Garde à Vue

19 septembre 2008

Mise à jour du 14 octobre : le procès de Patrick Mohr est repoussé au 3 mars 2009, 8 h 30, TGI avignon

 

Le texte d'un homme m'a interpellé. Vous le lirez après ce préambule. Je ne le connais pas. Je me contente de reproduire ses propos. Je me rappelle que j'ai été une fois traduit en justice, pour diffamation. Lors d'un dîner en Avignon un ancien sous-directeur des applications militaires du CEA nous avait fait d'étranges confidences. Ma foi, je caricaturais les convives. Il a du penser que j'étais ... caricaturiste et non physicien catégorie poid lourd. La conversation, on ne sait comment, a glissé vers les bévues d'ingénieurs militaires. L'histoire d'In Ecker est venue sur le tapis.

Vous savez que les Français utilisèrent les grands espaces sahariens pour mettre au point la force de frappe française. Ce fut la série des expériences " gerboise ". Puis ces gens ont appris que les Américains faisaient exploser leurs bombes sous terre. Les Français leur ont demandé comment ils s'y prenaient et les cow-boys leur ont répondu " démerdez-vous !". La soldatesque_ingénieur, les " ingémilis " comme on les appelle dans l'hexagone, ont mis leurs neurones sur le problème. Ils se sont dit qu'il fallait faire exploser la bombe atomique dans du dur, en l'occurrence une montagne de granit, où ils ont creusé une galerie en colimaçon. C'était idiot. Si vous voulez expérimenter une grenade il faut la mettre sous des sacs de sable, qui amortiront l'explosion, pas sur un monceau de pierre ou de béton.

Pour la bombe atomique c'est pareil. Il faut un terrain calcaire capable d'absorber l'énergie. Mais les X ne comprirent cela qu'après cette première explosion, qui vira à la catastrophe. Le bouchon de béton sauta et les gaz radioactifs fusèrent par l'orifice, créant un immense nuage. Des tas de militaires furent irradiés. Mais le Ministre des armées de l'époque, Pierre Messmer, en prit pour son grade également. Comment l'explosion était censée s'opérer sous terre on avait pas prévu d'abri. Tous ces gens se jetèrent dans leurs voitures et prirent la fuite. Je m'aperçois que j'ai une page là-dessus :

 

beryl

L'essai " Béryl " : le bouchon retenant les gaz radioactifs lâche

L'essai d'In Ecker

 

Je racontais cette histoire quand le bonhomme, Antoine Giudicelli, ne put s'empêcher de réagir :

- Ca c'était l'époque héroïque. Maintenant on domine très bien tout cela
- Vous voulez parler des essais de Mururoa, sur ce site que la France vient d'abandonner ?
- On a même fait des essais dans l'hexagone.

Là, j'ai fait l'idiot.

- Mais, de tels essais, cela doit faire ... du bruit ?
- On sait très bien atténuer le signal sismique. Il y a d'abord une dalle de béton, puis .....

Il s'aperçut qu'il en avait trop dit. Après mûre réflexion j'ai mis cela sur mon site Internet. L'autre m' attaqué en diffamation, d'abord en correctionnelle. Dans un tribunal d'une chambre correctionnelle l'intéressé peut parler. Et je n'ai pas la langue dans ma poche. J'avais un avocat, mais en fait c'est moi qui ai plaidé. Giudicelli, cheveux blancs et petite taille était à ma droite, à un mètre de moi. J'ai fini par lui dire à un moment :

- Je ne comprends pas comment vous avez pu grimper jusqu'à un pareil poste avec des connaissances en physique aussi rustiques.

Le tribunal a botté en touche. J'avais deux témoins. Il y a eu non-lieu. Entre temps, mis sur cette piste par le journaliste Jean-Yves Casgha, qui après nous avoir lancé là-dedans se tint prudemment à distance pour tout ce qui suivit, nous avions porté notre attention sur la mine de Gardanne. En effet, et cela émergea d'un rapport américain de l'American Geographical Society, la tenue d'essais nucléaires furtifs peut se faire sans difficulté à proximité d'une mine en exploitation où les explosions sur les fronts de taille créent des signaux de magnitude 3 sur l'échelle de Richter. On obtient cela avec 500 kilos de dynamite. Mais dans ce cas on recherche l'ébranlement le plus intense.

Si on disposait ces charges dans le couloir ou la salle, l'effet serait minime. C'est ce qu'on fait dans ce système d'explosions nucléaires furtives. On fait détoner l'engin, de quelques hectotonnes d'équivalent TNT, à une kilotonne au centre d'une cavité d'une vingtaine de mètres de diamètre. L'onde de choc, en atteignant la paroi crée un signal qui est également de magnitude 3, donc peut être confondu avec l'exploitation routinière de l'exploitation.

Je pense que la France a procédé à une centaine de tirs souterrains dans la mine de Gardanne, à mille mètres de profondeur, au sud de la ville. Les épicentres ont d'ailleurs été localisés par un service de sismologie du Cnrs qui a l'époque trouvait étrange que ces signaux soient :

- Tous à la même profondeur
- Tous strictement de même magnitude

Les militaires ne se sont pas servis des galeries d'accès utilisées par les mineurs, mais ont ménagé leur propre accès, oblique, débouchant dans une zone ... où il n'y avait pas de lignite, au sud de la ville. J'ai raconté un peu tout cela dans mon livre " OVNI et armes secrètes américaines ", paru en 2005 chez Albin Michel. Dans les jours qui ont suivi la sortie de l'ouvrage la mine a été lock-outée. Un mystérieux commando d'hommes encagoulés s'est introduit dans la mine, se livrant dans les galeries à des saccages qui furent constatés par les gendarmes, à la requête de la direction. Le lendemain un juge posa des scellés, interdisant l'accès au personnel, services de sécurité compris.

Depuis ce jour personne ne pénétra plus dans cet immense complexe souterrain. La décision d'abandon fut prise. On stoppa le pompage de l'eau. La mine est aujourd'hui totalement sous les eaux. Si ce que je pense est vrai, l'eau va dissoudre le calcaire et un jour où l'autre les produits radioactifs, issus de la centaine d'explosions seront libérés et, drainés par la très intense circulation des eaux souterraines et iront polluer irrémédiablement la Méditerranée,du côté des Calanques de Marseille, où se comptent nombre de bouches de rivières souterraines, qui crachent sous la mer, comme le trou de la Calanque de Port-Miou. C'est plein sud vis à vis du site de Gardanne.

Si un jour un niveau suspect de radioactivité est décelé dans les entrailles de la Grande Bleue on racontera " qu'un cargo russe, transportant des déchêts, a coulé dans une fosse, près de Toulon et que ces effluves radioactives remontent au gré des courants sous-marins ".

Avant que la décision de fermer la mine ne soit prise les riverains avaient constaté nombre de faits étranges, de bruits suspects, de nuit, toujours attribués à des "effondrements de galeries". Mais depuis sa fermeture la mine est devenue aussi silencieuse qu'une tombe.

Pourquoi ces souvenirs remontent-ils à la surface, soudain ? Parce qu'au procès en appel j'étais seul, totalement seul. L'appel avait été transféré au Tribunal de Grande Instance. Donc je n'avais plus droit à la parole. Au TGI seuls les avocats peuvent s'exprimer, les clients sont condamnés au silence total.

Je fus condamné grâce à un remarquable artifice de procédure qui permit à la cour de considérer mon dossier de défense comme vide, parce que les dires de mes deux témoins n'avaient pas été redéposés dans les temps selon une procédure d'exception de vérité et non d'exception de bonne foi.

Peu importe ces détails et arguties juridiques. Je me souviens de la lettre de mon avocat où il avait conclu :

- Tout porte à croire que le juge a instrumenté pour obtenir votre condamnation.

J'ai récolté 5000 euros de dommages et intérêts, à payer au plaignant, Antoine Giudicelli. Voir le jugement. Je lançais un appel à mes lecteurs, qui y répondirent aussitôt. Je gardais les 2000 euros d'honoraires d'avocat pour moi. Mais ce jour-là j'ai perçu la justice de mon pays ... différemment. Je n'oublierai pas. Je me suis désintéressé de cette affaire, aussi parce que les gens de la région me laissèrent complètement tomber. Depuis, quand on me relance sur ce sujet, je réponds :

- Vous savez, si un jour vous devrez vous munir d'un compteur Geiger pour pouvoir vous baigner, ça sera votre affaire. Moi j'ai déjà donné.

Quel naïf s'imaginerait que la France, depuis la fermeture du site de Mururoa en 1996 n'a procédé à aucun essai nucléaire. Douze an se sont écoulés ! Comment être assuré que l'arsenal est encore opérationnel ? Comment améliorer les armes existantes, en concevoir de nouvelles ? Avec des calculs effectués sur un super-ordinateur, nous dit-on. Et les journalistes, dociles ou décervelés, ou les deux, répercutent cette riche information. Les scientifiques leur emboîtant le pas.

Mais il y a tellement de choses qui déconnent dans notre monde. Ca n'est jamais qu'une de plus.

Je reproduis le texte que monsieur Patrick Mohr a mis sur le net :

 

 

Je m’appelle Patrick Mohr.

Je suis né le 18 septembre 1962 à Genève.
Je suis acteur, conteur, metteur en scène et auteur.

A Genève je dirige une compagnie,  le théâtre Spirale, je co-dirige le théâtre de la  Parfumerie et m’occupe également du festival « De bouche à oreille. »
Dans le cadre de mes activités artistiques, je viens régulièrement  au festival d’Avignon pour y découvrir des spectacles du « in » et du « off ». Notre compagnie s’y est  d’ailleurs produite à trois reprises. Cette année, je suis arrivé dans la région depuis le 10 juillet et j’ai assisté à de nombreux spectacles.

Le Lundi 21 juillet, je sors avec mon amie d’une représentation d’une pièce très dure sur la guerre en ex-Yougoslavie et nous prenons le frais à l’ombre du Palais des Papes ou nous avons donné rendez-vous à ma fille et 3 de ses amis. Il y a foule sur la place, nous assistons avec plaisir à un spectacle donné par un couple d’acrobates.
A la fin de leur numéro, je m’avance pour mettre une pièce dans leur chapeau lorsque j’entends le son d’un Djembé (tambour africain) derrière moi. Etant passionné par la culture africaine. (J’y ai monté plusieurs spectacles et ai eu l’occasion d’y faire des tournées.)
 Je m’apprête à écouter les musiciens. Le percussionniste est accompagné par un joueur de Kamele Ngoni. (Sorte de contrebasse surtout utilisée par les chasseurs en Afrique de l’Ouest.)

A peine commencent-ils à jouer qu’un groupe de 5 C.R.S se dirige vers eux pour les interrompre et contrôler leur identité. Contrarié, je me décide à intervenir. Je me suis dit que l’on se trouvait dans un haut lieu culturel et touristique, dans une démocratie et que j’avais le droit de m’exprimer face à ce qui me semblait une injustice. Il s’agissait pour moi d’un acte citoyen. J’ai donc abordé un  des C.R.S et lui ai demandé : 

« Pourquoi contrôlez vous ces artistes en particulier et pas tous ceux qui se trouvent sur la place? »

Réponse immédiate.

« Ta gueule, mêle-toi de ce qui te regardes! »

J’ai poursuivis : « Justement ça me regarde. Je trouve votre attitude discriminatoire. »

« Tes papiers ! »
« Je ne les ai pas sur moi, mais on peut aller les chercher dans la voiture. »
« Mets-lui les menottes ! »
« Mais vous n’avez pas le droit de… »

Ces mots semblent avoir mis le feu aux poudres.
« Tu vas voir si on n’a pas le droit.»

Et brusquement la scène a dérapé.
Ils se sont jetés sur moi avec une sauvagerie inouïe. Mon amie, ma fille, ses camarades et les curieux qui assistaient à la scène ont reculés, choqués alors qu’ils me projetaient au sol, me plaquaient la tête contre les pavés, me tiraient de toutes leurs forces les bras en arrière et m’enfilaient des menottes. Les bras dans le dos, ils m’ont relevé et m’ont jeté en avant en me retenant par la chaîne. La menotte gauche m’a tordu le poignet et a  pénétré profondément mes chairs. J’ai hurlé :
« Vous n’avez pas le droit, arrêtez, vous me cassez le bras ! »
« Tu vas voir ce que tu vas voir espèce de tapette. Sur le dos ! Sur le ventre ! Sur le dos je te dis, plus vite, arrête de gémir ! »

Et ils me frottent la tête contre les pavés me tordent et me frappent, me traînent, me re-plaquent à terre.
La foule horrifiée s’écarte sur notre passage. Mon amie essaie de me venir en aide et se fait violemment repousser.  Des gens s’indignent, sifflent, mais personne n’ose interrompre cette interpellation d’une violence hallucinante.

Je suis traîné au sol et malmené jusqu’à leur fourgonnette qui se trouve à la place de l’horloge 500 mètres plus bas. Là. Ils me jettent dans le véhicule, je tente de m’asseoir et le plus grand de mes agresseurs, (je ne peux pas les appeler autrement), me donne un coup pour me faire tomber entre les sièges, face contre terre, il me plaque un pied sur les côtes et l’autre sur la cheville il appuie de tout son poids contre une barre de fer.
« S’il vous plait, n’appuyez pas comme ça, vous me coupez la circulation. »
« C’est pour ma sécurité. »
Et toute leur compagnie de rire de ce bon mot.

Jusqu’au commissariat de St Roch le trajet est court mais il me semble interminable.
Tout mon corps est meurtri, j’ai l’impression d’avoir le poignet brisé, les épaules démises, je mange la poussière.
On m’extrait du fourgon toujours avec autant de délicatesse.
Je vous passe les détails de l’interrogatoire que j’ai subi dans un état lamentable.
Je me souviens seulement du maquillage bleu sur les paupières de la femme qui posait les questions.
« Vous êtes de quelle nationalité ? » «  Suisse. »
« Vous êtes un sacré fouteur de merde »
«  Vous n’avez pas le droit de m’insulter »
« C’est pas une insulte, la merde » (Petit rire.)

C’est fou comme la mémoire fonctionne bien quand on subit de pareilles agressions.
 Toutes les paroles, tout les détails de cette arrestation et de ma garde à vue resterons gravés à vie dans mes souvenirs, comme la douleur des coups subits dans ma chair.
Je remarque que l’on me vouvoie depuis que je ne suis plus entre les griffes des CRS.
 Mais la violence physique a seulement fait place au  mépris et à une forme d’inhumanité plus sournoise. Je demande que l’on m’ôte les menottes qui m’ont douloureusement entaillé les poignets et que l’on appelle un docteur. On me dit de cesser de pleurnicher et que j’aurais mieux fait de réfléchir avant de faire un scandale. Je tente de protester, on me coupe immédiatement la parole. Je comprends qu’ici on ne peut pas s’exprimer librement. Ils font volontairement traîner avant de m’enlever les menottes font semblant de ne pas trouver les clés. Je ne sens plus ma main droite.

Fouille intégrale. On me retire ce que j’ai, bref inventaire, le tout est mis dans une petite boîte.
« Enlevez vos vêtements ! » J’ai tellement mal que je n’y arrive presque pas.
« Dépêchez-vous, on n'a pas que ça à faire. La boucle d’oreille ! »
 J’essaye de l’ôter sans y parvenir.
« Je ne l’ai pas enlevée depuis des années. Elle n’a plus de fermoir. »
« Ma patience à des limites vous vous débrouillez pour l’enlever, c’est tout ! »
Je force en tirant sur le lob de l’oreille, la boucle lâche.
« Baissez la culotte ! »
Je m’exécute.

Après la fouille ils m’amènent dans une petite cellule de garde à vue.
4m de long par 2m de large. Une petite couchette beige vissée au mur.
Les parois sont taguées, grattées par les inscriptions griffonnées à la hâte par les détenus de passage, au briquet ou gravée avec les ongles dans le crépi.
 Momo de Monclar, Ibrahim, Rachid…… chacun laisse sa marque
.
L’attente commence. Pas d’eau, pas de nourriture. Je réclame en vain de la glace pour faire désenfler mon bras. Les murs et le sol sont souillés  de tâches de sang coagulé et d’urine. Un méchant néon est allumé en permanence. Le temps s’étire. Rien ici qui permette de distinguer le jour de la nuit. La douleur lancinante m’empêche de dormir.
J’ai l’impression d’avoir le cœur qui pulse dans ma main enflée. D’ailleurs alors que j’écris péniblement ces lignes une semaine plus tard, je ne parviens toujours pas à dormir normalement. Des douleurs lancinantes me vrillent les cervicales et les dorsales en permanence.

Je n’écris pas tout cela en détails pour me lamenter sur mon sort.
Je suis malheureusement bien conscient que ce qui m’est arrivé est tristement banal, que plusieurs fois par jours et par nuits dans chaque ville de France des dizaines de personnes subissent des traitements bien pires que ce que j’ai enduré. Je sais aussi que si j’étais noir ou arabe je me serais fait cogner avec encore moins de retenue.

C’est pour cela que j’ai décidé d’écrire et de porter plainte. Car j’estime que dans la police française et dans les CRS en particulier il existe de dangereux individus qui, sous le couvert de l’uniforme laissent libre cour à leurs plus bas instincts.(Evidement il y a aussi des arrestations justifiées, et la police ne fait pas que des interventions abusives, mais je parle des dérapages intolérables qui me semblent beaucoup trop fréquents.) Que ses dangers publics sévissent en toute impunité au sein d’un service public qui serait censé protéger les citoyens est inadmissible dans un état de droit.    

J’ai un casier judiciaire vierge et suis quelqu’un de profondément non violent, par conviction, ce type de mésaventure me renforce encore dans mes convictions, mais si je ne disposais pas des outils pour analyser la situation je pourrais aisément basculer dans la violence et l’envie de vengeance.
Je suis persuadé que ce type d’action de la police nationale visant à instaurer la peur ne fait qu’augmenter l’insécurité en France et stimuler la suspicion et la haine d’une partie de la population ,des jeunes en particulier, face à la Police.

En polarisant ainsi la population on crée une tension perpétuelle extrêmement perverse.

Comme je suis un homme de culture et de communication je réponds à cette violence avec mes armes. L’écriture et la parole.
Durant les 16h qu’a duré ma détention. (Avec les nouvelles lois, on aurait même pu me garder 48h en garde à vue.) Je n’ai vu dans les cellules que des gens d’origine africaine et des gitans. Nous étions tous traité avec un mépris hallucinant.
Un exemple, mon voisin de cellule avait besoin d’aller aux toilettes. Il appelait sans relâche depuis près d’une demi heure, personne ne venait. Il s’est mit à taper contre la porte pour se faire entendre, personne. Il cognait de plus en plus fort, finalement un gardien exaspéré surgit.  « Qu’est ce qu’il y a ? » « J’ai besoin d’aller aux chiottes. » « Y a une coupure d’eau. » « Mais j’ai besoin. » « Y a pas d’eau dans tout le commissariat, alors tu te la coince pigé. » Mon voisin qui n’était pas seul dans sa cellule continue de se plaindre, disant qu’il est malade, qu’il va faire ses besoins dans la cellule.  «  Si tu fais ça on te fait essuyer avec ton t-shirt. »

Les coups redoublent. Une voix féminine lance d’un air moqueur.
 « Vas-y avec la tête pendant que tu y es. Ca nous en fera un de moins. »
 Eclats de rire dans le couloir comme si elle avait fait une bonne plaisanterie.

Après une nuit blanche vers 9h du matin on vient me chercher pour prendre mes empreintes et faire ma photo. Face, profil, avec un petit écriteau, comme dans les films.
La dame qui s’occupe de cela est la première personne qui me parle avec humanité et un peu de compassion depuis le début de ce cauchemar.
 « Hee bien, ils vous ont pas raté. C’est les CRS, haa bien sur. Faut dire qu’on a aussi des sacrés cas sociaux chez nous. Mais ils sont pas tous comme ça. »
 J’aimerais la croire.

Un officier vient me chercher pour que je dépose ma version des faits et me faire connaître celle de ceux qui m’ont interpellés.
J’apprends que je suis poursuivi pour : outrage, incitation à l’émeute et violence envers des dépositaires de l’autorité publique. C’est vraiment le comble. Je les aurais soi disant agressés verbalement et physiquement.

Comment ces fonctionnaires assermentés peuvent ils mentir aussi éhontement ?
Je raconte ma version des faits à l’officier. Je sens que sans vouloir l’admettre devant moi, il se rend compte qu’ils ont commis une gaffe. Ma déposition est transmise au procureur et vers midi je suis finalement libéré. J’erre dans la ville comme un boxeur sonné.  Je marche péniblement. Un mistral à décorner les bœufs souffle sur la ville. Je trouve un avocat qui me dit d’aller tout de suite à l’hôpital faire un constat médical. Je marche longuement pour parvenir aux urgences ou je patiente plus de 4 heures pour recevoir des soins hâtifs. Dans la salle d’attente, je lis un journal qui m’apprend que le gouvernement veut supprimer 200 hôpitaux dans le pays, on parle de couper  6000 emplois dans l’éducation.
Sur la façade du commissariat de St Roch j’ai pu lire qu’il allait être rénové pour 19 millions d’Euros.
 Les budgets de la sécurité sont à la hausse, on diminue la santé, le social et l’éducation. Pas de commentaires

Je n’écris pas ces lignes pour me faire mousser, mais pour clamer mon indignation face à un système qui tolère ce type de violence. Sans doute suis-je naïf de m’indigner.
 La plupart des Français auxquels j’ai raconté cette histoire ne semblaient pas du tout surpris, et avaient connaissance de nombreuses anecdotes du genre. Cela me semble d’autant plus choquant.

Ma naïveté, je la revendique, comme je revendique le droit de m’indigner face à l’injustice. Même si elles peuvent paraître de « petites » injustices.
C’est la somme de nos petits silences et de nos petites lâchetés qui peut conduire à une démission collective et en dernier recours aux pires systèmes totalitaires.
(Nous n’en sommes heureusement bien évidement  pas encore là.)
Depuis ma sortie, nous sommes retournés sur la place des papes et nous avons réussi à trouver une douzaine de témoins, qui ont accepté d’écrire leur version des faits qui corroborent tous ce que j’ai dis. Ils certifient tous que je n’ai proféré aucunes insultes ni n’ai commis aucune violence. Les témoignages soulignent l’incroyable brutalité de l’intervention des CRS et la totale disproportion de leur réaction face à mon intervention.

J’ai essayé de retrouver des images des faits, mais malheureusement les caméras qui surveillent la place sont gérées par la police et, comme par hasard, il parait qu’elles sont en panne depuis début juillet…..
Il y avait des centaines de personnes sur la place qui auraient pu témoigner, mais le temps de sortir de garde à vue, de me faire soigner et de récupérer suffisamment d’énergie pour pouvoir tenter de les retrouver. Je n’ai pu en rassembler qu’une douzaine.

 J’espère toujours que peut être quelqu’un ait photographié ou même filmé la scène sur son téléphone portable et que je parvienne à récupérer ces images qui prouveraient de manière définitive ce qui c’est passé.

Après 5 jours de recherches, soudain, un monsieur africain m’a abordé, c’était l’un des musiciens qui avait été interpellé.
Il était tout content de me retrouver car il me cherchait depuis plusieurs jours.
Il se sentait mal de n’avoir rien pu faire et de ne pas avoir pu me remercier d’être intervenu en leur faveur. Il était profondément touché et surpris par mon intervention et m’a dit qu’il habitait Grenoble, qu’il avait 3 enfants et qu’il était français.
Qu’il viendrait témoigner pour moi. Qu’il s’appelle Moussa Sanou.
« Sanou , c’est un nom de l’ethnie Bobo. Vous êtes de Bobo-Dioulasso ? »
 « Oui. » M’a-t-il répondu surpris.
Nous nous sommes sourit et je l’ai salué dans sa langue en Dioula.
Il se trouve que je vais partir créer un spectacle prochainement à Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso.
La pièce qui est une adaptation de nouvelles de l’auteur Mozambicain Mia Couto s’appellera « Chaque homme est une race » et un des artistes avec lequel je vais collaborer se nomme justement Sanou.
Coïncidence ? Je ne crois pas.
 Je suis content d’avoir défendu un ami, même si je ne le connaissais pas encore.
La pièce commence par ce dialogue prémonitoire.

Quand on lui demanda de quelle race il était, il répondit :
« Ma race c’est moi. »
 Invité à s’expliquer il ajouta
« Ma race c’est celui que je suis. Toute personne est à elle seule une humanité.
 Chaque homme est une race, monsieur le policier. »
 
Patrick Mohr  28 juillet 2008

 

 

Le procès, qui devait avoir lieu le 13 octobre 2008 à 8 h 30 au Tribunal de Grande Instance, 2 Bd Limbert, Avignon a été repoussé au 3 mars 2009 8 h 30

N'importe qui peut assister à cette audience. Il suffit de se présenter à l'entré de la salle à l'heure, porteur d'un papier d'identité.

Rappelez vous : Lyon, 2005. Un jour tout ceci s'incrira dans le banal, le standard, grâce à Bling-Bling:

http://video.google.fr/videoplay?docid=-6172767166661101795

 


 

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