ITER : opinion du prix Nobel japonais Masatoshi Koshiba

31 mai 2011

 

TOKYO (AFP)


Dernier prix Nobel japonais de physique, le professeur Masatoshi Koshiba remet en cause le bien-fondé du projet de Réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), accusant ses promoteurs de vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes.

Citant un proverbe chinois - "Tête de mouton, mais viande de chien" -, le Pr Koshiba, 77 ans, spécialiste de physique fondamentale, reproche aux partisans d'Iter de présenter le projet comme "la source d'énergie de la prochaine génération", ce qu'il n'est pas, selon lui.

Ambitionnant de produire une énergie propre et sûre en recréant sur Terre les mécanismes à l’œuvre au cœur des étoiles, le projet Iter devrait entrer dans sa phase opérationnelle en 2014 et être exploité pendant 20 ans, avec un budget estimé à quelque dix milliards d'euros.

Le prix Nobel de physique 2002 estime qu'Iter ne remplit pas "un certain nombre de conditions, à savoir la sûreté et les coûts économiques", pour s'affirmer comme une prochaine source d'énergie quasi inépuisable.

En effet, "dans Iter, la réaction de fusion produit des neutrons de grande énergie, de 14 MeV (mégaélectronvolts)", niveau jamais atteint encore, explique M. Koshiba, qui est âgé de 77 ans. "Si les scientifiques ont déjà fait l'expérience de la manipulation de neutrons de faible énergie, ces neutrons de 14 MeV sont tout à fait nouveaux et personne à l'heure actuelle ne sait comment les manipuler", avertit le professeur honoraire de l'Université de Tokyo.

Actuellement, souligne-t-il, la fission nucléaire libère des neutrons d'une énergie moyenne d'un ou deux MeV seulement.

Pour M. Koshiba, les scientifiques doivent d'abord résoudre ce problème des neutrons de 14 MeV "en construisant des murs ou des absorbeurs" avant de pouvoir affirmer qu'il s'agit d'une énergie nouvelle et durable.

C'est, affirme-t-il, une solution très coûteuse. "S'ils doivent remplacer les absorbeurs tous les six mois, cela entraînera un arrêt des opérations qui se traduira en un surcoût de l'énergie", critique le physicien. "Ce projet n'est plus aux mains des scientifiques, mais dans celles des hommes politiques et des hommes d'affaires.

Les scientifiques ne peuvent plus rien changer", déplore-t-il avant d'ajouter :

- J'ai peur.

L'Union européenne, la Russie, la Chine, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon participent au projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor). Deux sites sont en vive concurrence pour accueillir l'installation : Cadarache, dans le sud-est de la France, et Rokkasho-Mura, dans le nord du Japon. L'Union européenne, Moscou et Pékin soutiennent la candidature française tandis que Washington et, apparemment, Séoul, lui préfèrent le site nippon. Réunis une première fois à Washington le 20 décembre, les six partenaires n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le choix du site.

Une deuxième réunion devrait avoir lieu fin février. En attendant la décision finale, la France et le Japon se livrent à une intense campagne de pressions.

"Je souhaite que le gouvernement français ait l'honneur d'accepter Iter dans son propre pays", ironise M. Koshiba.

C'est chose faite ....

 

 

 

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