Notes sur le livre de Judith Lazar par René Teboul

15 Juillet 2003

Source : http://www.univom.net/revue/teboul.htm

   Ceci est un texte de René Teboul, que j'ai bien connu il y a de longues années et qui se présente comme le commentaire d'un livre récemment publié par une nommée Judith Lazar. Je suis pratiquement entièrement d'accord avec la vision qu'il donne des universitaires et du CNRS. Dans la seconde partie il produit des "propositions simples". Quand j'aurai un moment je les compléterai en fournissant les miennes. Je pense que le constat sur la façon dont a évolué le milieu université-recherche est consternant. Je suis heureux de voir qu'un universitaire encore en poste a osé quitter cette éternelle langue de bois et dire les choses sans mâcher ses mots. Ceci étant un pays ne peut fonctionner sans un système assurant un enseignement universitaire de qualité ainsi qu'une recherche de pointe. Que pourrait-on faire, que devrait-on faire ? Y a-t-il même seulement des solution ou le système est-il définitivement gangrené, insauvable ? La question mérite d'être posée.

Le livre, ô combien stimulant, de Judith Lazar est évidemment le reflet exact de la turpitude de l'ensemble des membres de l'Université et de ses conséquences traumatisantes. Ce n'est pas le premier ouvrage sur les dysfonctionnements de l'institution, mais c'est le premier qui, à travers une expérience individuelle douloureuse met aussi bien l'accent sur l'origine de sa décrépitude : les procédures de recrutement fondées sur la malhonnêteté manifeste des commissions de spécialistes. Combien lisent les travaux de leurs collègues ? Combien de membres de jury de thèse ne viennent le jour d'une soutenance de thèse ayant à peine survolé le travail du candidat ? De ce point de vue les commissions de spécialistes ont simplifié le travail puisque les candidats à des postes de maîtres de conférences ne sont plus tenus à envoyer qu'un résumé de leur travail !!

Ce que Judith Lazar décrit est devenu malheureusement au fil des années courant, presque " normal " pour les universitaires. Elle a évidemment raison de définir l'Université comme une zone de non droit où s'édifient dans un secret de Polichinelle des petites baronnies plus ou moins efficaces qui procèdent à la corruption du système. C'est vrai en sociologie, mais aussi en sciences économiques, et encore en philosophie. Doit-on chercher ailleurs les causes du dépérissement de l'Université française, tant en ce qui concerne ses capacités de formation qu'en ce qui concerne son audience à l'étranger ?


UN CONSTAT DESESPERANT

Parmi les meilleurs passages du livre, il y a cette description du moment où justement le travail ne paie plus et au contraire joue contre le candidat. Si le candidat a trop de travaux et qu'il n'a pas été recruté, c'est bien la preuve par l'absurde que ses travaux posent problèmes ! J'ai eu moi-même à faire avec ce genre de réflexion lorsque je me suis présenté sur des postes de professeurs. D'abord on m'a dit que j'approchais du but, le prochain coup cela serait mon tour, ensuite on m'a dit qu'il fallait diversifié mon dossier. Enfin on m'a dit que mon dossier était un peu trop éclaté, pas assez lisible, que mes publications se perdaient sur des sujets pas assez fondamentaux (par exemple un moment on m'a conseillé de ne pas parler de Gary S. Becker qui pourtant a eu le prix Nobel, de ne pas parler de mes travaux d'économie de la culture, parfois on m'a dit aussi que je ne faisais pas de travaux assez appliqués, ou bien qu'ils l'étaient trop, pas assez théorique). Etc. Mais au bout du compte je n'ai jamais su la vérité, si c'était ma personne qui posait problème " sûrement trop arrogant et imbus de lui-même ", le fait que je n'étais pas membre d'un parti, d'un syndicat ou d'une loge maçonnique ou encore l'antisémitisme latent de certains. Peut-être un peu de tout ça, à tour de rôle.

Elle a aussi encore raison de souligner que les universitaires sont finalement assez peu soucieux de produire et de diffuser le savoir. Bien sûr, il est aussi évident que le recrutement des enseignants ne se fait plus depuis longtemps au mérite, sur des critères de qualité ou de publication. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce point très important. Les étudiants sont de plus en plus faibles, et les enseignants suivent évidemment cette pente, puisque par définition les enseignants se recrutent aussi parmi nos anciens étudiants ! Ce qui ne veut pas dire bien entendu que certains enseignants ne soient pas de qualité, cela peut arriver ! C'est même en quelque sorte la caution de l'ensemble du système. Il est aussi à peu près clair que les meilleurs étudiants sont de moins en moins tentés par une carrière d'enseignant à l'Université ou de chercheur dans cette sorte de nef des fous que représente aujourd'hui l'inénarrable CNRS (on reviendra sur cette institution tout à l'heure en expliquant pourquoi il faudra qu'elle soit fermée définitivement).

Nous sommes également d'accord sur le fait qu'une réforme du fonctionnement de l'Université est nécessaire souhaitable et possible. Même si le diagnostic est simple à faire, il est difficile d'envisager des changements, je dirais pourquoi, cette réforme ne pourra pas voir le jour de l'intérieur du système : il y faudra un choc au moins aussi important que 1968, et que le coup vienne d'un lieu d'où on ne l'attend pas. Cependant, le contenu de l'ouvrage, comme la démarche appelle de nombreuses remarques :

1. Judith Lazar reste bien souvent en deçà de la réalité. Le quotidien des universitaires est en réalité bien plus sordide que cela, le mode de vie des universitaires est fait de mesquineries à répétition. Elle se trompe certainement aussi en pensant que les universitaires ont un but précis, même si celui-ci n'est pas vraiment avouable. Autrement dit, elle n'expose pas assez profondément les raisons du délabrement probablement définitif du système. Le fond de l'affaire est que les universitaires sont assez peu cultivés et qu'ils travaillent peu. Et s'ils passent leur temps à comploter, c'est justement parce qu'ils n'ont pas envie de travailler : alors ils perdent leur temps dans les différentes commissions qui sont censées recruter des enseignants, c'est leur petit plaisir, c'est ce qui leur fait croire qu'ils ont un rôle quelque part. On les retrouve encore dans des commissions de réforme pour soi-disant améliorer le fonctionnement de l'institution. Il est assez drôle de visiter le logement de nos confrères et de voir à quel point ils ne sont pas intéressés par le savoir, si certains ont de belles piscines et de jolies maisons individuelles, peu possèdent de belles bibliothèques.

L'ensemble du système repose sur deux critères : le mensonge et le mal. Le mensonge généralisé est devenu assez visible. Les universitaires ont coutume de mentir, non seulement aux candidats qu'ils font semblants d'encourager, cela peut-être mis sur le compte d'une lâcheté naturelle, mais également entre eux : un tel promet qu'il votera dans les commissions de spécialistes pour le candidat d'un collègue, puis au dernier moment, le vote change sans que l'intérêt de ce changement soit évident. Mais les universitaires mentent aussi à leurs propres collègues sur leur propre activité, peut-être se mentent-ils aussi à eux-mêmes. Combien rencontrons nous d'universitaires prétendants être harassés et mal payés pour leur dur labeur. Combien en rencontrons nous qui se plaignent des difficultés matérielles pour mener à bien leurs recherches. La grande majorité des universitaires a choisi ce métier pour en faire le moins possible, pour bénéficier d'une rente de situation. Les moins fainéants sont finalement ceux qui ont choisi un deuxième métier : un tel vend des tracteurs pour compléter ses émoluments, un autre a monté une petite entreprise de " conseil.. en entreprises ". Ainsi, les enseignants font semblant d'enseigner, les chercheurs de chercher et les étudiants d'étudier : mais au bout du compte le niveau est désastreux, tant en ce qui concerne la recherche qu'en ce qui concerne l'enseignement et le niveau des étudiants. De plus en plus d'analphabètes franchissent les étapes menant à la maîtrise, au troisième cycle, et même à l'enseignement et tout le monde s'en moque. Après tout, nous ne sommes pas responsables de l'effondrement de l'enseignement secondaire !

Leur fainéantise et leur cupidité apparaissent aussi au grand jour dans la gestion des contrats de recherche. Certains se font nommer à la commission dite " scientifique " ou au CNU pour avoir le privilège de se voter un avancement vers la classe exceptionnelle. Ils se donnent bien du mal à faire à nouveau les couloirs pour décrocher un contrat (dont le résultat final est souvent utile à un bureaucrate qui a des liquidités à dépenser), et puis ce contrat ils le réalisent en faisant travailler des hors-statut qu'ils rémunèrent chichement en faisant mine de secourir des malheureux. A partir de ce contrat ils signeront dans le meilleur des cas un rapport de recherche, et puis un article, mais aussi cela leur permettra d'en faire profiter quelque collègue étranger. En effet, de plus en plus souvent les contrats demandent une collaboration avec des universitaires étrangers. Ce type de pratique se fait donnant-donnant, ce qui permet ensuite de se faire inviter à l'étranger et de parader en montrant combien on est ainsi sollicité. On oublie aussi trop souvent que les universitaires sont généralement dépressifs (combien surconsomme du Prozac) et habités par une envie de nuire incommensurable. Autrement dit, ils aiment avant tout nuire à leur prochain pour compenser l'ennui qui les habite. C'est la soif du mal qui les motivent : ils savent en effet très bien que le système de recrutement est destructeur, aussi bien du point de vue des candidats qu'ils découragent de continuer, que de l'institution elle-même.

2. Les universitaires ne fonctionnent pas en clan avec des logiques de solidarité comme semble le croire Judith Lazar, même pas comme une secte, même s'il faut, pour progresser dans la carrière s'appuyer sur un groupe constitué. Ils ne défendent plus aucune idéologie et finalement les petits bénéfices pécuniers qu'ils peuvent tirer de leurs magouilles sont assez maigres. Ils fonctionnent un peu comme un parti politique, ou une loge maçonnique (d'ailleurs être maçon ou d'un parti dit de gouvernement ça aide assez bien aussi, même s'il y a d'autres voies). On se sert du groupe, mais aussi on a la volonté en arrière-plan de trahir ceux qui nous ont aidé. Les trahisons sont en effet aussi fréquentes dans l'Université que dans n'importe quelle section parisienne du RPR. Disons le plus clairement les universitaires aiment trahir, cela leur donne une fois de plus l'impression de leur importance. Si seulement les universitaires avaient comme premier souci de consolider et de développer leur laboratoire il leur serait beaucoup pardonné.

3. Judith Lazar a aussi mille fois raison de faire remarquer que les pratiques des universitaires s'apparentent à un détournement de fonds publics. Mais l'Université ne peut être plus que le reflet de la société. Et quand celle-ci est décrépite, il n'y a pas de raison qu'il n'en aille pas de même des universitaires. La société d'aujourd'hui est morose et corrompue, ce qui est aussi le cas de 90% des enseignants. Produire et diffuser du savoir devrait être notre mission. Mais cette mission n'a plus aujourd'hui de justification. Aujourd'hui la réussite matérielle est à peu près le seul critère d'évaluation : combien avons-nous rencontré d'étudiants trouvant dérisoires les salaires des enseignants : comment, disent-ils incrédules, vous avez fait toutes ces années d'études pour toucher un si petit salaire ? Alors la grande majorité des universitaires qui sont assez peu intelligent se disent qu'effectivement leurs salaires sont bas : un footballeur professionnel de division 2 gagne bien plus ! Ils le répètent et finissent par le croire : s'ils ne travaillent pas plus c'est que leurs conditions matérielles sont bien difficiles et d'évoquer l'exode des cerveaux vers l'étranger, en oubliant aussi que si certains s'en vont à l'étranger, aux Etats-Unis notamment, c'est parce qu'ils fuient leurs collègues français, et que les règles américaines leur ont paru un peu plus claires.

4. Parfois l'ouvrage de Judith Lazar laisse entendre que dans la conduite clanique des universitaires il y a des raisons idéologiques sous-jacentes, c'est faux. L'idéologie sert en général de paravent pour justifier les écarts de conduite. Je suis pour ma part dans une UER de sciences économiques, et j'ai vu, au fil des années se déliter les idéologies les plus affirmées : un tel, ancien maoïste qui prétendait ne jamais porter de cravate même pour les soutenances de thèses, pour ne pas se plier au mode de vie bourgeois, et qui ambitionnait de rejoindre un jour le Collège de France, a fini misérablement comme conseiller auprès du ministère, après avoir été un recteur inamovible quel que soit le changement de gouvernement.

5. Alors doit on rentrer ou non à l'Université. Il n'est pas sur que ce soit très sain de continuer à vouloir rejoindre une institution qui ne veut pas de vous parce qu'elle a été dévoyée, colonisée puis détruite par des incapables. Certes il n'est pas certain que l'Université reste toujours ce qu'elle est aujourd'hui, mais il est sûr aussi que la pensée, la réflexion ne se trouvent plus dans ces institutions. On sera aussi épaté par le fonctionnement du CNRS. Les chargés de recherche et les directeurs de recherche sont payés pour chercher justement, et évidemment ils doivent publier les résultats de leurs recherches. Or, on a constaté que ceux-ci publiaient encore moins que les universitaires qui doivent ajouter un surcroît de charge d'enseignement et d'encadrement de la recherche à leurs propres productions ! C'est dire !

6. Il y a d'autres insuffisances dans l'ouvrage de Judith Lazar : elle ne cite pas nommément les universitaires qui ont fauté, et de ce fait ils échappent une fois de plus si ce n'est à la sanction, à l'opprobre publique. Rentre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité disait Marx. Je crois que c'est par là qu'il faudrait commencer.

Très souvent les universitaires disent que si les conditions de recrutement se dégradent, c'est parce qu'il n'y a pas assez de postes octroyés par un ministère un peu avare : il faut s'inscrire en faux contre une telle idiotie colportée par des associations comme " Droit d'entrée " qui exigeraient presque que tout apprenti chercheur trouve finalement un poste. Les moyens des universités ont augmentés dans des conditions considérables depuis une quinzaine d'années. Il y a trop de postes, trop de filières d'enseignement vides, et si les moyens augmentaient on ne saurait pas vraiment vers qui les orienter. Le nombre de postes n'est pas un problème, le seul problème est les conditions d'accès à ces postes et la transparence dans les recrutements. Les solutions existent, elles passent d'abord par une moralisation des concours de recrutement qui pour l'instant n'ont, comme le dit Judith Lazar, de concours que le nom. La première règle doit être la transparence et l'égalité des candidats. C'est ce qui nous amène à compléter les propositions de Judith Lazar.


QUELQUES PROPOSITIONS SIMPLES

1. Dissolutions des commissions de spécialistes, prééminence du CNU. Il faut aboutir à une évaluation purement quantitative des travaux. Le qualitatif étant comme la pédagogie la porte ouverte à toutes les interprétations les plus grotesques. Un tel vous dira sans rire que s'il a fait 25 ans de carrière avec un seul article publié (cosigné avec deux collègues) c'est la preuve que l'article en question était de qualité ! En outre si le CNU est réhabilité, le localisme sera détruit. On pourrait alors établir un classement en additionnant simplement les points : 1000 points pour la thèse, 500 points pour la mention très honorable, 100 points pour la mention honorable. 200 points pour un article publié dans une revue à comité de lecture de rang international, 100 point pour un article publié dans une revue à comité de lecture de second rang. [Il est très facile de classer les revues du point de vue de leur notoriété, ou à partir du nombre de citations qu'elles ont générées dans le monde entier]. 500 points pour un ouvrage de recherche, 300 points pour un manuel. 100 points pour l'encadrement d'un mémoire de DEA, 500 points pour une thèse soutenue et non pas seulement encadré. 50 points pour une participation dans un colloque sur invitation. Etc. Le CNU devient alors une instance enregistreuse : on classe et on vérifie la fiabilité du dossier, et évidemment on donne le poste à celui qui a le plus de points. On procèdera ainsi pour l'avancement, sous-entendant que ceux qui ne publient rien dans l'année ou qui n'ont pas fait soutenir de thèse voient leur indice rétrogradé. Dans un tel contexte on met aussi fin à l'attribution des primes d'encadrement doctoral. Je me souviens d'un universitaire qui touchait la prime d'encadrement doctoral alors qu'il n'avait jamais fait soutenir de thèse et qu'il n'avait même pas passé l'habilitation à diriger les recherches.

2. Cette logique suppose la suppression des postes fléchés. On éliminera cette profilation hypocrite qui ne vise en général qu'à favoriser un poulain local.

3. Dans la foulée on doit rétablir l'assistanat. Suppression des allocations et des postes d'ATER. L'assistanat redevient le premier stade du recrutement. Pour que celui-ci soit transparent, il faut et il suffit que le concours soit fermé, anonyme. On peut se servir des concours d'agrégations lorsqu'ils existent et proposer les postes d'assistants aux mieux classés. Ceux-ci auront ensuite 5 ans pour passer une thèse soutenue devant un jury tiré au sort par le CNU. Si cette thèse est jugée trop faible, le candidat retournera enseigner dans le secondaire. Pour que tout soit clair, il faut prévoir une voie de recours pour les recalés qui cependant ne devraient pas être nombreux par nature.

4. Curriculum vitae sur internet. Quoique cette mesure semble dérisoire par rapport à ce que nous venons de dire, elle contribuerait à la transparence. Comme le soulignait Judith Lazar il est dérisoire de se voir évalué, jugé par des individus qui ont très peu publié. Elle-même a été qualifiée pour concourir sur des postes de professeurs, et un peu plus tard, alors que son Curriculum Vitae avait un peu plus de poids, elle a été ensuite déqualifiée ! Entre les deux décisions, elle avait pourtant publié 8 articles et deux ouvrages nouveaux, bien plus que certains dans toute une carrière ! Ce qui sous-entend clairement que plus elle travaillait et publiait, et plus la valeur de son dossier s'amenuisait au regard de ceux qui la jugeaient !!

5. Avantages de ce système. Les candidats savent immédiatement où ils se situent sur la liste d'aptitude. Et ils savent également comment ils peuvent progresser, le nombre de points qu'ils leur manquent, et si cette progression est à leur portée. La lisibilité est alors parfaite. Ce système à pour avantage également d'en finir avec une guerre des clans ruineuse pour tous, tout en maintenant le pluralisme : on peut supposé que le rythme d'avancement sera indépendant du courant de pensée dans lequel on s'insère. Cela ouvrira enfin la porte à un véritable pluralisme intellectuel. On peut aussi supposer que la qualité des enseignants recrutés s'améliorera au fil du temps. En outre, les mandarins qui ne sont en haut de l'échelle indiciaire qu'à cause de leur entregent vont se voir déchargés des fastidieuses obligations de siéger, et de se battre pour siéger, dans des commissions lourdes et peu productives. Ils n'auront plus l'occasion de gémir sur la trop grande charge de travail administratif et pourront ainsi retourner à leurs études.

Toutes les propositions que j'ai avancées sont évidemment perfectibles et discutables, mais elles me semblent émaner du simple bon sens. Je crois que Judith Lazar sera d'accord avec moi sur le fond, sur la démarche à adopter. Mais, tout cela restera lettre morte si on se focalise seulement sur les exemples individuels douloureux des uns et des autres. Toutes les disciplines sont touchées, c'est donc l'ensemble des capacités d'un pays comme la France à produire et à diffuser le savoir qui est concerné. Il faut je pense se regrouper, et commencer à comptabiliser les turpitudes, en tenir un compte exact, et démontrer comment cela nuit au fonctionnement de l'institution : il faut donner une audience publique à cela à travers les journaux, les télévisions, peut-être même des procès. Il faut des moyens et des gens motivés. Si on ne veut pas ressembler à Don Quichotte il faut trouver un moyen de lutte efficace, ce qui suppose qu'on puisse aussi s'appuyer sur des gens en place à l'intérieur du système. Effectivement il n'y a pas de fatalité à une telle dérive. J'ai siégé pendant à peu près 15 ans dans les commissions de spécialistes, et cela ne s'est pas toujours passé aussi mal : le poids du dossier pendant longtemps finissait par compter. Mais les choses se sont brutalement dégradées depuis une dizaine d'années, et on ne peut pas compter sur ceux qui ont produit un tel détournement d'argent public pour réformer : les mesures ne pourront être imposées que par une modification de l'opinion publique et par une intervention extérieure du ministère!

Continuera à se battre ne peut passer que par une structure qui regrouperait toutes les disciplines et bien sûr qui ne se contenterait pas d'être un syndicat des recalés.

Il faudrait aussi faire la liste de tous les grands penseurs qui n'ont jamais eu de poste à l'Université. Par exemple en économie, Léon Walras, mondialement célébré comme l'inventeur de l'économie politique moderne du s'exiler en Suisse. En histoire, c'est Fernand Braudel qui a été barré par des gens qui ne l'aimaient pas, etc. Léon Walras prenait d'ailleurs des crises d'épilepsie à cause des turpitudes des universitaires dans le recrutement des futurs économistes. Il faut de nouvelles idées, peut-être faire un site Internet pour diffuser les turpitudes des uns et des autres, les dénoncer nommément.

Et puis il faudrait aussi resituer tout cela du point de vue de ce qu'on peut attendre de l'Université. Quoi enseigner ? A qui ? Et remettre au centre la responsabilité des différents ministres de l'éducation qui depuis 20 ans et plus ont cédé au lobby des mandarins, les laissant déposséder les Français d'une parcelle de l'espace public.

                                                                                                                                                                                         René Teboul
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