3,7 milliards de degrés et tout le monde s'en fout

2 juillet 2006

 

Le 19 juin dernier un lecteur avait positionné sur le forum Agoravox un article intitulé :

2 milliards de degrés. L'humanité découvre le feu absolu et tout le monde s'en fout !

Un article qui a suscité plus de 300 réactions. Comme un lecteur m'avait signalé l'existence de ce forum, j'y ai participé. Le lecteur intéressé par ce qui s'y est dit pourra trouve cela dans l'archive :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=10680

Je suis devant ma page blanche et je cherche quoi écrire, quel ton adopter, à quel niveau me situer. Il est vrai que face à une telle situation on se sent un peu dépassé par les évènements, ou plus exactement par les ... non-évènements en l'occurence.

Avant de reprendre ce sujet, pour ceux qui ont suivi ce que j'ai pu dire ou écrire dans mon site à propos de la " Z - machine " et de cette découverte je dirai que j'avais eu la visite d'un journaliste vers le 25 juin. Il était reparti en disant qu'il allait soumettre un article à son rédacteur en chef. La réaction a été immédiate et simple :

- Je n'ai pas vu cela à AFP ou l'agence TASS, ni dans aucune agence de presse.

C'est vrai. Pourtant trois mois se sont écoulés depuis la diffusion de cette nouvelle sans que la presse, dans tous les pays, et les agences de presse n'aient réagi. C'est ... effarant et ... cela fait peur, aussi.

Je vais donc reprendre le fil de cette histoire à zéro, pour les lecteurs qui débarqueraient.

Tout a commencé le 9 mars 2006 par une nouvelle présenté sur le site Futura-Science

http://www.futura-sciences.com/news-z-machine-depasse-deux-milliards-degres_8419.php

Cet article partait en fait d'une annonce très officielle émanant du site des Laboratoire Sandia, situés au Nouveau Mexique, Erars-UNis. Pour qui l'ignore Sandia est un vaste complexe de laboratoires travaillant en grande partie sur des projets d'armes en tous genres. Pour fixer les idées, deux labos aux USA sont, depuis des décennies systématiquement mis en compétition pour la conception d'armes nucléaires ( et autres ) :

- Sandia

- Los Alamos ( C'est là qu'a été conçue la premier bombe A, sur la "mesa" )

 

Le site de Los Alamos, Nouveau Mexique, Etats Unis, où a été conçue la première bombe atomique

 

Toujours en reprenant le fil de l'histoire et en remontant le temps on trouve cette annonce des labos Sandia, en date du 8 mars 2006 :

http://www.sandia.gov/news-center/news-releases/index.html

Voici l'annonce en question :

 

 

" Two billions degrees Kelvin "en anglais signifie " deux milliards de degrés absolus "

 

En fait cette annonce suit de peu la publication d'un articles fracassant signé par Malcolm Haines ( Imperial College, Londres ) spécialiste de physique des plasmas internationalement connu, de Deeney ( reponsable des manips sur la Z-machine de Sandia ) et de quatre autres chercheurs, paru dans la revue de haut niveau Physical Review Letters le 24 février 2006. Les deux liens cités plus haut ne se réfèrent qu'à des annonces médiatiques. Le document-clé est l'article cité. Vue son importance, après l'avoir acheté je l'ai mis en téléchargeable sur mon site.

 

L'article de Malcom Haines, Deeney et les autres, en pdf

 

Voici sa première page :

 

 

" Over 2 x 109 Kelvin" signifie " au delà de deux milliards de degrés Kelvin

 

A noter la date de la première soumission de l'article, le 13 mai 2005. Ce papier se réfère donc à des résultats expérimentaux antérieurs à cette date.

C'est ça, en fait, le document intéressant et je l'ai passé au crible. J'ai fait cette analyse à l'attention de scientifiques ( et de journalistes scientifiques ) et je l'ai faite précéder d'un résumé vulgarisé. Le lecteur scientifique ou " orienté-science " pourra se référer à cette analyse. Mais la présente page, le présent dossier est destiné au plus large public. Que ceux qui ne sont pas scientifiques ou " orientés-science" sautent ce lien.

Mon analyse du papier de Haines et Deeney, 24 février 2006

Avant de revenir sur des généralités sur la fusion ( génératrice de neutrons et " a -neutronique " ), sur la fusion dans un tokamak comme ITER iu par" confinement inertiel ", etc, sujet de ce dossier, que j'essayerai de rendre le plus vulgarisateur possible, quelques mots sur ce qui est essentiel dans le papier mentionné.

- Depuis 1998 des expériences de compression d'un plasma avaient été menées à Sandia ( et dans différents autres pays, nucléarises : Russie, Chine, Angleterre, France, mais pas avec d'aussi grands moyens ). Le but était, en comprimant la matière avec des forces électromagnétiques ( ceci sera repris plus loin ) de l'échauffer et de faire ainsi en sorte qu'elle émette des rayons X. La Z - machine et toutes les machines de ce genre n'avaient pas été conçues au départ pour viser la fusion. C'étaient simplement de puissantes sources de rayons X, à usage 100 % militaire, le but étant de tester la résistance des ogives au fort flux de rayons X, issues d'une bombe A explosant dans le vide spatial, bombe qui qui est l'élément-clé des armes anti-missiles dont le but est de détruire par cette forte irradiation les délicats système de guidage et de mise à feu des bombes. Depuis 1998 les expériences menées à Sandia montraient que la température des ions devait être anormalement élevée. Mais on ne la mesurait pas. Ce qu'on mesurait, à partir de l'émission de rayons X c'était la température électronique. La température des ions était déduite. On verra plus loin comment. Chose étrange ces expériences conduisaient à des températures ioniques qui devaient être supérieures, et de beaucoup, à la température électronique ( cent fois ! ). Des systèmes " bi-température " vous en avez ... dans votre cuisine. Ce sont les ... tubes au néon. Les ions néon ( atome de néon qui ont perdu des électrons ) sont froids, à la température ordinaire. Vous pouvez mettre la main sur le tube sans vous brûler. Par contre les électrons sont à des milliers de degrés ( on reviendra là-dessus plus loin ). Dans les expériences de Sandia les choses ne pouvaient s'expliquer que si le " gaz d'ions " était beaucoup plus chaud que le gaz d'électrons.

- En 2005 les chercheurs travaillant sur la Z-machine ont pu effectuer des mesures directes de cette température des ions, qui sont décrites dans le papier de Haines, Deeney et les autres. Elles ont confirmé ce qu'on calculait précédemment. Cette température, comme le titre l'indique, est " au delà de 2 milliards de degrés Kelvin ". Mais si on se plonge dans le papier ( et dans l'analyse que j'en ai faite, à deux niveaux ) on voit que cette température croît durant les mesures et passe n fait de 2,66 milliards de degrés à 3,77 milliards de degrés. Ces mesures sont 100 % fiables ( la mesure de température par mesure de l'élargissement des raies par l'effet Doppler est un classique de la physique et de l'astrophysique en particulier. L'artefact est à exclure ).

- Subsidiairement Haines et ses collègues ( lui est théoricien ) s'interrogent sur le mécanisme qui assurerait un tel chauffage des ions. Il invoque des instabilités MHD. On reprendra tout cela plus loin également.

 

Le contenu des débats a montré que pour la grande majorité des lecteurs et participants la fusion se résumait à cette du mélange des deux isotope de l'hydrogène

Deutérium + Tritium donnant un Hélium plus un neutrons représentant une énergie de 14 Mev ( méga-électron-volts )

Voir par exemple le dossier de Wikipedia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fusion_nucl%C3%A9aire

Dans celui-ci on ne trouvera qu'une unique illustration de schéma de fusion :

 

Schéma de fusion des deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium, à cent millions de degrés

 

On voit que c'est le neutron qui emporte le plus d'énergie : quatre fois plus que le noyau d'hélium produit.

Les lecteurs vont désormais devoir se graver dans la tête d'autres schémas de fusion.

 

A partir de 500 millions de degrés, celle du lithium et de l'hydrogène ( léger ) :

 

Fusion " a - neutronique " Lithium - Hydrogène

 

A partir d'un milliard de degrés, celle du bore et de l'hydrogène ( léger ) :

 

Fusion " a - neutronique " bore - Hydrogène

 

A-neutronique parce que pas de neutrons. Ce sont ces neutrons, émis à une vitesse relativiste qui font que les tokamak ( Iter est un tokamak ) qui font que cette fusion engendre de la radioactivité en "activant" les structures environnantes. Ces neutrons, de plus, ne peuvent pas être stoppés par "confinement magnétique". Rien ne les arrête, sauf des obstacles physique. Comme le soulignait le prix Nobel de Gennes ils se révèleront extrêmement agressifs vis à vis de la structure de l'aimant supraconducteur qui assure le confinement, qui coûite une fortune et ne saurait être remplacé périodiquement.

L'énergie est véhiculée simplement parc des noyaux d'hélium, du bête hélium. Où est la radioactivité ? Y en pas pas. Où sont des "déchets nucléaires" ? Réponse : l'hélium. Vous pourriez habiter à côté d'une centrale à fusion a-neutronique. Soit elle rejetterait son hélium par des cheminées, auquel cas ce gaz monterait. C'est léger, l'hélium. Soit on le récupèrerait pour gonfler des ballons, pas cher. Pour le moment l'hélium c'est ruineux. Là on pourrait imaginer des véhicules sous forme de ballons gonflés à l'hélium, propulsés par de l'énergie solairee, par exemple. A moins que ces aéronefs, ou ces véhicules ne fonctionnent avec des générateurs électrique à fusion a-neutronique, miniaturisés.

Il faut maintenant répondre aux question que se posent, légitimement, les lecteurs. La température, c'est quoi ?

On va définir la température absolue T d'un gaz. Je précise que c'est sa définition. Un gaz c'est un ensemble de particules ayant une masse m. Des particules qui sont agitées dans tous les sens. On appelle ce mouvement l'agitation thermique. L'air que vous respirez est constitué de molécule qui, en moyenne, se baladent à 400 mètres par seconde. C'est une valeur moyenne. Y en a des plus rapides et des plus lentes, mais où ne fait pas une grosse erreur en se les imaginant toutes circulant à la même vitesse. Pourquoi ces molécules d'air ne vous déchirent-elles pas les vacuoles ? Parce que ce sont des objets de très faible masse, Une molécule d'air à pleine vitesse ne ferait pas de mal à une mouche. Ca y est, vous sentez ?

Dans un tokamak la température absoluie est de 100 millions de degrés. Les noyaux d'hydrohène cheminent à près de mille kilomètres à la seconde. Il s'agit de leur vitesse d'agitation thermique. Pour apprentis-physiciens, voir encâdré ci-contre :

 

 

Tous physiciens :

Définition de la température absolue dans un gaz :

k est une constante qu'on appelle constante de Boltzmann et qui vaut

k = 1,38 10-23

Nous allons faire de la haute physique. La masse d'un tome d'hydrogène, d'un proton est de :

m = 1,67 10-27 kilo

Entrons dans un tokamak. Température ( tant que ça marche ) : 100 millions de degrés absolus. Contenu

- Deutérium. Masse du noyau : 3,34 10-27 kilo

- Tritium. Masse du noyau : 5 10-27 kilo

Moitié-moitié. Masse moyenne des noyaux. 4,17 10-27 kilo

Avec une température absolue de cent millions de degrés Kelvin la vitesse moyenne d'agitation thermique de ces noyaux est :

Une fraction, des puissances de dix, une racine carrée. Vous avez déjà plus de la moitié de la physique à portée de vos neurones. Maintenant ce qui se trouve dans un tokamak est un mélange de noyaux dotés d'une charge positive et d'électrons, dotés d'une charge négative. Le milieu est collisionnel. Cela veut dire que les ions, les électrons échangent beaucoup d'énergie les uns avec les autres. On pourra dire que le contenu du tokamak est un mélange de deux gaz :

- Le gaz d'ions, de noyaux d'hydrogène lourd ayant une masse moyenne de 4,17 10-27 kilo

- Le "gaz d'électrons", constitué de particules dont la masse est de 0,9 10-30 kilo

Les collisions tendent à établir un état d'équilibre thermodynamique. Cela veut dire que si le milieu est un mélange d'espèces différentes, elles sont toutes à la même température. Elles ont la même température absolue : ici cent millions de degrés. Mais qu'est-ce que la température électronique, la température du "gaz d'électrons". On la définit de la même façon.

La constante de Boltzmann ne change pas. Si les deux gaz qui "cohabitent" sont en état "d'équilibre thermodynamique" alors les températures sont égales. ce qui signifie que les énergies cinétiques moyennes ( d'agitation thermique ) sont égales.

Comme les électrons sont plus légers ils sont plus rapides mais on est pas encore relativiste, loin s'en faut.

 

 

 

Porter un milieu gazeux à haute température c'est accroître la vitesse d'agitation thermique des ions. Dans un plasma de lithium à 500.000°K ma vitesse d'agitation thermique des noyaux de lithium est de 1.330 km/s. Dans un plasma de bore à un milliard de degrés elle est de 1.516 km/s

Détail du calcul dans l'encadré :

 

Du lithium à 500.000°K :

Température absolue dans un gaz :

k est une constante qu'on appelle constante de Boltzmann et qui vaut

k = 1,38 10-23

Vitesse d'agitation thermique dans un gaz à une température absolue T :

- Masse d'un noyau de lithium : 7 fois la masse du nucléons ( proton et neutron ) soit :

7 x 1,67 10-27 kilo = 1,17 10-26 kilo

Ce qui nous donne une vitesse d'agitation thermique de :

1.330 km/s

 

 

Du bore à un milliard de °K :

Vitesse d'agitation thermique dans un gaz à une température absolue T :

- Masse d'un noyau de lithium : 11 fois la masse du nucléons ( proton et neutron ) soit :

11x 1,67 10-27 kilo = 1,83 10-26 kilo

Ce qui nous donne une vitesse d'agitation thermique de :

1.516 km/s

Vous ne trouvez pas qu'on y voit un peu plus clair ?

 

 

 

Mais comment créer ces vitesses d'agitation thermique ? Eh bien si je me débrouillais pour faire imploser un plasma et que la vitesse d'implosion atteigne ces valeurs, cette énergue cinétique de transformerait en vitesse d'agitation thermique. C'est tout bête. Il faut bien que l'énergie se conserve. Cela se fera s'il n'y a pas trop de pertes radiatives pendant le process.

Les atomes vont se rentrer dedans. Les collisions redistribueront cette énergie cinétiques dans toutes les directions. De toute façon un propcessus d'implosion va chauffer le milieu. Mais cette température se maintiendra-t-elle assez longtemps pour que la fusion se produise ?

Qu'est-ce que ça veut dire "assez longtemps" ?

Bonne question. Et cela nous conduit à réfléchir sur les conditions dans lesquelles on peut créer des ractions de fusion. On va donc parler du critère de Lawson. C'est un bien grand mot pour désigner quelque chose de sommes toute assez simple et intuitif. On dit qu'on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs. Imaginez que vous vouliez casser des oeufs de masse m ( je ne sais pas combien pèse un oeuf, mais peu importe ). Imaginons donc que nous avons une enceinte où des oeufs roulent et s'entrechoquent. Pour qu'un choc entre deux de ces oeufs puisse entraîner une rupture il faut :

- Que ces oeufs se percutent effectivement

- Que leur vitesse relative soit suffisante pour entraîner le bris des coquilles.

Soit M la masse des oeufs. Quelqu'un fera peut être l'expérience ( intéressante, du reste ) pour déterminer quelle doit être la vitesse de deux oeufs qui entrent en collision pour qu'on ait un début d'omelette. Appelons cette vitesse V. Si cette vitesse est une vitesse d'agitation des oeufs on pourra l'assimiler à une vitesse d'agitation thermique. Si la vitesse n'est pas suffisante, la coquille résistera même à un choc frontal. Or qui dit vitesse d'agitation thermique si température. Remplacez les oeufs par des noyaux et le bris de coquille par une réaction de fusion. Il y aura fusion si la température du milieu dépasse un certain seuil. Pour un mélage deutérium-tritium cette température minimale est de 100 millions de degrés. En fait, pour qu'il y ait fusion du deutérium et du tritium il faut que ces noyaux puissent s'approche d'assez près pour que "la réaction, de fusion" se produise. Ce qui les empêche de s'approcher c'est le fait qu'étant donné tous deux de charges positives, ils se repoussent sous l'effet de la force électrostatique.

On a vu plus haut que cette vitesse d'agitation thermique, donc de collision, associée à une température de noyaux d'hydrogène de 100 millions de degrés était de près de 1000 km/s. Pour faire fusionner du lithium et de l'hydrogène Il faut faire s'approcher un proton porteur d'une charge électrique et un noyau de lithium qui en a trois. Le travail à fournir est plus important. On aura donc une température de fusion plus élevée : 500 millions de degrés. Et ça sera a fortiori le cas avec un noyau de bore ( 5 charges unitaires ) et un proton ( noyau d'hydrogène ordinaire. Il se trouve que cette température est alors d'un milliard de degrés.

Ces température de fusion : 100 millions de degrés, 500 millions, un milliard peuvent sembler surréalistes, mais les chose semblent plus tangibles si on raisonne en terme de vitesses d'agitation thermique :

1000 km/s        1300 km/s        1500 km/s

Les fait que les composants atteignent ces vitesses d'agitation est une condition nécessaire mais non suffisante.

es vitesses d'agitation sont une