Irak : vers une stratégie à l'algérienne ?

14 septembre 2005

On peut se demander si la situation irakienne n'évolue pas à la manière des deux guerres d'Algérie successives ( celle contre les Français et celle qui déchira par la suite les Algériens entre eux avec les exactions du GIA ). Pour la première fois les meurtres perpétrés ne visent plus des soldats Américains, des policiers Irakiens ou une des deux communautés rivales, Chi'ite ou Sunnite. Voir le texte en rouge.

Des "hommes habillés en militaires, circulant à bord de véhicules militaires" (...) s'en sont pris aux membres d'une tribu (...). Il les ont rassemblés sur la place du village pour les exécuter par balle.

Il faut savoir pourquoi. Il est important de noter qu'il y avait à la fois des Chi'ites et des Sunnites. Donc il ne s'agit pas d'un réglement de compte entre communautés religieuses. S'agit-il d'une punition d'une tribu, pour quelque contentieux ? Si oui, pourquoi ces hommes "en tenue militaire, circulant dans des véhicules de l'armée" ?

On peut hasarder une hypothèse : qu'il s'agisse d'un acte mûrement réfléchi, consistant à pousser les populations civiles à "s'engager dans la lutte" en utilisant la terreur érigée en système. C'est exactement ce qui s'est fait par deux fois en Algérie où les "tièdes", "ceux qui voulaient rester en dehors" étaient égorgés massivement, par villages entiers. Cela ne peut se produire que lorsque l'autorité policière ( ici américaine et irakienne ) a perdu complètement le contrôle. Il n'est pas impossible que le conflit irakien se modèle dans l'avenir sur celui des conflits algériens, particulièrement sanglants. Tout se centre alors sur une effroyable stratégie de la terreur, à croissance exponentielle, face à laquelle on ne peut pratiquement plus rien, le pays sombrant dans une folie fratricide. On notera que le Kamikaze n'a pas foncé vers un groupe de soldats américains ou vers un commissariat, mais vers un simple rassemblement d'ouvriers se rendant au travail.

Cette politique de la terreur équivaut à " Vous choisissez. C'est le Jihad, avec nous, ou la mort. C'est simple ". L'Algérie a connue ce type d'évolution effroyable. Ce qui a été épouvantable, en Algérie, c'est que la guerre civile qui a suivi la guerre visant à rejeter les Français, les "pied-noirs" n'a pas été moins violente. Nous n'en avons simplement eu que des échos très atténués par delà la Méditerrannée. Pendant des années les Français savaient simplement que " de l'autre côte de la Méditerranée "ils" s'étripaient, sans que les gens sachent très bien qui combattait qui, et au nom de quoi. Les commentaires de bistrot commençaient invariablement par : " Depuis que nous sommes partis ...".Les appels des intellectuels, des journalistes et des hommes politiques algériens, qui se faisaient quotidiennement massacrer restèrent en France sans échos, pendant des années. Comme si les Français étaient finalement assez contents de voir les Algériens "punis de les avoir virés".

Des films ont été diffusés ( très tardivement ) en novembre 2004, retraçant cette époque épouvantable. Des lecteurs auraient-ils enregistré ces émissions ? Pourraient-ils en produire des copies DivX ?

Quand je repense à ces émissions, elles retracent des faits d'histoire, des massacres systématiques dépassant l'entendement. La diffusion très tardive de ces documents a sous doute obéi à la préoccupation des chaînes de ne pas accroître la sinistrose ambiante. En fait il faut garder ces faits en tête car il semble bien que cette histoire soit en train de se rééditer en Irak, avec le même moteur, qui dépasse la lutte légitime menée contre un oppresseur colonialiste mu par la cupidité. Il s'agit alors d'intégristes hyper-violents qui utilisent un terrorisme visant les populations civiles pour les entraîner de force dans une conflit dont le but final est l'établissement d'un régime islamique dur et de la charria.

En Irak, deux histoires se mêlent. D'un côté des hommes tentent de rejeter une main-mise américaine sur leurs ressources énergétiques, car ça n'est rien d'autres que cela. De l'autre des islamistes extrémistes ( de leur propre chef ou manipulés ) tentent de jouer sur le désordre ambiant et sur la faiblesse des forces de police, sur l'impossibilité de réagir face à un attent perpétré par un kamikaze pour implanter un nouvel état islamique.

Où se trouvent les chances de paix au milieu de tout cela ? Bien problématiques.

Le Chrétiens n'ont rien à dire, eux qui jadis dirent :

Tuez-les tous. Dieu reconnaîtra les siens

Dans le genre monstrueux on peut difficilement faire mieux. La logique islamiste extrémiste, qui fut à l'oeuvre en Algérie c'est :

Peu importe qu'on tue des innocents si, au bout du compte, la loi islamique triomphe

A suivre de près.


BAGDAD (AFP) - Au moins 92 personnes ont été tuées et 162 autres blessées dans un attentat suicide à Bagdad et attaque contre des civils au nord de la capitale mercredi matin, selon une source sécuritaire.

L'attentat suicide a visé un rassemblement d'ouvriers du bâtiment dans un quartier chiite de la capitale. Au moins 75 personnes ont péri et 162 autres blessées, a indiqué une source du ministère de l'Intérieur.

"D'après un tout dernier bilan fourni par cinq hôpitaux de la capitale, il y a 75 morts et 162 blessés", a déclaré cette source, qui avait avait état dans un premier temps de 40 morts et 25 blessés et ensuite de 73 tués et de 109 blessés. "Le kamikaze, à bord d'une Opel, a foncé sur des ouvriers rassemblés sur une place du quartier vers 07H00 (03H00 GMT)" a précisé cette source. Les ouvriers avaient l'habitude de se rassembler tôt le matin sur une place du quartier, appelée Ourouba, pour attendre d'être engagés pour la journée.

C'est près de ce quartier qu'avait eu lieu la gigantesque bousculade le 31 août sur un pont, à l'occasion d'un pèlerinage chiite, suite à des rumeurs sur la présence de kamikazes dans la foule. Près 1.000 pèlerins étaient morts.

A Taji, à 15 km au nord de Bagdad, dix-sept civils irakiens ont été exécutés par des hommes armés à l'aube, selon la même source. "Des hommes armés habillés en soldats et circulant à bord de véhicules militaires sont arrivés à Taji, à 15 km au nord de Bagdad, ont arrêté plusieurs membres de la tribu des Bani Tamim, avant de les rassembler sur une place publique et de les exécuter par balle", a-t-elle précisé.

L'opération a eu lieu vers 04H30 (003H0 GMT) du matin, a ajouté cette source, selon laquelle les auteurs de cette exécution ont fait le tour de plusieurs habitations de la localité habitée par des chiites et des sunnites et ont sorti des hommes de leur sommeil, avant de les rassembler et de tirer sur eux.

 

17 septembre 2005. Précisions apportées par un lecteur, Othman Benomar, à propos de la tuerie de Taji, du 14 septembre 2005.

Source. Associated Press. Voici ce texte plus précis.

Près de cent morts en Irak, dont 80 dans un attentat suicide

BAGDAD (AFP) - 8h29 heure de Paris -
Près de 100 personnes ont péri mercredi en Irak, dont 80 dans un attentat suicide à Bagdad, le plus meurtrier dans la capitale depuis sept semaines, commis sur fond de menaces d'extrémistes après une offensive anti-rebelles dans le nord-est du pays.
Au moins 80 personnes ont été tuées et 162 blessées dans l'attentat suicide contre un rassemblement d'ouvriers du bâtiment dans un quartier chiite de la capitale, celui de Kazimiyah. Dix-sept membres d'une tribu chiite ont été exécutés à l'aube à Taji, au nord de Bagdad, par des hommes en uniforme.
"Le kamikaze, à bord d'une Opel, a foncé sur des ouvriers rassemblés sur une place du quartier vers 07H00 (03H00 GMT)", a précisé une source du ministère de l'Intérieur. Selon des témoins interrogés dans le quartier, bouclé par les forces de sécurité, des dizaines d'ouvriers entouraient la voiture du kamikaze qui s'était présenté comme un entrepreneur voulant recruter de la main-d'oeuvre. "Un homme est arrivé en voiture et a appelé les ouvriers pour leur proposer du travail. Il a ensuite fait exploser le véhicule", a raconté un témoin.
Satah Jihad, un commerçant de 40 ans, a été lui aussi témoin de l'attentat. "L'explosion s'est produite alors que des dizaines de personnes entouraient la voiture du kamikaze", a-t-il dit. "La plupart de ces ouvriers sont pauvres et viennent des provinces chiites du sud pour trouver du travail", a-t-il ajouté. D'importantes forces de police bloquaient l'accès de la place appelée Ourouba où s'est produit l'attentat alors que des des ambulances continuaient à sillonner le secteur. Certaines victimes étaient évacuées sur des charrettes en bois.
Les façades des commerces de la place ont été endommagées par l'explosion et la rue était jonchée de carcasses de voitures brûlées alors que des pompiers arrivés rapidement se sont s'employés à éteindre. C'est près de ce quartier qu'avait eu lieu la gigantesque bousculade le 31 août sur un pont, à l'occasion d'un pèlerinage chiite, suite à des rumeurs sur la présence de kamikazes dans la foule. Près 1.000 pèlerins y sont morts. La capitale irakienne n'a pas connu d'attentat suicide aussi meurtrier depuis le 24 juillet dernier lorsque un camion piégé conduit par un kamikaze avait explosé contre un poste de police, faisant 27 morts et 33 blessés.
A Taji, à 15 km au nord de Bagdad, dix-sept civils irakiens ont été exécutés par des hommes armés à l'aube, selon la même source. "Des hommes armés habillés en soldats et circulant à bord de véhicules militaires sont arrivés à Taji, ont arrêté plusieurs membres de la tribu chiite des Bani Tamim, avant de les rassembler sur une place publique et de les exécuter par balle", a-t-elle précisé. L'opération a eu lieu vers 04H30 (003H0 GMT), les auteurs de cette exécution ont fait le tour de plusieurs habitations de la localité habitée par des chiites et des sunnites et ont sorti des hommes de leur sommeil, avant de les rassembler et de tirer sur eux.
Par ailleurs, un convoi américain été visé par un attentat suicide dans le sud-est de la capitale, qui a blessé deux soldats, selon l'armée américaine.
Ces violences interviennent après des menaces d'attaques lancées par des groupes extrémistes sunnites, dont le réseau Al-Qaïda, après une offensive militaire dans la ville de Tall Afar, dans le nord-est de l'Irak, à 60 km de la frontière syrienne. L'offensive, menée par l'armée irakienne et des forces américaines, a permis selon les autorités de Bagdad de chasser les rebelles et les combattants étrangers infiltrés de Syrie de la ville.
Les opérations militaires ont fait quelque 150 tués parmi les rebelles et plus de 400 suspects ont été arrêtés, selon l'armée américaine.




Chronologie des principaux attentats en Irak en date du 14 sept 2005

Total 972 morts et des milliers de blessés depuis l'invasion américaine.


BAGDAD (AP) - Voici la liste des principaux attentats commis en Irak depuis la fin de l'offensive américaine :

2005 ( 438 morts en date du 14 septembre )

- 14 septembre: un attentat-suicide à la voiture piégée dans le quartier chiite de Kazimiyah, dans le nord de Bagdad, fait au moins 152 morts et 542 blessés.

- 16 juillet: un kamikaze se fait exploser dans une station-service près d'une mosquée à Moussayib (centre), faisant au moins 54 morts et 82 blessés.

- 4 mai: une bombe saute devant un centre de recrutement de policiers dans la ville kurde d'Erbil, faisant 60 morts et environ 150 blessés.

- 10 mars: un kamikaze se fait sauter dans une mosquée lors d'obsèques à Mossoul (nord), tuant au moins 47 personnes et blessant une centaine d'autres.

- 28 février: un kamikaze au volant d'une voiture piégée vise des recrues de la police et de la Garde nationale à Hillah, au sud de Bagdad, faisant 125 morts et plus de 140 blessés. A lui seul, cet attentat est le plus meurtrier depuis la chute de Saddam Hussein.

2004 ( 386 morts )

- 19 décembre: l'explosion d'une voiture piégée au passage d'un cortège funèbre à Najaf et d'une autre dans la gare routière de Kerbala font au moins 60 morts et plus de 120 blessés.

- 30 septembre: une série d'attentats à la bombe dans le quartier bagdadi d'Al-Amel tue 42 personnes -35 enfants et sept adultes- lors de l'inauguration d'une station d'épuration.

- 14 septembre: une voiture piégée explose dans une rue commerçante de Bagdad près d'un centre de la police, tandis qu'une camionnette transportant des policiers à Baqouba est mitraillée. Le bilan s'élève à 59 morts et au moins 114 blessés au total.

- 29 juillet: un attentat à la voiture piégée dans une rue de Baqouba fait 70 morts.

- 21 avril: cinq attentats perpétrés près de commissariats et d'une école de police à Bassorah (sud) font au moins 55 morts.

- 2 mars: une vague d'attentats-suicide, de tirs d'obus de mortier et d'explosions de bombes vise des lieux sacrés du chiisme à Kerbala et Bagdad, faisant au moins 181 morts et 573 blessés. Il s'agit de la série d'attentats la plus meurtrière perpétrée depuis la chute de Saddam Hussein.

- 11 février: une voiture piégée saute près d'un centre de recrutement de l'armée irakienne à Bagdad, tuant 47 personnes.

- 10 février: un kamikaze jette un camion bourré d'explosifs sur un commissariat à Iskandariyah, au sud de Bagdad, tuant 53 personnes.

- 1er février: un attentat simultané dans les bureaux du Parti démocratique du Kurdistan et de l'Union patriotique du Kurdistan à Erbil (nord) fait 109 morts.

2003 ( 148 morts )

- 27 octobre: quatre attentats-suicides ciblent le siège de la Croix rouge international et des commissariats à Bagdad, tuant au moins 40 personnes.

- 29 août: une voiture piégée saute devant une mosquée dans la ville sainte chiite de Nadjaf, tuant plus de 85 personnes, dont l'ayatollah Mohammed Bakr al-Hakim.

- 19 août: un camion piégé saute devant le QG de l'ONU à l'Hôtel Canal, tuant 23 personnes, dont le représentant onusien Sergio Vieira de Mello.

AP

 

Retour vers Nouveautés      Retour vers Guide       Retour vers page d'Accueil

Nombre de consultations de cette page depuis le 14 septembre 2004 :