Publier un livre :

 

...J'ai publié plus de trente ouvrages dans ma vie. Il m'arrive souvent de rencontrer des gens qui rêvent d'être, eux aussi, publiés.

..Publier un ouvrage, c'est quoi . Il faut d'abord l'écrire, le composer (s'il comporte des illustrations).De nos jours la tâche s'est considérablement simplifiée depuis l'apparition des traitements de texte, associés aux correcteurs orthographiques et aux scanners. Il faut d'abord savoir plusieurs choses. La production de livres a subi une véritable inflation. Il suffit de se renseigner chez des libraires. Je ne sais plus combien de nouveaux livres sortent chaque année, en France, mais je sais que, placés côte à côté, ils recouvriraient une superficie d'un hectare. Ceux-ci auront donc des durées de vie très variables, en général très brèves. Un point important : tous les éditeurs réalisent 90 % de leur chiffre d'affaire avec 10 % des ouvrages qu'ils publient. Donc, seuls les ouvrages et les auteurs à succès les intéressent. Par "ouvrage qui se vendent", entendre des livres qui atteignent ou dépassent la cote des 10.000 exemplaires vendus.

..Un éditeur perdra de l'argent s'il publie un livre dont les ventes n'atteignent pas mille exemplaires. En dessous, c'est le bide. Il y en a. Nous aborderons le très épineux problème des contrats plus loin. Pour le moment, parlons technique. L'auteur vient de remettre sa copie à l'éditeur, dans les délais fixés par le contrat. Que se passe-t-il alors ? Si ce même contrat comporte (et c'est souhaitable) un délai pour la mise en circulation du livre, l'éditeur va commencer son travail. On éliminera les dernières fautes d'orthographe. Si le livre comporte une iconographie, les documents transmis ou confiés seront traités en conséquence. Le livre sera composé. Mais s'il s'agit d'un ouvrage qui ne comporte que du texte, lequelle est fourni sur une simple disquette, le travail de l'éditeur s'en trouvera grandement facilité. Dans le cas de bandes dessinées au trait, en noir et blanc, son travail se résumera à envoyer ces planche au "clichage".

..Toutes ces opérations font partie de ce qu'on appelle "la fabrication du livre", lequel est, selon l'expression consacrée "lancé en fabrication". Au terme de ces opérations, l'ouvrage atterrit chez un imprimeur, petit ou grand, qui tire les exemplaires demandés. Laissons tomber les problèmes liés à une impression couleur. Le livre sera imprimé en offset, en noir et blanc. Traditionnellement, l'éditeur se réserve le choix du titre, la composition de la couverture (y compris la choix de l'illustration qui y figurerait) ainsi que le contenu de ce qu'on appelle la "quatrième de couverture". Cette dernière texte est importane. En effet c'est la seulel que lira le libraire lorsqu'il lui faudra choisir un rayonnage de son magasin pour loger le ou les exemplaires qu'on lui aura adressé, mis en dépôt-vente ou qu'il aura commandé. L'éditeur fixe également le prix de vente du livre, choix qui peut être lourd de conséquences. Sur ce plan, certains éditeurs mènent parfois des politiques totalement anti-commerciales (exemple : des bandes dessinée en noir et blanc proposées à la vente à 90 F pièce alors qu'on trouve de l'excellente quadrichromie à une prix inférieur de moitié).

..Ce que les auteurs ignorent, ce sont les coûts de fabrication des livres, étonnamment bas (par rapport à une duplication en phocopie). Le coût unitaire diminue au fur et à mesure que le tirage augmente. Il existe des frais incompressibles : la transformation des pages d'un livre en autant de clichés offset. Sur ce plan le coût est le même que l'on imprime 100 ou 100.000 exemplaires. Pour des tirages trops faibles ceci fait grimper le coût unitaire des livres. Les éditeurs, surtout les grands éditeurs, ont des tarifs préférentiels chez les imprimeurs. Pour fixer les idées, disons qu'un ouvrage de 200 pages, ne comportant que du texte, imprimé sur un papier de qualité moyenne, en noir et blanc, avec couverture brochée, porteuse d'une illustration couleur coûtera à fabriquer moins de 10 F alors que son prix de vente sera en général dix fois plus élevé. Si la page de couverture est en bichromie (deux passes au lieu de quatre) ou monochrome (une seule), le prix pourra tomber à six ou sept francs.
..L'édition couleur est un univers différent. Le papier doit être d'une qualité supérieure. Le nombre des clichés se trouve multiplié par quatre (quadrichromie). Les machines doivent être précises pour que les couleurs soient bien ajustées, au dixième de millimètre, sur les pages. L'amortissement d'un tirage couleur recquiert un volume de ventes plus importants.
... Les "grands imprimeurs" travaillent dans de véritables usines où entrent des tonnes de papier chaque jour et où les livres imprimés sortent, à l'autre bout, regroupés en "palettes" recouvertes de plastique, prètes à être ambarquées dans des camions. Les "presses Cameron" sont entièrement automatisées, robotisées. le seul geste manuel de l'imprimeur consiste pratiquement à afficher sur un clavier le nombre d'exemplaires souhaités. Les grandes maisons d'éditions sont ainsi à même de répondre très rapidement à une éventuelle demande du public, en quelques jours. C'est la raison pour laquelle les tirages initiaux ont pas mal baissé. Avant, quand un auteur sortait un ouvrage, on lui demandait "à combien votre éditeur a-t-il tiré?". De nos jours ce chiffre ne signifie plus rien.

..La première chose qui suit l'impression d'un livre est sa "mise en place". Le petit éditeur travaillera artisanalement, envoyant les livres par petits paquets à ses différents libraires. L'hébergement des ouvrages dans la librairie pourra correspondre à des formules totalement différentes. La pire des formules est le "dépôt-vente". C'est le lot de l'auteur qui édite à ses frais. La librairie voudra bien héberger son ou ses ouvrages, contre un reçu si possible, et lui adressera ce qu'il lui revient, si tout se passe bien. Mais bien souvent ces quelques livres ou cet unique livre se perdront dans un dédale de ses rayonnages et dans le fouillis de sa comptabilité.

..Les éditeurs peuvent avoir des représentants, soit faisant partie de leur maison, soit, pour des éditions plus modestes, travaillant au coup par coup, dont le travail consiste à "vendre" les ouvrages récemment sortis aux libraires ("bon, alors je vous en mets tant,?"). Il existe également des réseaux de distribution qui envoient des catalogues assortis de bons de commande et qui assurent les approvisionnements. En général les ouvrages ne sont pas payés comptant, mais font l'objet de traites, à 60 ou 90 jours. Les marges bénéficiaires des détaillants-libraires sont variables. Trente pour cent minimum. Quarante chez des libraires plus "performants", voire même 50 % dans des grandes surfaces à forts volumes de vente. Parfois il y a des possibilités de retours (ouvrages invendus). Se sont créés également des sortes de "supermarchés du livre", réservés aux libraires. Dans de vastes hangars des milliers de livres attendent, sur des palettes, leurs clients, comme des bouteilles de Badoit. Les libraires font ainsi eux-mêmes leurs emplettes, et passent à la caisse avec leur chariot, pour un paiement comptant ou avec traite. "

...Comment convaincre un éditeur de vous publier ? On serait tenté de pense qu'il suffit d'adresser à n maisons d'éditions des photocopies de manuscrits, qui sont censés être examinés par des "lecteurs". Le résultat risque de s'avérer décevant, même si on procède à dix ou vingt envois. La plupart des livres qui sont publiés proviennent de contacts directs entre personnes. Il est bon "d'avoir un ami qui connaît quelqu'un dans la maison d'édition Machin". Les éditeurs aiment bien aussi dire à des gens qui occupent telle ou telle position "et si vous m'écriviez un livre?".
...Quand le manuscrit a été retenu, l'éditeur propose alors un contrat. C'est surtout de cela dont nous allons parler ici, mais plus loin. Un mot sur "la vie du livre".

... Tirage minimal : quinze cent exemplaires (sinon le prix de revient unitaire est trop élevé). Un éditeur "bien implanté" procèdera à une mise en place dans quelques centaines de librairies. Le livre a alors quelques mois devant lui pour réussir à s'imposer. Premier scénario : mévente complète. Les libraires, s'ils le peuvent, retournent les livres à l'éditeur (qui n'apprécie guère). Ce livre-là sera alors rapidement "pilonné", les exemplaires restants détruits, à moins que l'auteur, à qui cette proposition sera faite, accepte de racheter les exemplaires invendus. Mais, dans ce cas, l'éditeur cherchera a rattrapper sa mise de fond en lui vendant ces exemplaires au prix fort, par exemple au "prix libraire", c'est à dire à 60 ou 70 % du prix de vente. Si l'auteur est au courant des prix réels de fabrication, il pourra faire une proposition à plus bas prix. Mais, dans ce cas, l'éditeur préfèrera pilonner que de voir ainsi un auteur "casser les prix" en opérant par la suite, pour son propre compte, une vente directe, lors de conférences, à un prix nettement inférieur au "prix public".
...Si l'auteur est un personnage connu, potentiellement médiatique, l'éditeur pourra mettre sur ce "coup" une attachée de presse, qui donnera force coups de téléphone pour essayer de placer son poulain dans des émissions de radio ou de télévision, susciter des interviews pour la presse écrite, etc. Alors la "mayonnaise" peut monter. Si la maison d'édition possède un bon directeur commercial, celui-ci suivra de près le chiffre des ventes et déclenchera une réimpression si celui-ci fait mine de s'envoler. Le système des presses Cameron permet des retirages mesurés, par tranches de 1500 exemplaires, par exemple (en quelques jours si nécessaire), mais qui peuvent conduire à des ventes de plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. On reconnaît rapidement "l'ouvrage qui marche", en dehors du fait que la presse en fait état. Si les représentants et la maison d'édition font leur travail (ce qui n'est pas toujours le cas) le livre sera en bonne place à l'entrée des librairies, en vitrine, voire en piles, bien en évidence. Sinon l'ouvrage sera relégué dans un rayonnage, pas toujours à la bonne place d'ailleurs.
...Il n'est pas rare que des grandes maisons d'éditions, simplement parce que la personne qui suit l'ouvrage est en vacances à ce moment là, passent complètement à côté d'une forte demande des lecteurs pour un livre donné. J'ai vu deux auteurs publier un livre dans un maison d'édition très connue. Après une prestation médiatique réussie les vingt cinq mille exemplaires partirent en peu de mois. Puis l'ouvrage devint simplement introuvable, les libraires s'arrachant les cheveux sans parvenir à établir un contact téléphonique avec la personne qui était censée gérer cette affaire. En gros les chances d'un livre se jouent dans les trois mois qui suivent sa sortie. Passé ce temps, les libraires, si une demande ne s'est pas manifestée chez leurs clients, oublient l'ouvrage. Le bouche à oreille complète les ventes, tant bien que mal. Son efficacité reste limitée. Ill subsiste alors un stock plus ou moins important. Les éditeurs sont assez longs à conclure à la "mort" d'un livre. En effet, tout moribond peut rescuciter à tout moment. Beaucoup conservent ainsi des stocks inférieurs à 1500 exemplaires de centaines d'ouvrages. C'est une façon de maintenir leurs droits sur ces produits. En effet, lorsque les derniers exemplaires d'un livre son détruits, l'éditeur perd ses droits sur celui-ci.
Ceci étant il reste des exceptions. Certains auteurs possèdent un lectorat habitué de longue date à leurs productions, et pourront asurer un diffusion modeste, mais non négligeable (quelques milliers par an) par simple bouche à oreille, sans que ces ventes ne soit le résèultat de ses actions médiatiques.

Edition à compte d'auteur.

..Pourquoi, sera tenté de se dire un auteur, ne suis-je pas moi-même mon propre éditeur? Editer un livre n'est effectivement pas bien sorcier. Il suffit de fournir à un imprimeur des planches correctement imprimées, dont il fera des clichés offset. Les devis démarrent à la dizaine de milliers de francs. Le coût unitaire des ouvrage baisse au fur et à mesure que le tirage croît. Mais, une fois qu'ils ont été imprimés, ces livres, comment les vendre? Tout le problème est là. Un auteur peut chercher à passer par un "diffuseur", qui lui prendra au passage une commision. Mais la chose n'est pas simple. Disons que ce type d'édition peut présenter un intérêt si l'auteur est assuré de vendre quelques dizaines d'ouvrages à l'issue de conférences. Mais, faites le calcul. Pour vendre deux mille exemplaires, à raisons de vingt ouvrages placés lors que chaque conférence, il faut donner .... cent conférences.

Venons-en maintenant au problème du contrat d'édition.

...C'est un document qui peut faire de quatre à vingt pages et qui est proposé par l'éditeur. Il décrit les droits et devoirs de l'éditeur et ceux de l'auteur.

Taux des droits d'auteur.

..Le taux des droits versés à l'auteur dépend du type d'ouvrage (et aussi des frais engagés par l'éditeur pour la conception et la fabrication). Prenons le cas d'un ouvrage-type, proposé par un auteur débutant, qui ne pose pas de probblème technique particulier (du texte seul). Taux de droit-type : 8% sur le prix de vente. Il sera difficile à un auteur débutant d'obtenir plus, si ce n'est chez un "petit éditeur", prêt à lui proposer des conditions meilleures que celles des "grands", mais qui ne fera guère de chiffre, du fait de ses capacités limitées de diffusion. Ceci étant, tout les coups sont bons pour qu'un éditeur réduise ce taux, dans un contrat qu'il présentera alors comme "le contrat-type". Il pourra aussi, vieille ficelle, inscrire " 10 % sur le prix de cession de base". Si l'auteur est inattentif celui-ci ne comprendra pas que ses droits seront alors calculés sur la base du "prix-libraire", inférieurs de trente ou quarante pour cent au prix de vente, ce qui ramènerait ce taux alléchant à six ou sept pour cent.
...Même un auteur débutant pourra chercher à obtenir un taux croissant en fonction des ventes. Mais l'éditeur traînera des pieds et ces concessions (10 % du prix de vente à partir de ... tant d'exemplaires vendus, 12 % à partir de ....) seront difficiles à arracher.
...Il n'y a guère de limite inférieure dans ces affaires de taux de droits. J'ai une amie qui a édité un livre superbe, consacré à la cuisine, chez un éditeur. Non seulement elle a pris en charge toute l'iconographie et la couverture (c'est une femme qui a beaucoup de goût), mais elle a dû accepter sans discuter le "contrat-type" de cet éditeur-là, qui stipulait qu'elle ne toucherait pas un centime sur les mille premiers exemplaires vendus (ventes qui permettaient largement à cet éditeur d'atteindre un bon niveau de rentabilité) et que ses droits pour les exemplaires suivants se monteraient à ... cinq pour cent !. J'ai reçu il y a peu de temps des proposition d'un éditeur qui m'offrait royalement quatre pour cent de droits sur le prix hors taxe, tout en réclamant les droits pour tous supports, tous pays, etc.
..Il existe des livres qui réclament une abondante illsutration, pour différentes raisons. Il peut s'agir de contes pour enfants, où l'éditeur devra rétribuer un illustrateur, ou d'un livre technique, illustré à l'aide de photographie, que l'éditeur devra acheter en agence. Tout ceci réduira d'autant le taux de droits consenti à l'auteur du texte, qui pourra dans ces conditions tomber à 4 ou 5 % du prix de vente. En gros, on peut dire que dans le cas d'un ouvrage illustré l'auteur (ou le scénariste) et l'illustrateur reçoivent des rétributions comparables, s'ils sont payés au pourcentage.
...Certains éditeurs proposeront un forfait. Pourquoi pas ? Tout dépend du montant et de ce que l'auteur est prêt à consentir. Mais, rappelez-vous : les contrats son très difficilement réversibles.

Avance sur droits.

Les contrats font en général état d'une avance consentie par l'éditeur. Classiquement, cette somme sera versée au moment de la remise du manuscrit. Les droits d'auteur sont évidemment payés après l'année d'exercice (même si l'ouvrage est publié au mois d'octobre). L'éditeur arrête ses comptes en fin d'année. Il est bon que soit précisé le délai qui s'écoulera entre l'arrêt des comptes et le moment où les droits seront versés. La chose n'étant pas immédiate, l'auteur touchera souvent son chèque annuel trois vers mars-avril. Une clause normale précisera par exemple que "les comptes des ventes de l'année ayant été arrêtés, les droits seront versés à l'auteur au plus tard avant le 31 mars". Mais il existe des éditeurs qui versent ces droits avec beaucoup de retard. Il en est d'autres qui précisent que, les comptes des ventes ayant été arrêtés, les droits seront versés à l'auteur au mois d'octobre suivant (...) : une façon comme une autre d'assurer sa trésorerie. L'avance versée par l'éditeur revient à verser à l'auteur une rétribution immédiate pour le travail qu'il aura fourni. Cette avance, non récupérable, mais qui sera déduite des droits que l'auteur percevra, constitue pour l'auteur une garantie en cas de mévente complète. Le montant des avances consenties est très variable. Souvent cette avance correspond au montant des droits correspondant aux ventes minimales que l'éditeur peut escompter pour le livre en question. Pour le livre type d'un auteur débutant on peut la chiffrer entre cinq et dix mille francs. Bien sûr, un auteur à succès pourra exiger, ou se verra proposer des sommes beaucoup plus importantes, si les espérances de ventes se situent d'emblée en dizaines de milliers d'exemplaires.


Editions dans d'autres pays.

...Très souvent, les éditeurs exigent que les auteurs leurs cèdent par contrat les droits pour les langues étrangères et ce qu'on appelle les "droit dérivés" (adaptations cinématographique, théatrales, exploitations commerciales diverses, liées à l'oeuvre). L'éditeur se réserve alors le droit exclusif de négocier cette cession de droits, en seconde main, à un éditeur étranger. Les bénéfices de l'opération sont classiquement partagés entre l'auteur et l'éditeur par moitié, mais j'ai travaillé de longues années avec un éditeur qui s'octroyait purement et simplement 60 pour cent des bénéfices des éditions dans les pays étrangers (et il y en eut, de nombreuses). L'auteur est toujours en droit de chercher à refuser cette clause du contrat, mais l'auteur débutant, ou même l'auteur confirmé se verront imposer par les grands éditeurs des lois de fer pour se simples questions de principe. Seules les diva du livre peuvent arracher aux cent familles de l'édition des conditions sortant totalement de l'ordinaire.
...Comment des livres écrits en français peuvent-ils être traduits et édités dans des langues étrangères ? Des lecteurs spécialisés peuvent inciter des éditeurs étrangers à passer contrat avec l'éditeur Français. Dans ce cas l'éditeur étranger assume les frais de traduction dans sa langue. Se tient également chaque année à Francfor, une foire internationale du livre axée sur des prises de contact avec des éditeurs étrangers. Bien évidemment, une traduction en langue anglaise facilitera la diffusion de l'ouvrage dans d'autres langues.

Remise du manuscrit.

..Dans tous les contrats les éditeurs font figurer une clause qui se réfère à la remise du manuscrit. Il est rare que les éditeurs passent contrat avant que l'auteur n'ait achevé son travail et que ceux-ci n'aient une vision d'ensemble de l'ouvrage. En revanche il est très fréquent que des remaniements soient demandés ou exigés. Le contrat ayant été signé, l'éditeur fait figurer une date limite de remise du manuscrit, en général par rapport à la date de signature du contrat ("Le manuscrit sera remis à l'éditeur par l'auteur sous une forme lisible au plus tard trois mois après signature du présent contrat") et l'éditeur ajoute que "si des corrections s'avéraient nécessaires, l'auteur assurerait les frais qui résulteraient de ce travail, en déduction de ses droits".

Engagement de publication.

..Ne figure pas toujours dans les contrats proposés. Si on exige que l'auteur ait achevé son travail à une date donnée il est fréquent que le contrat reste muet sur la date de parution de l'ouvrage. Une absence dangereuse. Quand un auteur signe un contrat, il se trouve lié par celui-ci. Si l'éditeur tardait alors à imprimer l'ouvrage, l'auteur devrait alors se lancer dans un coûteux procès pour récupérer le droit d'exploiter son oeuvre, par exemple avec l'aide d'un autre éditeur. Le plus simple est de demander que figure une clause selon laquelle: "l'éditeur s'engage à publier l'ouvrage au plus tard (six mois ou un an) après remise du manuscrit. Si passé ce délai l'ouvrage n'était pas publié, l'auteur recouvrerait ses droits ainsi que celui de conserver l'avance qu'il a perçue". On ne saurait contraindre un éditeur à publier dans un délai de deux ou trois mois, étant donné le travail de mise en forme et de "fabrication" de l'ouvrage. Le délai avant publication sera évidemment à rallonger si l'éditeur doit assurer lui-même l'illustration de l'ouvrage.

Droit de préférence.

..Cette clause n'est nullement obligatoire, mais elle figure très fréquemment sur les contrats. Elle impose à l'auteur de devoir présenter son ouvrage suivant au même éditeur, en acceptant les mêmes conditions que celles qu'ils avait accepté pour le premier livre (sauf prescriptions explicitement différentes). Ainsi, si un auteur place un ouvrage chez un éditeur avec un contrat lui donnant un taux de droits bas et, en règle générales, de mauvaise conditions de travail, il se retrouvera contraint, pour les ouvrages suivants, par cette clause, à la reconduction de conditions éventuellement exécrables. A moins qu'il ne cesse d'écrire. Dans certains contrats les éditeurs stipulent qu'avant de se retrouver délié de ses engagements un auteur devra présenter non pas un manuscrits, mais plusieurs (jusqu'à cinq...). Si un auteur débutant peut difficilement refuser d'adhérer à cette clause il aura intérêt à faire réduire le nombre de livres à un seul. Ceci dit cette clause est une prison de papier. Il est facile à un auteur d'entraîner le refus d'un ouvrage par un éditeur en lui présentant un manuscrit de mauvaise qualité, impubliable; non pas quant à sa forme, mais quant à son fond. L'auteur qui envisagerait de récupérer le droit de publier des livres dans une autre maison d'édition aura soin de ne pas oublier d'adresser ce dernier manuscrit en lettre recommandée avec accusé de réception, en précisant par exemple "sans réponse de votre part dans les trois mois à venir je considèrerai que ce nouvel ouvrage n'a pas retenu votre intérêt et que je me trouve ainsi délié de toute contrainte concernant le droit de préférence", un refus verbal n'ayant aucune valeur juridique.

Exemplaires de passe.

...Lors qu'il publie l'ouvrage, l'éditeur utilisera un certain nombre d'exemplaires pour les envoyer à la presse, ou à des éditeurs étrangers, etc. Ces exemplaires échapperont ainsi au système des droits d'auteur. En général, dans les contrats, il en fait mention. Le nombre indiqué n'excède pas cent à quelques centaines d'exemplaires.

Cas malheureux.

...Il s'agit d'une clause parfaitement normale de l'éditeur qui veut se prémunir contre une catastrophe quelconque : incendie de ses locaux, destruction de son stock par une inondation.

Exemplaires d'auteur.

...Un contrat normal doit mentionner qu'après impression des exemplaires un certain nombre d'exemplaires seront adressés gratuitement à l'auteur. Celui-ci n'est en principe pas autorisé à les vendre lui-mêmes. Certains éditeurs expédient les exemplaires avec un coup de tampon, sur la page de garde, mentionnant que cette vente directe n'est pas autorisée. Ce sont des exemplaires que l'auteur est censé adresser aux membres de sa famille, ou à des amis. Le nombre mentionné permet de mesurer la générosité de l'éditeu et tourne en moyenne autour de vingt à cinquante exemplaires. Quand le contrat mentionne que deux ou cinq exemplaires seulement seront adressés à l'auteur, ça n'est pas très élégant, ni très bon signe.
...Le cas échéant, si l'ouvrage est susceptible de rester à la vente pendant plusieurs années, le contrat pourrait mentionner par exemple que "dix exemplaires seront adressés à l'auteur chaque année" ou que "dix exemplaires de l'ouvrage seront adressés à l'auteur à chaque retirage". Cela évitera à l'auteur à succès d'avoir à mendier ces exemplaires auprès des services de la maison d'édition. L'absence de mention d'exemplaires d'auteur, sur un contrat, est un assez mauvais signe.

Devoirs de l'éditeur.

...Les contrats développent abondemment les devoirs de l'auteur envers son éditeur mais sont souvent très peu bavards sur l'inverse. Nous avons évoqué plus haut une clause permettant à l'auteur d'être assuré, soit de voir publier son ouvrage, soit dans le cas contraire d'être en mesure de récupérer ses droits sur cet ouvrage. Il est tout à fait normal que les contrats d'édition mentionnent ce que l'éditeur compte faire de l'ouvrage dont il a acquis les droits. Il est, c'est vrai, maître des tirages, de la forme finale de l'ouvrage (relié, broché, en édition club ou de poche) et de la stratégie commerciale en générale, s'il en a une. Peu font de la publicité, sauf pour des "grands auteurs", soit qu'ils estiment que c'est leur intérêt, soit parce que ces auteurs-là on su imposer cette obligation de publicité comme clause contractuelle. Quoi qu'il en soit l'éditeur a le devoir de commercialiser le produit dont il s'est par contrat assuré les droits. Au chapitre "paiement des droits" il sera bon de faire stipuler que l'éditeur devra communiquer à l'auteur, outre un chèque représentant le montant de ceux-ci, le détail des ventes de l'année (titre part titre, s'il a plusieurs ouvrages chez lui). Quand on reçoit un tel document, on a parfois la surprise d'y voir mentionné des sommes importantes correspondant à des "provisions" constituées pour des motifs variés. Certains éditeurs, sur ce plan, se comportent comme de véritables hamsters.

Durée d'effet et étendue des contrats.

...Classiquement, les éditeurs ont a coeur de se réserver le maximum de droits. La première exigence concerne les co-éditions avec des éditeurs étrangers. L'éditeur peut réclamer ou ne pas réclamer cette extension de ses droits. L'auteur peut accepter ou refuser. L'auteur débutant est évidemment en position de faiblesse ("Cher Monsieur, c'est ça ou rien"). Quand l'éditeur se voit concéder les droits pour les ventes dans des pays étrangers, l'éditeur avec qui il traite lui versera un certain pourcentage de droits. L'éditeur estimant que cette affaire le regarde, l'auteur n'est en général pas mêlé à ce genre de tractations et ignore à quel taux et dans quelles conditions l'affaire a été conclue. Mais, classiquement, auteur et éditeur devraient se partager les bénéfices : l'avance versée par l'éditeur étranger, puis la moitié des droits, par moitié. Certains éditeurs rogneront la part revenant à l'auteur en allèguant "des frais de contrats". Dans la mesure où son travail consiste à servir simplement d'intermédiaire, "d'agent"' ces frais sont de trop.
...L'auteur débutant sera sans toute effaré des précautions prises par les éditeurs quant à la "nature du support". En général les droits ne concernent pas que l'édition classique, sur support-papier, de l'ouvrage tel que, mais une multiplicité d'autres formes de diffusions de l'oeuvre telles que l'enregistrement du texte sur des cassettes audio, etc. beaucoup de contrats mentionnent maintenant le support cd-rom ainsi que "tous les supports présents ou futurs".

...Sauf mention du contraire, un auteur qui cède les droits d'un ouvrage à un éditeur le fait pour quatre vingt-dix ans. Seront donc mentionnés "ses héritiers ou ayant-droits". Ceci étant, quel est le destin d'un livre? Nous avons dit que les éditeurs faisaient 90 % de leur chiffre d'affaire avec 10% des ouvrages qu'ils mettent en circulation. Nous sommes aussi une civilisation de l'ephémère. Les confessions d'un homme politique ou les mémoires d'une vedette du schow bizz se vendront infiniment mieux qu'un traité de philosophie. Il peut alors s'agir de carrières fulgurantes, dont la durée de vie se chiffrera en mois. On peut classer les livres en trois catégories. Les best seller dépassent les quelques dizaines de milliers d'ouvrages en quelques mois. Les ventes peuvent monter à quelques centaines de milliers de volume. En dessous, des ouvrages plus modestes, avec des ventes allant de deux mille à dix mille exemplaires. En dessous encore, les ouvrages dont l'éditeur ne tardera pas à se désintéresser, à tort ou à raison. Il y a, bien sûr, une multiplicité de "carrières" d'ouvrages. Ma bande dessinée "L'informagique" (sortie en 1979), en dépit de ventes devenues homéopathiques, détient probablement le record absolu d'une publication liée à l'informatique. Mais, en règle générale, beaucoup de livres, sauf relance dans les medias, ont de nos jours des durées de vie brèves, dans le genre "quelques milliers la première année, quelques centaines la seconde puis quelques dizaines les années suivantes". Nous avons aussi cité l'exception où un livre continue de se vendre, par bouche à oreille, phénomène qui échappe alors à toute règle.
Que faire alors quand un livre ne se vend plus?

Clause de désengagement.

...Un auteur peut s'estimer très insatisfait de la manière dont a été gérée son affaire. Un autre éditeur peutaissi lui proposer de reprendre l'ensemble de sa production, s'estimant mieux positionné pour ce type de produir. Il peut également vivre assez mal une situation assez classique où il croisera sans cesse des gens qui lui diront "Nous avons vainement essayé de nous procurer ton ou tes livres. Ils sont introuvables".
...Dans un contrats classique et selon la loi, l'auteur peut théoriquement récupérer ses droits sur un ouvrage s'il peut faire la preuve que celui-ci n'est plus disponible en stock et n'est pas susceptible de faire l'objet d'un retirage. Toute cette procédure est à la fois pénible, longue et coûteuse à mettre en oeuvre et impliquera une série de lettres recommandées avec accusé de réception, entroucoupées de délais. Par ailleurs les avocats spécialisés dans les questions de droits d'auteurs sont chers. Le mieux est donc de prévoir le coup dans le contrat lui-même, en faisant figurer une clause de désengagement, portant sur le nombre d'exemplaires vendus. C'est une sage précaution. Ceci étant un éditeur objectera que les ventes d'un livre peuvent mettre du temps à décoller. Les années passent vite. Disons qu'une clause comme : "Si, après un minimum de deux (ou trois) années de mise en vente, les ventes annuelles de l'ouvrage tombent en dessous de cent exemplaires, le présent contrat deviendra caduc. L'auteur récupérera alors l'ensemble des droits qu'il avait concédé à l'éditeur". Si l'éditeur renâcle, descendez le chiffre à 70 ou 50. Cela ne fera que repousser l'échéance. En effet, si personne ne parle de votre livre, les ventes finiront pas s'effondrer complètement, à moins que l'éditeur, disposant d'un journal, puisse entretenir un filet de ventes par correspondance. Vendre cinquante livres par an, ça n'est plus du commerce.
...Dans tous les cas de figure, la position de l'auteur débutant reste délicate, l'éditeur étant en position de force. Mais il y a des taux de droits inacceptables, des clauses qui vous garottent un auteur de belle façon. Je sais que j'ai refusé, il y a vingt ans, des clauses selon lequelles j'étais censé céder à un éditeur la propriété de mes personnages de bandes dessinées, en lui garantissant l'exclusivité d'un genre que je venai de créer de toute pièce (le recours à la bande dessinée pour étayer un discours à vocation pégagogique).

Conclusion.

...Dans ces quelques lignes j'ai essayé d'avertir le candidat-auteur des écueils qu'il pourrait rencontrer sur son chemin ainsi de quelques mesures lui permettant de les éviter ou de les contourner.
...Si l'aventure vous semble décourageante, ce que je comprendrai fort bien, il vous restera à vous lancer dans "l'édition électronique" en inscrivant vos écrits sur des cd (prix de revient actuel : cinq francs, capacité : 5000 pages de BD au trait,ou trente livres de 200 pages). A moins que, nostalgique, vous ne reveniez deux siècles en arrière. Ci-après, la "bête à corne" sur laquelle je travaillais, quand j'avais vingt ans. Ce dessin à la plume est de moi. Au premier plan, deux épaisses pierres lithographiques, adossées au chevalet, puis l'épaisse feuille de cuir sur laquelle viendra s'appuyer le couteau, à droite, en position dressée. Juste en dessous, quelques rouleaux encreurs. Au dessus du chevalet un plateau sur lequel on pose les feuilles de papier à la cuve, humectée avant l'impression.


...La litho n'est plus utilisée que pour des tirages limités (une cinquantaine d'exemplaire) d'oeuvres ou de reproductions d'oeuvres. C'est une technique curieuse. Les pierres sont d'abord "grainées". On en frotte deux l'une contre l'autre et la finesse du grain dépend du sable qui sert d'abrasif. Si on encrait alors ces pierres ainsi graînées et qu'on presse dessus une feuille vierge, non par dans une presse verticale mais sous un "couteau,,dans un geste qui évoque la façon dont on sèche l'encre d'une feuille, à l'aide d'un papier buvard, en faisant glisser le tranchant de sa main, on obtiendrait une teinte noire uniforme.

...L'artisan commence par dessiner sur ces pierres à l'aide d'un crayon lithographique, ou d'encres. S'il s'agit d'une vue de Paris, ou d'un portrait, il lui faudra recopier un dessin à l'envers en s'aidant d'un miroir. Puis, son travail achevé, il asperge la pierre d'acide acétique. Celle-ci retrouve alors une planéité parfaite par chimio-abrasion partout, sauf là où l'encre ou le crayon ont fait office d'écran protecteur. L'encre assure une protection par tout ou rien. En accrochant les reliefs de la pierre le crayon lithographique, gras, protège plus ou moins, selon la pression de la main de celui qui l'utilise. Après chimio-abrasion, on débarrasse la pierre de toute trace d'encre ou de crayon, en utilisant de l'essence de thérébenthine. Elle apparaît alors complètement nue et le lithographe débutant est tenté de se dire "diable, où elle passé mon dessin?". Mais après avoir humecté la pierre d'un coup d'éponge, celui-ci réapparaîtra au premier coup de rouleau encreur. La pierre est posée sur un chariot, visible sur le dessin. On l'encre et on pose ensuite, délicatement, la feuille face à elle. On recouvre avec la plaque de cuir, plus une feuille de tôle. On rabat le couteau, on serre. Il ne reste plus qu'à entraîner la pierre à l'aide d'une sangle de cuir qui s'enroule sur un tambour de fer. Il faut que l'entraînement se fasse à vitesse constante. On se sert de ses bras et de ses pieds, en manoeuvrant la grande roue visible sur la gauche. D'où ce surnom de "bête à corne". A chaque passe le papier boit toute l'encre et la pierre émerge de l'opération presque totalement nettoyée. Il faut réencrer, etc. Les passes successives usent les reliefs de la pierre relativement rapidement. Ceci étant, avec les différents grains on peut pratiquement tout faire, aller du tracé le plus fin, à l'encre, à la simulation de traits de fusain sur un papier grossier.
... J'aimais bien l'ambiance de ces ateliers, l'odeur de l'encre, les épreuves qui sèchent, pendues à un fil. Il y avait aussi la gravure, le travail au burin, l'eau-forte, l'aquatinte, la manière noire. Comme tout cela est loin, maintenant.