Le mur des trois cent mètres ?!?! ....

19 juillet 2007 !

On nage en plein délire. Deux mois et demi après " l'exploit " de Patrick Musimum, franchissant " le mur des cent mètres" en apnée ( descente à la gueuse, remontée en ballon ), voir suite de la page, voilà un autre type qui se présente comme " apnéiste professionnel " et qui revendique deux nouveaux records. Plus de dix minutes en apnée et une descente à 213 mètres. On arrive ainsi à une inflation du record.

L'apnée est-elle un"métier" ? Le bonhomme propose des stages d'initiation.

http://www.stephanemifsud.com

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The ultimate dive
( eh ben non... voir ci-dessus )

27 avril 2007

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26 avril 2007. Un texte de Patrick Musimu

En me lançant dans la quête des profondeurs, je me suis senti animé d’une mission. Celle de prouver à tout prix ce que mon être, dans son entièreté, savait être possible. Durant des années cet objectif a accaparé toute mon attention, m’a amené à constamment me remettre en question, remettre en question mes croyances, et m’a poussé à non seulement redéfinir des principes qui semblaient être gravés dans la pierre, mais à me redéfinir moi-même, en reconsidérant ma façon de penser, mon métabolisme et ma relation avec le Grand Bleu.
 
   A mes débuts, je me suis présenté à la Mer tel un guerrier, un conquérant. Mes progrès ont été fulgurants et je me suis vu descendre de plus en plus profond, plongée après plongée. Et pourtant, mon esprit n’y a jamais connu aucune satisfaction. Ma faim ne connaissait aucune limite et j’avais besoin de pousser mon corps toujours plus loin. Durant toutes ces années, je suis resté aveugle, emprisonné par ma condition humaine et mon insatiable volonté à constamment me défier.
 
   En de maintes occasions, la Mer m’a laissé entrevoir sa beauté, et j’ai pourtant préféré garder les yeux fermés. Je refusais de voir. Le projet The Ultimate Dive m’est apparu comme une révélation. J’étais alors prêt à suivre une autre voie, prêt à regarder au-delà des titres, prêt à L’entendre. Alors que je plongeais de plus en plus profond, il devenait évident que je n’étais pas à la recherche d’une profondeur absolue mais plutôt à la recherche de réponses à des questions dont je ne soupçonnais même pas l’existence, questions que j’emmenais en bas avec moi. Durant ces plongées, j’ai eu la chance de pouvoir pénétrer une nouvelle dimension  et je me suis senti béni des dieux de pouvoir vivre ces moments magiques. Les secondes se transformaient en heures, les minutes en jours. Je perdais la notion de temps, ne ressentait aucune anxiété, le concept même de la respiration comme moyen de subsistance m’était devenu totalement étranger.
 
   Si j’ai été un pionnier dans ces profondeurs, ce n'est qu'aujourd’hui que je comprends le sens de mon cheminement. Et maintenant que mon exploit a levé les barrières mentales de nombreuses personnes, bientôt d’autres suivront ma voie et tenteront de dépasser ma marque. Je ne leur en veux pas ni ne les envie, parce qu’ils plongeront pour un chiffre, un titre, et ne seront dès lors pas capables de voir ce que j’ai vu, vivre ce que j’ai vécu.
 
   J’aime à penser que cette fois-ci je me suis immergé dans cette immensité bleue avec le coeur ouvert, et que par conséquent j’ai été à même de recevoir. La profondeur n’est pas la seule raison de mon expérience et de mon cheminement intérieur. Le moment était venu pour moi d’entendre le mot de passe, magique, que la Mer murmure à l’oreille de chacun d’entre nous, chaque fois que nous nous mettons à l’eau. Mot de passe qui nous donne accès à ses trésors cachés. Je suis persuadé que sa voix ne peut être entendue que lorsque nous acceptons de regarder à travers ce miroir spirituel et que nous y acceptons l’image qui s’y reflète.
 
   Au-delà des considérations sportives dont certains ne peuvent se détacher, vous l’aurez compris, l’esprit de cette plongée est ce qui importe vraiment. Le projet The Ultimate Dive allait bien au-delà de la performance; l’événement dans son entièreté possédait une âme, son âme. Les nombreux témoignages de gratitude qui me sont parvenu des quatre coins du globe, m’ont montré à quel point ce faite essentiel a été perçu et compris par des centaines de personnes d’origines et de cultures diverses.
 
   Même si en tant que kinésithérapeute, entraîneur sportif et mental coach je trouverai toujours un plaisir extrême à redéfinir les concepts d’entraînement, et ce, quelle que soit la discipline sportive choisie ; aujourd’hui, plus qu’une envie d’enseigner la plongée en apnée, j’ai envie d’inviter d’autres personnes à ouvrir leur esprit à leur tour, et de leur faire découvrir et profiter de chaque moment vécu lors de leur passage dans le milieu sub-aquatique. Les guider et les aider à voir au-delà de la performance.
 
   N’en déplaise à certains, la discipline du No Limit n’a rien à voir avec du sport, c’est une aventure humaine extrême. Considérée comme un sport, cette discipline appellera un jour d’autres victimes. Et comme l’histoire se répète, la plongée en apnée sera bannie pour quelques temps du box office, avant que, tel le phoenix qui renaît de ses cendres, elle se verra ressuscitée. A l’inverse, pour peu que l’on accepte de redéfinir le concept des compétitions actuellement en place, l’apnée en tant que sport, pourra encore offrir pendant longtemps une merveilleuse activité sub-aquatique à de nombreux amoureux de la Mer.

Ma nouvelle vision de telles compétitions ne serait pas basée sur la pure profondeur, et pourtant attirerait en toute sécurité bon nombre de jeunes et moins jeunes vers la Mer. Mais il est encore trop tôt pour exposer mes idées au monde, ceux qui édictent les règles de ces compétitions ne seraient pas encore prêts à entendre ces nouveaux concepts. Mais je reste confiant, et je suis sûr que ce n’est juste qu’une question de temps.
 

 
   Le 26 juin dernier, jour où l'Homme brisa ses chaînes et atteignit pour la première fois le mythe des deux cents mètres, je dédiai ouvertement la plongée à ce continent qui me vit naître pour la deuxième fois. A ces enfants, victimes innocentes de notre indifférence et de notre intolérance. Aujourd'hui c'est au monde que je désire m'adresser. Je me vois ainsi embarqué dans un projet difficile bien que merveilleux, celui d'aligner de mon mieux les mots qui me viennent à l'esprit, et d'immortaliser mon histoire en la couchant sur papier. Je suis convaincu que ce livre servira de catalyseur à ceux avides de liberté, qu’il donnera courage à ceux qui se sentent emprisonnés sous le poids des systèmes aux barrières invisibles, ainsi que de la force aux personnes frustrées dont les cris de désespoir se perdent en échos sur cette planète qui n'arrête pas de tourner.

  Il peindra l'histoire de cet enfant de dix ans convaincu que sa vie n'était que le rêve coloré d'un géant endormi. Celle d'un enfant qui se savait obligé de mourir afin de pouvoir enfin se réveiller. Celle de ce petit être venu des terres humides d'Afrique, qui un jour choisit de briser ses chaînes en retenant son souffle. Celle d'un homme qui au bout de son périple toucha un paradis, quelque part dans cette immensité bleue. Ce livre emmènera les lecteurs dans une extraordinaire aventure, les entraînera avec moi dans le fond découvrir ce monde parallèle, cette autre dimension, celle que j’ai eu le privilège de pénétrer, leur décrivant au passage ce que mon âme a vu et ressenti durant ces plongées du bout du monde.
 
   D’autres projets sont en attente, certains sont directement liés à la Mer alors que d’autres m’en éloignent. Ainsi, mes connaissances et ma passion pour le corps humain m’amènent actuellement à suivre de près l’évolution de plusieurs athlètes de disciplines « terrestres ».
 
   Sur un plan plus personnel, maintenant que je m’octroie le temps de respirer, je vais pouvoir consacrer plus de temps à ma famille. Et j’ai hâte de retrouver la Mer Rouge et tous ceux qui ont rendu possible cette merveilleuse aventure. La Mer Rouge et le peuple égyptien resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
 
 
   Je profite de l’opportunité qui m’est donnée pour remercier avec respect le Gouverneur de la Mer Rouge - Gen. Saad Abu Rida, Mlle Isabelle Hamel, M. Alaa Abdel Gelil, M. Karim Helal, M. Maged El Kadi, Gen. Hatem Mounir, M. Mohamed A. Wanis, M. Hamouda, Dr Hossam Nassef, Mme. Valerie Emara, Mme Jutta Grabbitz, M. Hesham Ayad, M. Hassan Abdel Aziz, The Search & Rescue Team et tous ceux qui en arrière-plan ont contribué au projet: The Ultimate Dive.

  
 Patrick Musimu.

 

 

Ainsi la mort de Patrick Leferme n'aura pas suffi pour stopper cette course imbécile et suicidaire. Les jeux du cirque continueront. Je peux vous dire une chose, avec certitude : si les médias ne donnaient pas d'écho à ces exploits absurdes, s'il ne se trouvaient pas des inconscients pour sponsoriser de telles activités, si des responsables avaient le courage d'interdire toute publicité à ces exploits, ils cesseraient aussitôt.

Il y a presque un demi-siècle je m'initiais au parachutisme, à la chute libre.Aujourd'hui cette activité est totalement banalisée, mais à cette époque on interviewait encore quelque figure de cette activité sportive. Au même moment vint le temps des " ouvertures basses ". Il existe une altitude minimale d'ouverture d'un parachute, où on estime qu'un adepte qui connaît une difficulté a encore le moyen d'actionner calmement son parachute de secours. Or dans les années soixante, dans l'intimité de quelques clubs des têtes brûlées se lancèrent des défis.

- Moi, j'ouvre à tant de mètres du sol, et toi ?

A l'époque, des types négociaient des ouvertures en tirant à cinquante mètres du sol.

Le flirt avec la mort, encore lui. Celui qu'on retrouve aujoud'hui dans le "base jump", le saut de falaise, où il est hors de question d'ouvrir un parachute de secours. Mais à l'époque il y avait, semble-t-il, à la tête de cette jeune fédération des gens un peu responsables. Il est difficile de sauter en parachute en dehors d'un club. A cette époque les gens ne possédaient pas, ou très rarement leur propre parachute. Pour sauter, il aurait fallu de plus disposer d'un avion. Eh puis, ces activités entraient dans le cadre d'une communauté et celle-ci, dans un seul et même mouvement, refusa cette dérive.

La chute libre est un beau sport, très impressionnant mais, somme toute assez peu dangereux ( de même que le saut à l'élastique, quand il est pratiqué dans de bonnes conditions) . Aujourd'hui un système d'ouverture automatique des parachutes, actionné par un altimètre intégré au parachute prévient même le cas d'un malaise au cours d'une chute libre. L'encadrement est très strict. Les têtes brûlées sont mal vues. C'est aussi un sport très riche, qu'on peut développer au fil d'années. Quand on sait se stabiliser en l'air il rester à savoir se mouvoir, faire " du relatif ", évoluer vis à vis d'autres parachutistes, dans un monde assez surréaliste ou tout se joue en quelques dizaines de secondes, grisantes. Peut être que ça ne dure pas assez longtemps pour qu'on s'habitue, trop vite. C'est un sport qui correspond à ce que je dis souvent :

- Si vous voulez rêver, faites des choses impressionnantes, ne faites pas des choses dangereuses. Il y a des choses qui sont relativement peu impressionnantes, mais très dangereuses et dans d'autres cas c'est l'inverse.

La fédération de parachutisme réagit très rapidement aux exploits des trompe-la-mort. Les interdictions de saut sur une année tombèrent très vite. L'effet fut radical. Sinon on aurait trouvé des imbéciles pour ouvrir leur parachute à 50 mètres du sol, puis quarante, puis trente.... en prétendant ressentir dans ces instants " des secondes qui duraient des siècles " et "toucher à l'essentiel".

Revenons à l'apnée. Le fait de relier ces exploits à une démarche à caractère métaphysique ne date pas d'hier. Avant de s'enfoncer dans le Grand Bleu, Mayol méditait sur le pont du bateau, en position du lotus, ou plutôt faisait semblant. Recherche des feux de la rampe, cinéma de la méditation : tout cela participait de l'artificialité dramatique du personnage, vivant de plus dans l'angoisse de vieillir. Mayol s'est pendu dans sa maison de l'île d'Elbe, complètement seul un soir de Noël. Une fin bien minable pour un homme qui disait "avoir été au Japon pour suivre l'enseignement de maîtres".

La méditation, qu'est-ce que c'est ? Pourquoi ce lien entre l'apnée et " l'approche du Grand Tout " ?

C'est l'activité principale des Yogi. Dans le Dans le Dictionnaire Illustré des Philosophes ( éditions Seghers ) page 290 on peut lire :

- Le Yoga a été fondé par Pantajali dans les premiers siècles de notre ère. C'est un système psychophysiologique selon lequel l'homme doit s'unir à l'âme universelle. L'union avec le Dieu Suprème, Içvara, s'obtient par l'arrêt de la pensée, l'immobilité absolue, la méditation, l'austérité, l'extase. Principaux philosphes : Vyasa (VI° siècle), Vascapatimiçra (IX° siècle), Bhoja (XI° siècle), Vijna-nabhikhsu (XVI° siècle).

Consultez n'importe quel bouddhiste ou indouïste, il vous dira que la porte d'entrée à la méditation, c'est l'état de non-pensée. Or celui-ci constitue un point de passage obligé pour l'apnéiste. Les lecteurs doivent se demander comment fait le plongeur qui s'enfonce dans le Grand Bleu. Est-ce qu'il palme comme un forcené ? Non, il économise son oxygène au maximum. Ses mouvement son dénués de toute brusquerie. Il descend et remonte avec une lenteur majestueuse, "calculée".

Quand l'humain veut gérer avec parcimonie son capital oxygène il lui faut mettre en veilleuse deux organes :

- Son coeur
- Son cerveau.

Le coeur de l'apnéiste ralentit son rythme, à l'instar de celui du yogi. Il lui faut porter une combinaison isolante, pour n'avoir pas à lutter contre le froid. Le moment de la digestion ne se prète pas non plus à l'apnée, car cette activité recquiert un travail soutenu du muscle stomacal. Et qui dit travail musculaire dit consommation d'énergie. Quand au cerveau, il se met au point mort complet. Vous pouvez faire une expérience, assis dans le petit bain d'une piscine, sous contrôle. N'importe quel clampin peut retenir sa respiration, assis au fond, avec par exemple un poids sur les genoux, pendant plus d'une minute. Avec de l'entraînement on peut faire beaucoup plus. Sous surveillance, car la syncope mortelle ne prévient pas. Elle est instantannée.

Refaites maintenant l'expérience en emmenant un crayon gras, ou une ardoise et en alignant des calculs pendant votre apnée. La performance s'effondrera aussitôt. Pensée égale consommation d'oxygène. Donc le champion de l'apnée est automatiquement un as de la non-pensée. C'est un méditant qui s'ignore. Que se passe-t-il quand on stoppe le flux de ses pensées ? Bien malin qui pourrait le dire. Le cerveau a bien des mystères. Il fonctionne vraisemblablement de manière différente, d'où un "état de conscience" différent. Pour l'angoissé chronique, ce silence de l'encéphale fait du bien, a un effet apaisant. On connait mal cet état méditatif, bien que tout ceci ait fait l'objet d'études et de mesures. On peut penser que dans un tel état de transe, le méditant gère l'oxygénation de ses zones neutronales différemment. Et puis, pourquoi pas, cela lui permet peut être de se brancher sur une autre réalité. Le cerveau, la conscience, la pensée, qui sait comment tout cela fonctionne ?

Il n'est donc pas étonnant de voir des apnéistes faire de leur activité de prédilection une sorte d'ascèse, démultipliée par le caractère symbolique de la descente dans le milieu marin, dans cette "mère primitive" qui à partir d'une certaine profonde devient par ailleurs obscure. Quelle image !

Je ne suis pas un maniaque de la psychanalyse, mais convenons que certaines activités ont de fortes connotations symboliques. Quand le parachutiste se lance dans le vide, il revit une sorte de naissance, quitte l'abri feutré de la cabine de l'avion pour jaillir en pleine lumière. Quand son parachute s'ouvre avec une " SOA " une sangle à ouverture automatique, il émerge même avec un ... cordon ombilical.

Ceux qui pratiquent le saut à l'élastique lancent parfois le "cri primal". La naissance c'est le saut dans l'inconnu par excellence, le saut dans la vie.

Il y a donc effectivement quelque chose de fascinant dans la plongée et dans l'apnée. Un fond superbe, la lumière qui joue avec les vagues, la non-pensée : nous voilà proche de la transe, de l'extase. On conçoit très bien que ces apnéistes de l'extrême puissent connaître des états "seconds" très impressionnants, au prix sans doute de quelques neurones grillées au passage. En risquant également leur vie, en s'aventurant à des profondeur où il n'est plus possible d'assurer leur sécurité.

Le grimpeur pratique aussi cette quête d'absolu. J'ai beaucoup grimpé, étant jeune, dans les Calanques, dans les Alpes, dans les Ardennes belges. J'ai même été moniteur, jadis. Il y a quelque chose de fascinant dans l'escalade. On va plus loin dans ses possibilités que le commun des mortels, qui ignore les siennes. Quand on débute, on se dit : " ça n'est pas possible, je ne vais pas passer cela ! ". Et pourtant si, " ça passe ". cela fait de ce sport, bien pratiqué, une bonne école de la vie. L'escalade est un geste extrêmement technique. Il y a en outre des passages où la grimpe devient dynamique, où un élan du corps est indispensable. On s'embarque alors dans un geste irréversible. Le geste optimal est élégant. L'issue ne peut être que vers le haut, vers la sortie du passage. D'où une charge symbolique. Pour bien grimper en tête il faut connaître la mesure exacte de ses possibilités du moment, et les gérer au mieux. En cas d'échec, c'est "le dévissage", la chûte sur plusieurs mètres. Aujourd'hui des harnais bien conçus permettent de mieux encaisser le choc. Les cordes nylon sont élastiques. Les cordes en chanvre ne l'étaient pas. Paradoxalement, l'effort subi par le grimpeur ne croit pas automatiquement avec sa hauteur de chute. On déguste pratiquement autant en dévissant de trois mètres que de vingt ( et les cordes fatiguent tout autant ). Parce que l'énergrie à encaisser est proportionnelle à cette hauteur et que la capacité de la corde à absorber cette énergie de manière élastique est aussi proportionnelle à sa longueur.

Le second de cordée est aussi là pour amortir le choc. On lui confie sa vie. Son inattention peut nous mener de vie à trépas. On ne s'étonnera pas que de solides amitiés aient pu se nouer entre membres d'une même cordée.

L'apnéiste doit "se concentrer surce qu'il fait", se maintenir en état de non-pensée. Le grimpeur doit être aussi entièrement "immergé dans son activité", de même que le parachutisme. C'est une bonne façon d'évacuer les soucis de l'instant. C'est aussi pour cela que le sport est bénéfique, qu'il s'agisse de tennis ou de basket ball. Ca vous dégage la cervelle, un moment.

En matière de grimpe, jusqu'où peut-on aller ? Jusqu'où faut-il aller ? Il en va alors de la sensibilité de chacun. J'ai été formé à une école où le dévissage était considéré comme un incident exceptionnel. Simplement parce qu'en montagne, un dévissage représente toujours un risque élevé. Eh puis cela correspond à une façon de concevoir la chose.

Au delà, il y a " l'escalade à mains nues " à propos de laquelle Isabelle Patissier avait dit un jour que pour pratiquer cette discipline il fallait " être bien dans son corps et bien dans sa tête ". Là, on franchir un degré supplémentaire. Le droit à l'erreur devient nul.

Fascination.

Mais prise de risque. Un risque systématique. J'ai bien connu un pionnier de ce genre de grimpe : le Belge Claude Barbier, auteur de grandes premières dans les Dolomites. Un homme sombre, tourmenté. J'ai raconté ailleurs dans mon site comment il a failli se tuer sous mes yeux. Il a fini par y rester, un jour.

Je me souviens d'une grimpe avec mon ami Lecomte, à Freyr, dans les Ardennes belges, quand j'avais vingt ans. Je trouvais que dans cette voie j'étais un peu limite. Jean m'avait dit "je te surveillerai du coin de l'oeil. Si tu as le moindre problème, je t'enverrai une corde". Je grimpais en tête, remorquant un étudiant derrière moi. A un moment je m'engage dans une fissure verticale, où il n'y a pas de prise et où on doit pratiquer le "Dulfer", du nom du grimpeur qui inventa cette technique. On se place sur le côté. On pousse sur les pieds et on tire sur les mains, en procédant par opposition. Avec cela, on tient.Avant de m'engager dans la voie je demande à l'étudiant qui me précède :

- Le Dulfer, dans quel sens ?
- A droite.

Et il disparaît, allant rejoindre son premier de cordée : Jean.

Las, je comprends de travers. Je m'élève de sept à huit mètres et la fissure n'évolue pas dans le bon sens. Les prises de main sont à la limite de l'adhérence. Au prix d'efforts terribles j'atteins le relai : une sorte de clou assez fin, porteur d'un anneau. Je tire ma corde avec le mousqueton en m'aidant de ma main droite. Je sais que quand le mousqueton sera frappé sur l'anneau, mon second de cordée pourra m'assurer. Mais là, surprise, l'anneau, rouillé, se brise comme du verre et je reste comme un un idiot.

La corde lancée par Jean me tombe exactement sous le nez. Fin grimpeur, mon maître ne m'avait pas perdu du l'oeil. En ayant tout mon poids tenu par une main gauche qui commence à glisser, sur cette fissure qui s'est arrondie, je lâche ma corde d'assurance et mon mousqueton, me hâtant de saisir avec ma main droite la corde que Jean m'a lancée. Mais celle-ci, empoisonnée par l'acide lactique refuse de fonctionner, de se refermer sur la corde ! Juste avant que ma main gauche et mes pieds me lâchent je glisse la corde .. entre les dents de ma mâchoire de vingt ans. Une seconde après je retrouve l'usage de mes mains.

Que serait-il arrivé si j'avais " grimpé à mains nues " en misant sur un piton rouillé ou un becquet rocheux prêt à casser ? Certains jouissent en flirtant ainsi avec la mort, pas moi. Je me souviens de mes premiers vols en " Delatplane ", en 1974. Je me suis dit aussitôt " ce sport est trop beau pour qu'on se la gâche par quelque accident. Je veux pouvoir le pratiquer longtemps ". Et ça a été le cas. Je n'ai jamais eu le moindre pépin et je vole toujours avec le même plaisir.

Comment faut-il vivre ? Que faut-il faire et ne pas faire ? Entre rester chez soi en pantoufles et jouer à la roulette russe, où faut-il se situer ?

Ce qui me gène dans cette apnée off limit c'est son caractère médiatique, un certain professionnalistation du risque, qui va avec l'attrait mobide des spectateurs, du public. Je me souviens de nos premières envolées en delta, en 74. Un sport balbutiant, plein d'inconnues, où il y avait pas mal de casse. Je me souviens de spectateurs, l'appareil photo à la main, guettant le cliché à sensation. Je me souviens de ces regards malsains.

Lafaille, disparu dans l'Himalaya avait un site où on pouvait trouver le moyen de le contacter pour un sponsoring. Quand on y réfléchit, c'est très voisin du métier de gladiateur. Dans l'antiquité certains étaient des prisonniers de guerre qu'on contraignait à se battre jusqu'à la mort. Mais on trouvait également de professionnels. Il y a bien des soldats de métiers, de mercenaires. Là, l'affrontement était plus évident, la prise de risque plus directe. Quand on voit le film " gladiator " on ne peut que frémir en voyant l'attitude de la foule, et de l'empereur Commode, qui trépigne comme un enfant à chaque mise à mort. Qui n'a pas médité en parcourant les sous-sols du Colisée, là où dans la pénombre attendaient ceux qui devaient prononcer les paroles cérémonielles :

- Ave, Caesar, morituri te salutant !

Salut à toi, César. Ceux qui vont mourir te saluent !

Effrayant, quand on y pense. Mais bien réel, historique. Mais, à l'époque, les gladiateur ne donnaient pas dans la spiritualité.

Je trouve inquiétant les propos tenus par ce Patrick Musimu, qui cherche visiblement à faire des adeptes. Voir sa phrase :

 

 

Ma nouvelle vision de telles compétitions ne serait pas basée sur la pure profondeur, et pourtant attirerait en toute sécurité bon nombre de jeunes et moins jeunes vers la Mer. Mais il est encore trop tôt pour exposer mes idées au monde, ceux qui édictent les règles de ces compétitions ne seraient pas encore prêts à entendre ces nouveaux concepts. Mais je reste confiant, et je suis sûr que ce n’est juste qu’une question de temps.

 

C'est extrait du livre qu'il s'apprête à faire paraître.

Quand mon fils s'est tué en apnée, en juillet 1990, en plongeant sur l'épave du Saint Dominique, en face de Marseille il était à bord du bateau de Pierre Vogel, un commerçant vendeur de matériel sous-marin à Marseille, dans son magasin "Le Vieux Plongeur". Il est aujourd'hui décédé. Celui-là ne s'est guère soucié de ce jeune de 24 ans qui faisait le ludion à côté de lui, alors qu'il évoluait sur l'épave avec trois autres plongeurs, munis comme lui de bouteilles. Un des plongeurs, Ebersoldt, l'avait même photographié pendant qu'il plongeait, puis avait pris un cliché de son corps inanimé, au moment où ils étaient allés le récupérer.

Vogel m'avait dit après le drame :

- Les clients, on les surveille comme le lait sur le feu. Mais les amis, ils font ce qu'ils veulent.....

Bien sûr.

A bord du bateau on a trouvé un numéro d'une nouvelle revue : Apnea, qui décrivait les principes de ce nouveau sport, l'apnée profonde.

Les gens qui militent pour le développement de cette activité ( qu'on ne saurait qualifier de sport ), qui encadrent ces acctivités ne sont que des irresponsables criminels. Mayol a en son temps publié un livre " Homo Delphinus " où il développe sa thèse selon laquelle l'homme " serait un issu d'un singe plongeur ". C'est n'importe quoi pour justifier le seul but que Jacques poursuivait dans sa vie : sortir de l'anonymat, acquérir une notoriété, par tous les moyens. Musimu évoque un contact avec l'ineffable, le transcendant.

Autant en emporte le vent....

Ce n'est pas aux Jacques Mayol, aux Audrey Mestre, aux Loïc Leferme que je pense, mais à tous les autres. Ceux qui sont mort en silence, dans la discrétion, loin des feux de la rampe, grugés par ces vendeurs d'illusions dangereuses, de drogues mortelles. Et ils se comptent par milliers. Des morts inutiles, absurdes.

Je vais conclure ce papier par une déclaration qui pourra en choquer certains :

- Comme il n'y a guère de chance que Patrick Musimu revise son optique, j'espère sincèrement qu'il se tuera rapidement.

puisque la mort de Loïc Leferme, après celle d'Audrey Mestre n'ont pas suffi à stopper cette course qui n'est rien d'autre qu'un flirt malsain avec la mort, chez des gens tenaillés par des angoisses secrètes.

Je sais que des lecteurs entendront ces lignes. Certains ont pu s'arrêter à temps, apès avoir lu mes articles et après avoir brutalement réalisé :

- Je ne savais pas quels risques je prenais. On ne m'avait rien dit.

. D'autres ont pu y puiser des arguments pour dissuader leurs gosses de jouer ainsi avec leur vie. J'ai encore en tête le mail d'une jeune fille de la Réunion, vingt ans. Il se trouve dans mon site. Elle avait participé de cet engouement pour l'apnée, avec son père. Elle était même venue en France participer au premier championnat du monde d'apnée, organisés par une " Fédération d'Apnée ", tout récemment créée. Puis elle est son père avait entraîné son oncle dans ces activités. A la Réunion, tous trois chassaient en eau profonde. Mais un jour le drame est arrivé. Le tonton a fait une syncope et est allé doucement s'allonger sur un fond de trente mètres, inanimé. Son frère a tenté de le remonter. En vain. C'est simplement ... impossible. Après une unique tentative, le père de la jeune fille devait attendre de longues minutes pour pouvoir reprendre son souffle. Et, trente mètres plus bas, allongé sur le dos, l'oncle passait doucement de vie à trépas. La jeune fille avait tenté, elle aussi, d'approcher son oncle. Elle avait suivi son père dans sa tentative de sauvetage. Mais celui-ci avait dû lâcher son frère, sous peine de périr avec lui. l'oncle avait alors doucement glissé vers le fond, allongé sur le dos, les bras en croix.

- Je me souviens de son regard. Il avait les yeux grands ouverts. Je j'ai vu mourir sous mes yeux, c'était affreux.

Quelle télévision organisera un débat avec de tels témoins ? Aucune. Ca n'est pas "porteur".

 


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