ça devient ... un maladie, et nous verrons dans le dossier suivant comment cette maladie peut sévir "sur l'autre bord".

Parmis les trois jeunes gens interrogés, un rentrera en Italie après la mort d'un des autres. Mais "le petit boulanger qui ne supportait pas l'odeur de la farine" restera sur le terrain.

Pourquoi ces milices privées qui regroupent souvent des tas de gens qui ont vécu longtemps dans la violence, comme en Afrique du Sud, du temps de Apartheid ? Parce que leurs morts ne figurent pas sur le décompte des pertes. Ces sociétés sont discrètes. Quand des membres sont tués, leurs assurances mettent leur familles à l'abri du besoin. Et souvent ce sont des hommes seuls, des "soldier of fortune". Il existe d'ailleurs, aux USA une revue qui porte ce nom. La violence est simplement devenue une drogue et un job très bien rétribué.

Ce qui est étonnant dans ce film c'est de voir des tas de gens différents témoigner à visage découvert. Il y a d'anciens hauts responsables, des gens qui ont été au Pentagone, avec des postes de responsabilité. L'Amérique est le pays de tous les extrêmes. On y découvre des extrêmes de vertu, noyés dans un océan d'une turpitude et d'un cynisme hallucinant. L'Amérique d'Einsenhower est morte, celle qui est venue mourir sur les plages de Normandie pour que nous puissions recouvrer notre liberté. La nouvelle Amérique est bien différente. En fait, comme le souligne de réalisateur, elle est à l'image de Rome. Celui-ci dénombre les soldats Américains impliqués dans des actions de guerre partout dans le monde. Six cent mille, je crois. On nous montre une carte du monde. Les chiffres des années défilent. Des pays apparaîssent sur la carte, où les Etats Unis ont sans doute oeuvré pour "mettre en place des démocraties". A un moment le commentateur cite l'action de l'Iranien Mossadegh, qui avait voulu ... nationanaliser le pétrole iranien en privant les occidentaux de leurs profits. A l'époque les femmes n'étaient pas voilées. L'iran de cette époque n'avait rien à voir avec ce que Khiomeny allait en faire quelques années plus tard ( un homme que la France avait hébergé de longues années à Naufles le Château. Vous vous souvenez. Simplement dans l'espoir, si l'homme revenait au pouvoir "d'avoir des prix". Mais Khomeny n'a pas renvoyé l'ascenseur.). Les Américains désignèrent aussitôt Mossadegh comme "communiste". Ils mirent le Shah à sa place. Au bout du compte : le chaos et ... l'intégrisme.

Le réalisateur le dit. Aujourd'hui les USA ne font rien d'autre, partout dans le monde, que de défendre leur pouvoir et leurs intérêts. Après l'effondrement de l'Union Soviétique les Etats Unis se sont retrouvés dans une situation sans précédent : militairement, aucun pays du monde ne pouvait leur tenir tête. Alors Washington a simplement décidé d'être la Nouvelle Rome des temps modernes. Rome installait des camps dans des pays lointains. L'Amérique fait de même et grâce au tsunami indonésien elle va pouvoir reprendre pied dans le sud est asiatique. Tout le reste est littérature. Les USA sont aveuglés par leuir supériorité technologique. Dernière nouvelle en date : le robots de combat. 25.000 dollars pièce. C'est pour rien. Pas de pension d'invalidité, pas de retraite, aucun état d'âme. Les prix vont baisser. Il y a des bugets énormes pour développer ces engins qui coûtent déjà beaucoup moins cher qu'un être humain. Drones terrestres, on les télécommande à distance, On va les les doter de nouveaux capteurs. La nanotechnologie ne coûte rien, une fois les études amorties. Les batteries au lithium ont de fortes capacités. On ne nourrit pas les robots, on les recharge. On ne soigne pas des robots : on change des pièces endommagées ou on les jette. Les grandes universités américanes et les centres de recherches militaires investissent à fond dans l'intelligence artificielle. Elle est encore à naître, mais comme évoqué dans mon dernier livre, on n'en soupçonne pas les capacités potentielles. Bref le pays investit dans tout sanf dans l'humanisme, pas rentable, à court terme. Mais ces gens se rendent-ils compte du volume de haine et de mépris qu'ils sont en train de semer de par le monde ? Dans le film on entend Rumsfeld dire (il faut en croire ses oreilles) :

- En Irak, nous serons accueillis comme des libérateurs.

Oui, dans un tel contexte il est étonnant de voir des Américains issus de toutes les couches sociales montrer à voix haute qu'ils sont devenus conscients de la dérive dans laquelle leur pays était engagé. Par contraste, trouvons-nous des hommes de de genre, en France, qui aient ce courage ? Car il en faut pour oser ainsi braver à voix haute le léviathan. Je n'en vois point. Nos journalistes se taisent, nos politiques sont des champions de la langue de bois et nos scientifiques, nos intellectuels ne sont que des Panglosse.

Je reçois sans cesse des messages misérabilistes de lecteurs qui m'écrivent "je suis de ceux qui vous lisent et qui ne font rien". Ils invoquent la dureté de la vie, la caractère abrutissant de leurs existences, leur absence de perspectives, et que sais-je encore ? Certains doivent me lire pour se rassurer en se disant "il pense pour nous". En vérité la France d'aujourd'hui s'accommoderait parfaitement d'une dictature, serait de nouveau prête à toutes les lâchetés. "Les Français sont des veaux" avait dit de Gaulle, grand Machiavel devant l'éternel. Nous n'avons guère changé depuis Vichy. Continuez à dormir comme vous le faites, têtez vos médias imbéciles, laissez vous bercer par Jean-Pierre Perniaud ou choquer par Olivier Fogiel. Ecoutez vos hommes politiques qui n'en finissent plus de vous emberlificoter avec leurs "réformes", qui vous parlent d'avenir alors qu'ils délocalisent à tour de bras. Où sont nos humanistes, ou simplement nos véritables hommes politiques ? Je ne vois que des boutiquiers, de représentants de différentes chapelles, des gens sans âme et surtout sans imagination. Sur le plan scientifique c'est la consternation. On voit toujours les mêmes têtes sur les plateaux, des "Panglosse" qui n'en finissent plus de sourire, aveuglés par leur narcissime imbécile.


Sur la trois, le 15 février à 23 h 50 (...) une suite de trois dossier de Malik Aït Aoudia et Séverine Labat, diffusés jusqu'à deux heures du matin. Titre :

2 - ALGERIE 1988 - 2000 : AUTOPSIE D'UNE TRAGEDIE

Ce qui frappe c'est l'heure tardive. Comme si on avait voulu diffuser ces document en évitant de froisser le petit peuple, ou de déclencher quelques foudres. Trois dossiers très longs, pratiquement impossibles à enregistrer. Qui aura pu suivre cette émission qui démarre à minuit moins dix ? J'ai lié ces deux dossiers, diffusés le même soir : le précédent, sur les Etats Unis en guerre contre ... une grande partie du monde, et celui-là. Je pense qu'il fera suite à celui que j'installerai sur la Guerre d'Algérie. J'ai attendu pour ce faire que plusieurs mois se soient écoulés depuis la sortie du numéro spécial publié par Science et Vie en novembre 2004, où je puiserai des documents iconographiques. Je ne saurais trop recommander à mes lecteurs de se procurer ce document exceptionnel sur tous les plans. 2004 représente le cinquantenaire de ce que les Algériens, après leur indépendance, avaient qualifié de "prise de la Bastiille" et qui constitua pendant longtemps leur fête nationale. Elle marque le lancement d'une vague d'attentats contre les Français. J'aurai l'occasion d'en reparler.

Le document de Malik Aït Aoudia et de Séverine Labat (chercheuse au Cnrs) représente ... la suite. Depuis les accords d'Evian, vingt ans se sont écoulés. L'Algérie a vécu son lendemain de révolution, sa fin de guerre civile. Elle a exilé nombre de ses combattants historiques. Le pays a décidé de se construire à l'image d'une république socialiste. Elle a un président, une armée, une police, mais aucune politique économique digne de ce nom. Elle tire 90 % de ses revenus de sa manne pétrolière et doit importer la nourriture de ses habitants, alors que c'est un véritable ... grenier à blé. Mais la démographie, totalement incontrôlée, explose. Il n'y a pas de politique d'éducation, pas de politique de santé publique, pas de politique démographique, pas de politique agronomique, pas de politique du tout. Comme le dit le commentaire, l'Algérie a manqué de véritables hommes politiques. Dans les hautes sphères c'est simplement un ballet d'hommes de pouvoir, avec les intrigues et la corruption en prime. Le pays ne se développe pas, n'acquiert aucune dimension sur le plan international. Sur ce terreau le FIS va se développer. C'est le "Front Islamique du Salut" dont l'unique but est d'instaurer à terme dans le pays une république islamique. Si le mot "république" a un sens. Il vient du latin res publica "les choses du peuple". En fait un gouvernement islamique est une théocratie. Simple remarque en passant : Bush n'en est pas loin non plus, lui qui invoque son dieu à tout moment et s'arroge le droit de définir l'axe du bien et l'axe du mal.

Le président algérien, dont j'ai oublié le nom, se maintiendra quinze années de rang, je crois. Sans rien faire de marquant, sauf se cramponner à son poste. Les discours des leaders du FIS sont violents. Ils se déclarent contre la démocratie, si elle s'écarte de la loi de Dieu. Le menu est sur la porte. Mais le Président croît que le FIS n'est qu'une sorte de feu de paille et s'imagine que ce parti va s'effondrer, s'il est confronté à des problèmes politiques et économiques réels. "Ils n'ont pas de programme", se prête-t-il à répéter. En 1988 le pouvoir réprime durement un soulèvement de rue, une sorte de "Printemps d'Alger". Des jeunes manifestent, sans but précis. Ils cassent, incités sans doute à le faire par des agitateurs. La police, la troupe intervient, sans habitude des manifestations populaires.

En 91 le pouvoir organise des élections. Le FIS est extrêmement actif, parcourt les villes, les douars, promet monts et merveilles, dénonce l'incurie très réelle du parti au pouvoir, le FNL. Au premier tour beaucoup d 'électeurs, passablement écoeurés par les alternatives proposées, se détournent des urnes. Le FIS réalise alors une énorme avancée. Il est clair qu'il devrait avoir au second tour les 2/3 des voix. Les gens au pouvoir sont complètement dépassés par les évènements. Le parti qui critique ouvertement le système démocratique est sur le point de conquérir le pouvoir ... par les urnes.

On emprisonne les leaders du FIS. Le gouvernement ... invalide les électiions ! Le président finit par démissionner. On va alors chercher Boudiaf, un des chefs historiques du FNL, en exil au Maroc depuis la fin de la guerre d'indépendance. C'est lui qui fut l'instigateur le la vague d'attentats de novembre 1954 qui déclencha l'insurrection armée contre les Français. Il se fait longuement prier avant d'accepter de devenir le nouveau président. Soudain, des hommes politiques en témoignent, les choses semblent changer. Boudiaf, pour la première fois, semble avoir l'envergure d'un véritable homme politique. Mais pour redresser l'Algérie il lui faut s'opposer à la vieille garde, à la vieille mafia du FNL, aux corrompus, aux clans, au népotisme, au tribalisme qui s'est rapidement reconstitué dès l'indépendance. Il annonce que si des gens ont des compétences, alors on leur confiera des responsabilités, d'où qu'ils viennent. Pour la première fois le Président de l'Algérie envisage de construire un programme de développement, d'éducation, de santé. Mais il n'a pas le temps de faire grand chose. Il est rapidement assassiné par un officier de sa propre garde, qui lance une grenade pendant un de ses discours. Il se rendra par la suite en disant qu'il a agi par conviction islamiste et qu'il ne craint nullement la mort. Condamné, il ne sera jamais exécuté.

1994 : le FIS, privé de sa victoire électorale, décide de prendre le maquis. Une seconde Guerre d'Algérie débute, présentant beaucoup de points communs avec la précédente. Rappelez vous comment les informations nous sont parvenues : à travers de simples communiqués. On ne savait pas qui tuait qui. Les Français disaient "depuis que nous sommes partis, ils s'égorgent entre eux". Le FIS tient les campagnes. Le pouvoir est mal armé contre lui. Les attentats se multiplient, visant les militaires, tous les gens "ayant une casquette". Il s'agit de déstabiliser complètement l'état algérien pour pouvoir en faire un état islamiste. Le nouveau président tente de négocier avec les islamistes, réclamant une trève. Les maquisards réclament alors la libération de leurs chefs historiques, emprisonnés. Le gouvernement demande à ceux-ci d'ordonner la fin des attentats. Mais les chefs du FILS font de leur mise en liberté un préalable, sans condition. En fait, jamais ils ne s'opposeront aux attentats, qui sont aussi horribles que ceux qui ensanglantèrent la Guerre contre les Français. Là c'est une guerre civile où tout se règle à l'arme blanche. On égorge, on torture. Parallèlement au FIS se crée le GIA, le groupe d'intervention armée. L'Algérie est ravagée par ces deux factions. En dix ans il y aura 78.000 morts, dont 25.000 dans les forces publiques. On trouve de tout : des voitures piégées qui explosent contre des commissariats, à des heures d'affluence, des embuscades, des fonctionnaires assassinés, des villagoies égorgés. Certains attentats, en milieux urbains, font plus de cent morts. Les islamistes égorgent des femmes qui circulent sans voile, et violent ainsi la loi islamique. Les terroristes s'en prennent aux intellectuels, aux enseignants, aux journalistes, au cinéastes. Un ancien leader du GIA, ayant bénéficié de loi d'amnistie, explique tout tranquilement pourquoi la froide et systématique élimination des intellectuels s'inscrit dans une logique de guerre. Sa voix est douce. Il n'a pas d'états d'âme. Un des journalistes dit, lors de l'enterrement d'un de ses collègues :

- Si tu parles, tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors parle, et meurs.

Ce qui frappe dans cette histoire incroyablement chaotique c'est le courage civique incroyable de certains algériens, qui n'hésitent pas à reprendre une manifestation, après que des grenades aient tué plusieurs des leurs. Le pouvoir reste sans réaction. Pendant des années il tentera de négocier avec les islamistes. Or, s'il est une chose qui se dégage de ce pan sanglant de l'histoire algérienne c'est que la course vers l'établissement d'un pouvoir islamiste est sans nuance. C'est la charria et rien d'autre. Des femmes algériennes risquent ouvertement leur vie, à visage découvert, défilant en tenant devant elles des pantalons d'hommes. Elles demandent au président, qui apparemment ne se soucie que de sa réelection, de faire preuve d'énergie, de réagir. Mais il ne bouge pas et truquera même les élections suivantes, dans le plus "style FNL ".

L'armée et la police essayent de gérer la situation. On finit par armer des villageois, qui réclament à cor et à cri des armes pour faire face aux pressions et aux menaces auquelles ils sont soumis de la part des groupes terroristes. Quelque chose dessine. En fait les islamistes se sont inspirés de la stratégie adoptée par le FNL en début de guerre d'Algérie : faire basculer les populations dans leur camp en faisant régner la terreur. Des villages sont décimés, hommes, femmes et enfants sont rituellement égorgés, à la chaîne, maison après maison, famille après famille. Mais certains villages, armés, mettent les terroristes en échec. Ailleurs on procède à des regroupements de populations, pour tenter de les mettres à l'abri.

Il ne s'agit plus d'une guerre coloniale. Les Algériens ne peuvent pas partir. La France n'est pas une terre de repli, comme elle le fut pour les pieds-noirs. L'alternative qu'on tente de leur imposer est simple : opter pour la loi islamiste ou mourir. Dans les rangs des terroristes la violence règne également. Des repentis témoigneront : "Il fallait égorger à tour de bras, sinon on nous égorgeait, nous". Le pouvoir et la police marquent un point en pratiquant par deux fois des opérations d'amnistie, qui dépeuplent un peu les rangs des auteurs d'attentats.

Cette histoire est confuse. Je n'en ai pas noté tous les détails. On y trouve des scène de rassemblements de fanatiques exaltés. Il y a des gens qui font peur, qui ont des regards de fous. Un des leaders du FIS, libéré, écrit une lettre à une des responsables des maquis en lui disant "nous vous cautionnons complètement pour tout ce que vous avez fait depuis des années. Votre combat est le nôtre. Ceux qui s'opposent aux volontés de Dieu doivent mourir". La lettre est saisie accidentellement mais démontre sans ambiguité la collusion complète entre les responsables religieux, politiques et les terroristes. L'Algérie connaît alors un sursaut. Les amnisties ont affaibli le GIA, la phalange la plus violente. De nouvelles élections ont cette fois mis les islamistes en minorité. Dans les Aurès, partisans du FIS et du GIA ... s'opposent et .. s'entre-égorgent (comme ce fut le cas entre factions opposées à l'intérieur même du FNL pendant la guerre d'Algérie). Et c'est là qu'il faut concentrer toute son attention. Comme durant la Guerre d'Algérie, la violence finit par ressembler à une drogue dans cette guerre civile fratricide. Les terroristes décident de s'en prendre au peuple lui-même. Tout bascule dans une folie meurtrière. Des femmes opèrent des recensements dans des villages. Puis ceux-ci sont bouclés. On égorge ... ceux qui ont voté ! C'est l'horreur absolue. Des responsables de ces tueries expliqueront les raisons de nombreux massacres d'enfants. C'était, disaient-ils, pour leur épargner de devenir comme leurs parents.

Nous avons ignoré tout cela, pendant dix ans, ou feint de ne pas l'entendre. "Cachez cette violence, que je ne saurais voir". Banalisés, réduits à de simples communiqués, ces faits devenaient pour nous incompréhensibles.

En 2000 l'Algérie se trouvera lassée par tous ces massacres. Vient le temps de négociations et d'amnisties. Le chef de la police précise "c'était la seule solution pour que ça cesse". Des proches de gens assassinés se pressent, brandissant des photos et réclamant justice. Mais celle-ci ne sera pas rendue. Car c'est la seule façon de faire cesser ces tueries.

Alors, que s'est-il passé en 18 années ? On dirait une sorte de psychodrame abominable. Les responsables ? Au premier chef les politiques de la première heure qui, après l'obtention de l'indépendance se sont avérés incapables de doter l'Algérie d'un véritable avenir politique, de gérer ses ressources. Corruption, mais aussi simplement incompétence. On ne s'improvise pas gestionnaire. Seul Boudiaf, pendant un bref moment, semble réellement désireux de voir son pays évoluer, mais il sera rapidement assassiné. Incurie, incompétencxe, corruption : le terrain de l'extrêmisme.

Nous nous retrouvons dans cette émission face à des hommes et des femmes que quelques centaines de kilomètres séparent de nous et qui parlent notre langue. Lors d'une manifestation une femme crie devant les caméras : "dites leur, dites au Français que nous ne nous laisserons pas abattre. Nous résisterons jusqu'au bout". Ces images, nos médias français se sont bien gardés de nous les montrer, liassant les télespectateurs français dans la perplexité "face aux exactions de l'armée algérienne", sans nous révéler quelles étaient les véritables sources de ces massacres. Un homme politique ou un intellectuel algérien dit, à titre de conclusion "essayez d'imaginer ce qui se serait passé si les islamistes avaient gagné, si l'Algérie était devenue leur nouvelle tête de pont". Le commentateur insiste en précisant qu'il y a "deux façons de vivre l'islam", l'une d'entre elle pouvant être carrément assimilée à une forme de fascisme, où la religion n'est finalement qu'un prétexte pour s'emparer du pouvoir. Ce que nous montre ce film c'est un peu "ce que vous risquez de connaître demain, vous, les Français si vous ne prenez pas garde à la présence sur votre sol d'une poignée d'extrêmiste prêts à tout". Il indique que face à l'intégrisme fanatique, qui abrite la violence la plus extrême derrière une façade humaniste et tranquille, la faiblesse ou même la recherche d'une "solution négiciée" avec des gens qui ne cechent nullement leurs visées anti-démocratiques ne constituent pas un bon calcul. Dès le départ les membres du FIS avaient annoncé la couleur : un état Islamiste est le contraire d'une démocratie. Par la suite, comme le film le rappelle, nous seulement il s'est avéré que le FIS n'avait jamais accepté de condamner les attentats les plus barbares de sa branche armée mais des preuves écrites apparurent par la suite montrant qu'il avait tout au long approuvé cette violence inhumaine. L'impression dominante est que de nombreux Algériens ont fait preuve d'un courage incroyable, au moment où la France en particulier, soucieuse avant tout de ne pas voir ce terrorisme s'exporter sur son territoire donnait peu d'échos à tout ce qui se passait de l'autre côté de la Méditerrannée (il y a eu quelques attentats sanglants, dont celui du RER, jouèrent un rôle d'avertissement). Or, comme le montrent Malik Aït Aoudia et Séverine Labat ( du Cnrs ) ce qui s'est joué là-bas c'est un combat sans pitié au terme duquel des extrêmistes se réclamant de l'Islam ont été contenus de justesse.

Nous ne devons pas oublier que nous, Européens, vivons sur le plan-là sur des poudrières.


18 février 2005 :

Visiblement, le sujet intéresse les gens. Cette page a été consultée 2700 fois en 24 heures, dès sa mise en place. Je crois que les gens se posent la question "que s'est-il passé en Algérie entre 1988 et 2000 ?". Avec le film présenté le 15 février sur FR3, à une heure incroyablement tardive ( 23 h 50 !!!) nous avons une première version des faits, assortie de documents assemblés par Malik Aït Aoudia et Séverine Labat (du Cnrs ). Leur thèse, qui semble assez cohérente, est celle d'un sursaut de nombre d'Algériens ( hommes politiques, intellectuels, police, armée, journalistes, cinéastes, gens des villes et des campagnes ) face à une tentative de prise de pouvoir émanant de factions religieuses extrêmistes qui trouvent pendant un temps un terreau favorable dans le pays, principalement à cause des carences totales du FNL, de la corruption qui le gangrène et de son incapacité à gérer et à développer de pays après l'Indépendance et les accords d'Evian. En résumant à grands traits, le FIS ( Front Islamique du Salut ), surfant sur un immense mécontentement, est à deux doigts, alors qu'il affiche ouvertement son caractère résolument anti-démocratique ( théocratique, en fait ), de remporter les premières élections en Algérie, ce qui l'aurait mis dans la meilleure des positions possible pour instaurer un état radicalement islamique dans le pays. Le pouvoir réagit en ... invalidant les élections et en arrêtant les dirigeants, les leaders religieux fu FIS, dont les militants décident de prendre le maquis. Par la suite le GIA ( Groupe d'Intervention Armée ) mènera les combats, avec une férocité qui dépasse l'imagination. Commence alors ce qu'on pourrait appeler une seconde guerre d'Algérie, aussi atroce que la précédente. On y égorge à tour de bras. Mais c'est cette fois une guerre civile, non plus entre Français d'Afrique du Nord et Algériens, mais entre les Algériens eux-mêmes. Vers la fin les membres du GIA, le vent électoral ayant tourné en leur défaveur, décident de massacrer ... les électeurs par villages entiers ! Les Français n'auront de ces attentats et opérations de répression, qui feront 78.000 morts, dont 25.000 parmi les "forces de l'ordre" que des échos décolorés en incompréhensibles, limités à de simples communiqués. De toute évidence le gouvernement français et les médias ont suivi des consignes de silence inspirées par une peur d'une exportation des attentats sur le territoire français. Le gouvernement français évite soigneusement d'adopter un parti quelconque dans ces affaires et pratique la langue de bois. Je crois que c'est Jospin qui à un moment aurait dit "c'est le silence ou les bombes. Nous devons avant tout protéger les Français". On a vu apparaître de loin en loin des articles de journaux, dans notre pays, qui évoquaient "des exactions de l'armée Algérienne" ou "un jeu trouble mené par les services secrets algériens", sans qu'on comprenne très bien les tenants et aboutissants de telles actions. Malik Aït Aoudia sont d'un avis radicalement différent. Leur version a l'avantage d'une apparente cohérence. Pour eux il s'est agi, certes dans la confusion et une extrême violence, d'une lutte d'une majorité d'Algériens contre une tentative concertée d'établissement d'un état islamique en Algérie, qui aurait bien failli réussir.

Tous ne sont pas de cet avis et notre souhait serait de voir les gens confronter ici leur avis contraires, pour tenter de tirer cette part de l'histoire récente, ô combien importante, au clair. J'ai reçu par exemple un mail d'un jeune homme de 32 ans, diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique, actuellement ingénieur informaticien. Il est significatif que ce garçon m'ait demandé de ne pas faire figurer son véritable nom, qui est celui de son père, lequel est d'origine Maghrébine. Habitant Partis il se déclare athée, dit que son père d'origine musulmane et sa mère, d'obédience chrétienne, ne sont pas "des croyants très actifs et pratiquants". Son ascendance : algérienne, yougoslave et roumaine. Cela signifie que nous avons cessé de vivre dans un pays de libre expression et que désormais des hommes, des femmes, croignent des représailles. Prenez conscience de cette nouvelle réalité. Il est significatif que cet homme demande à figurer sous un pseudonyme, celui de " Cismigiou ".


Voici donc le mail de " Cismigiou "du 16 février 2005 ( j'ai souligné certains passages importants en italique ) :

Je me permet une réponse rapide à votre dernier article, qui dit des choses forts justes, mais qui ne va pas assez loin dans le raisonnement. En cela vous êtes victimes de l'histoire officielle que voudrait faire accepter le gouvernement algérien.

Que s'est il passé en algérie pendant les années 90? Il est vrai qu'après la révolution algérienne, ce sont les politiques du mouvement fln qui ont repris les rènes du pouvoir. Pour cela ils ont soigneusement expurgé le FLN de ses vrais révolutionnaires, ceux qui ont naïvement versé leur sang pour leur liberté, et se libérer de l'opression des colons français qui était abominable. Le discours colonial de ce côté de la Méditérannée nous fait croire que pour les algériens la situation était mieux du temps de la domination française. C'est archi faux. Relisez tous les livres sérieux traitant spécifiquement de la guerre d'Algérie. Les arabes étaient traités moins que rien par les colons français. Je fais une différence entre colons français et français. Les français de métropole ont été horrifié pendant la Guerre d'Algérie par la façon dont les colons traitaient les arabes. Ceux ci avaient grandit dans la croyance selon laquelle les Arabes étaient inférieurs et se comportait comme tel.
Du reste cela a toujours été comme ça que les colons se sont comportés lorsqu'il devait dominer une population qui leur était largement supérieur en nombre. En les rabaissant, en détruisant leur culture, en les opprimant. Dans les conditions d'infériorité numérique dans laquelle se trouvaient les colons, donner des droits aux Arabes, et notamment le droit de vote, ou le droit à la propriété, c'était perdre son pouvoir. C'était le cas aussi en Afrique du Sud, et actuellement le cas en Israel.
Mais nous pourrons échanger nos vues sur la colonisation ultérieurement si vous le désirez. Bref la Guerre d'Algérie a lieu, des gens sincères donnent leur vie, mais comme à chaque fois, cette révolution est récupérée par des professionnels de la politique, de l'exercice du pouvoir. On pousse les figures trop emblématiques à l'exil, on assassine les autres. Pour que cette clique se maintienne au pouvoir, il lui faut d'une part l'apparence de la légitimité (se réclamer du fln et de la révolution), et d'autre part une aide extérieure. C'est là que le néocolonialisme apparait. Vous en donnez un bel exemple en parlant du cas Mossadegh en Iran. Dans le cas de l'Algérie, la France ayant finie par accepter l'idée d'abandonner la terre, il fallait sauver les meubles et notamment les intérêts gaziers et pétrolier. C'est pourquoi des accords sur 50 ans ont été signés à ce moment là. Soit dit en passant les accords prennent fin dans la prochaine décennie, et les Américains courtisent allègrement le pouvoir algérien. Cela explique pourquoi on assiste à tant de voyage de Bouteflika en France, et pourquoi Chirac ou Sarkozi font le déplacement en algérie si ostensiblement. Halliburton par exemple, embauche de plus en plus de monde en Algérie. Les Américains ont installés des bases militaires en Algérie ( ?...) etc. Mais c'est une autre histoire. A partir des accords de néocolonialisme avec la France en 62 (on se retire d'Afrique mais on place des dictatures pour faire le travail à notre place) le gouvernement fantoche algérien avait un blanc seing pour mener la politique dictatorial qu'il voulait, parti unique etc.
Peu à peu néanmoins, des voix se font entendre pour engager un processus démocratique. Mais cela prend du temps, 30 ans. Pendant ce temps sur le terrain, toute action politique n'est pas perdue. Alors que dans les années 80 les filles étaient peu voilées, et se baignaient en maillot de bain sur la plage, peu à peu, les islamistes ont investit tout unpan de l'aide social abandonné par l'état. Vous le dites, l'état n'avait aucune poltique de fond pour gérer les problèmes de la société. Notamment la jeunesse, qui représentait la majorité de la population, était complètement laissée pour compte. Les islamistes l'ont récupérée en ouvrant des écoles coraniques, mais aussi des dispensaires, une aide alimentaire etc.
A cette époque personne ne soupçonnait les visées politiques de ces actions et les islamistes étaient appréciés. Ce qui explique que lorsque les premières élections libres ont eu lieu ils aient gagné le soutien populaire. Dans ces conditions ils auraient du prendre le pouvoir. C'est le jeu démocratique n'est ce pas?
Mais cela a été un parfait prétexte pour le régime militaire pour interdire le parti du FIS, et repousser ad vitam un nouveau scrutin, avec la bénédiction des
occidentaux qui ne voulaient pas d'un nouvel Iran.
Que s'est il passé alors? Le maquis et la guérilla. Mais notez qu'au départ seuls les casernes et les comissariats étaient visés. Les islamistes ayant le soutien du peuple, quel intérêt de se le mettre à dos en commettant des massacres sur la population civile? Aucun, c'est tout simplement absurde. De même qu'il était absurde de venir poser des bombes à Paris, et donc de forcer le gouvernement français à prendre parti contre les islamistes alors que la France accueillait des cadres du FIS du plus haut niveau (dont certains se feront assassiner à Paris durant la période trouble des soits disants attentats islamistes de 95).
En fait il existe un excellent reportage diffusé par canal+ il y a deux ans qui explique toutes les incohérences de la lutte islamiste et des massacres en Algérie. Ce lien trouvé au hasard sur google en parle: http://www.saphirnet.info/article_316.html En tapant des mots clés tels "djamel zitouni", vous arriverez à des articles intéressants. Ce reportage évoque la thèse suivante, et reprend les témoignages de Balladur, Debré, Jospin: le pouvoir algérien des généraux a rapidement réussi à noyauter les partis extrémistes, et les a manipulé. Après la guerre interne du GIA de la première moitié des années 90, tous les intellectuels et universitaires du mouvement sont éliminés. C'est un vendeur de poulet sur les marchés, Djamel Zitouni qui devient numéro 1. Il change de politique et lance les massacres de civils.
C'est le règne de la terreur. On monte d'un cran dans la lutte. Le gouvernement se voit légitimer dans sa politique de controle du territoire par l'armée. La
menace étant partout, l'armée est partout. On peut aussi armer des milices civiles avec ce prétexte. De plus les islamistes sont unanimement detestés par la population. Vous n'avez pas intérêt à aborder ce sujet si vous voyagez en Algérie, les gens veulent oublier. Quand aux bombes dans le RER, et le détournement de l'avion, c'était un acte de chantage du gouvernement algérien pour forcer la France à prendre parti, et cesser de donner refuge aux islamistes algériens, quitrouveront refuge par la suite à Londres. Je ne peux que vous conseiller de visionner ce reportage peut être le trouverez vous sur internet ou sur le site de canal+. Je n'ai pas le temps de m'apesantir, mais je chercherai pour voir s'il y a un moyen de trouver plus d'informations, et je vous les ferai parvenir.

Pour finir je dirai la chose suivante: les Américains sont en train de faire à l'échelle du globe ce qu'a fait le pouvoir algérien pendant 10 ans. Brandir la menace islamiste, ils ont tout pour faire peur, manipuler les groupes terroristes (ces imbéciles tuent vraiment au nom d'Allah, mais que penseraient ils s'ils se rendaient compte que les services secrets algériens étaient derrière tout ça?), et ensuite déployer des troupes, pour "protéger", et en fait justifier une politique hyper sécuritaire. Pas étonnant que gouvernement américain et algérien s'entendent si bien dans ces conditions.

" Cismigiou "           


Il est évident, dans ce contexte que les films en question, le récent document de Malik Aït Aoudia et Séverine Labat et le film diffusés sur Canal +, évoqué dans le mail de monsieur " Cismigiou " devraient être mis à disposition des lecteurs en téléchargeable, sur un site Internet. La diffusion confidentielle du premier, à 23 heures cinquante sur FR3 constitue un record du genre.



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