Cinquante ans de non-physique

3 mars 2005

Veneziano s'est vu attribuer un poste de professeur au Collège de France. Pour ceux qui ignore qui il est, c'est le fondateur de la théorie des cordes, le pionnier de cette démarche de physique théorique, qui allie complexité et stérilité. J'ai déjà évoqué cette démarche en commentant le livre de Brian Greene, " l'Univers Elegant". Autre mention de cette démarche fantasmagorique dans l'évocation d'un livre publié par un homme récemment entré à l'Académie des Sciences de Paris : Thibaud Damour, en collaboration avec l'essayiste Jean-Claude Carrière : "Entretiens sur la multitude du monde et l'unicité des idées".

Autant la technologie terrestre se développe, autant nous assistons au délabrement de l'édifice des idées. La nomination de Veneziano à un poste aussi prestigieux est le signe de cette dégénérescence de notre physique fondamentale et théorique qui se poursuit depuis plus d'un demi-siècle. Souriau considère que le dernier apport notable en matière de connaissance de la matière est celui de Richard Feynmann avec sa théorie de l'électrodynamique quantique. Après, la source s'est simplement tarie. Il y a une dizaine d'années Souriau m'a lu le début du discours d'introduction du chairman d'un colloque de physique théorique consacré à la théorie des supercordes. Je m'en souviens comme si c'était hier :

- En dépit du fait que la théorie des supercordes n'a jamais à ce jour permis d'interpréter le moindre phénomène ou de proposer la moindre expérience on notera, étant donné le nombre croissant d'articles qui sortent chaque jour sur le sujet l'extraordinaire vigueur de cette nouvelle discipline.

Oui, vous avez bien lu. C'est simplement grotesque, pitoyable. Pourquoi une telle activité a-t-elle pu se développer de la sorte ? Parce qu'au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Les physiciens théoriciens n'ont plus d'idées depuis des décennies. Ils ne produisent plus rien de tangible, ne proposent aucun modèle qui soit vérifiable. Ils se foutent tout simplement de la gueule du monde et seraient bien incapables de prouver le contraire. Il en est de même en astrophysique théorique où les chantres de la spécialité parlent comme des vendeurs dans un soukh, comme les Shingouz des bandes dessinées de Valérian, habitués du "Point Central", proposant à l'encan de la matière sombre, ou noire, ou de l'énergie du même nom. Il vantent les vertus du pouvoir répulsif du vide comme jadis, avant la découverte de Torricelli, on affirmait "que la Nature avait horreur du vide" et que c'était cette même répulsion qui faisait monter le mercure dans les baromètres.

En prenant son poste au Collège de France, Veneziano a fait son premier cours introductif. Il se déclare assez satisfait car dans cette institution on peut être payé jusqu'à l'âge de 70 ans et il n'en a que soixante deux. Il va donc pouvoir "exercer" pendant huit ans. Quoi ? Personne n'en sait rien. Tout cela est surréaliste au sens fort du terme. La théorie des supercordes se situe à la pointe d'une démarche qui s'affranchit totalement de tout lien avec le réel. C'est cette indépendance totale de de cette physique du troisième millénaire vis à vis des réalités que Veneziano revendique en disant qu'il s'agit "d'une démarche résolument fondamentale". Ce sont des gens qui cherchent à poser les fondements d'un bâtiment dont ils ignorent tout : sa forme, sa géométrie et sa fonctionnalité.

Souriau a coutume de dire que la physique théorique c'est :

Les mathématiques, moins la rigueur et la physique, moins l'expérience

Souriau, quatre vingt deux ans, sorte de Lagrange des temps modernes laissera un trace tangible dans l'histoire de la pensée scientifique. Mais on ne s'étonnera pas qu'il se vu interdire l'entrée à l'Académie des Sciences par des gens dont l'histoire ne se souviendra guère, comme l'astronome Ferrembach, qui s'était un jour devant moi félicité d'avoir obstacle à l'entrée du mathématicien dans cette "docte assemblée". Souriau, dont pas mal de travaux restent imparfaitement compris, pense que la physique théorique est devenue un vaste hôpital psychiatrique où les fous auraient pris le pouvoir, et je suis entièrement de son avis. Avec la nomination de Veneziano au Collège de France la déraison entre dans cette maison par la grande porte. Mais elle est partout. A l'Académie des Sciences Thibaud Damour, également membre de la secte, dit construire une théorie de "l'avant Big Bang" laquelle, selon ses propres mots "ne serait pas tout à fait mûre". Croyez-vous qu'il soit nécessaire d'avoir introduit des idées nouvelles ou de laisser dans son sillage des travaux marquants, mémorables, pour entrer à l'Académie des sciences ?

Des gens qui ne produisent rien et ne produiront rien dans les décennies à venir, je vous le prédis, gardent certains cénacles comme des cerbères. A cause de Thibaud Damour je n'ai pas pu franchir la porte du séminaire de l'Institut des Hautes Etudes de Bures sur Yvette où j'avais souhaité présenter mes travaux de cosmologie et d'astrophysique théorique. Damour a opposé une fin de non recevoir sans avoir lu mes travaux et dans la maison tout le monde s'est contenté de son avis d'expert. L'obsession de vouloir à tout prix conserver leur pouvoir, leur leadership amène les gens sans idées à maintenir au dehors ceux qui en proposent. Même constat pour l'attitude révoltante d'un James Lequeux, qui fut longtemps directeur de la revue Astronomy and Astrophysics et qui est allé jusqu'à violer les règles mêmes de la publication scientifique, pondérée par l'avis d'un referee, au moment où, après un an de bras-de-fer j'étais en train d'avoir raison de son expert anonyme. C'est choquant parce que cela relève d'une totale malhonnêteté intellectuelle. Lequeux est à la retraite. Il n'a jamais rien trouvé, rien apporté. Encore un dont le passage dans l'arène scientifique ne laissera pas la moindre trace.

James Lequeux ( la photo est ancienne )

L'académicien Evry Schatzmann, longtemps président de l'Union Rationnaliste, obscure officine dont personne ne parle plus de nos jours, qui s'était donnée pour but de lutter "contre les fausses sciences et les impostures de la pensée" n'est plus qu'un homme vieillissant, après avoir joué de son mieux son rôle d'épistémoflic dans le domaine de l'astrophysique. Bilan de sa carrière : pratiquement zéro. Pourrait-on comparer un tel homme à des gens comme Eddington et Jeans ? Sûrement pas. Mais, sachez-le, ce personnage laissera une trace à cause d'une simple photographie, celle des participants du célèbre congrès Solvay, en Belgique, qui réunissait toutes les têtes d'affiche de la science de l'époque. On y voit le jeune Schatzman, aux côté de Bethe, d'Einstein, de Dirac et de tant d'autres. Quelqu'un avait dû penser "que c'était un jeune Français qui promettait", car je ne vois vraiment pas ce qu'il faisait sur ce cliché.

Il fut un temps, une époque, dans l'entre deux guerres, où chaque photographie des participants au congrès Solvay réunissait, en matière de science, une véritable brochette de personnages historiques. Depuis que Feynmann est mort, qui pourrait-on exhiber sur un nouveau cliché ? Veneziano ?

Les physiciens théoriciens de notre époque, les astrophysiciens, les cosmologistes sont voués aux oubliettes de la Science.

Tout déraille, y compris en matière de publication scientifique. Il existe une revue qui s'intitule "Classical and Quantum Gravity" qui se prend très au sérieux et élimine d'un revers de main "tous les travaux d'ordre spéculatif". Mais cette revue, par son nom même, est déjà en soi une absurdité. En effet, personne n'a jamais réussi à quantifier ... la gravité !

Autant en emporte le vent de la science.

La médiocratie a ses lois implacables, même si les têtes d'affiche sont d'anciens forts en thèmes, bardés de diplômes, d'anciens surdoués, ex-précoces vieillissants. Avoir "un bagage", crouler sous les diplômes ne suffit pas. Nous vivons sous une tyrannie exercée par des gens dépourvus d'idées fécondes, donc d'idées, tout court. Car une idée qui n'est pas féconde n'est pas une idée. Bien sûr, la fécondité peut tarder à se manifester. Mais par exemple dans le cas des supercordes c'est trente années de stérilité totale. Suspect, non ? En fait la théorie des supercordes n'est pas une théorie, c'est un désordre de l'intellect, une imposture intellectuelle qui tente de camoufler sa vacuité sous une apparence de complexité (sur ce plan le best seller de ce jeune fumiste qu'est Greene est un modèle du genre). Dans ce milieu beaucoup ne valent pas la supercorde pour les pendre.

Les pseudo-travaux de nos actuels astrophysiciens théoriciens et cosmologistes sont de la même eau. Un changement de paradigme, une profonde révision de notre conception géométrique du cosmos s'imposent, qu'ils refusent de toutes leurs tripes, faut de pouvoir comprendre le sens même de cette question. La théorie de l'Inflation du Russe Linde quant à elle, est une totale fumisterie.

Ayant inscrit récemment des travaux en preprint à arxiv je souhaiterais vivement pouvoir les présenter en séminaire au Collège de France, dans toute leur clarté, fécondité et solidité mathématique. Mais mes chances de pouvoir le faire sont a priori assez minces. En effet ces travaux sont liés au réel, il introduisent une géométrisation d'un objet dont l'existence est avérée : l'antimatière. Un tel flirt avec la réalité ne saurait être toléré par les temps qui courent. Bien sûr, j'ai pu prendre de manière exceptionnelle la parole au Collège de France au printemps 2004, invité par Jean-Claude Pecker, académicien et membre de cette maison et par son collègue Narlikar, président de l'Union Astronomique Internationale. Mais aucun autre astrophysicien n'est venu. Dans la salle un homme gromelait "mais, comment peut-on laisser s'exprimer en ces murs un tel individu ?". Son voisin lui a suggéré d'exprimer cette opinion à voix haute, assez forte pour que je le t'entende, mais il a gardé un silence prudent, criagnant peut être de se retrouver avec un théorème planté entre les deux yeux.

Même insuccès à l'IHES face à un cerbère comme Thibaud Damour, en présentant il y a plusieurs années des travaux qui, eux aussi, ont partie liée avec des données observationnelles en astronomie et expliquent pas mal de choses. Trop, peut être. L'avant Big Bang est sans doute un sujet plus intéressant, comme le sexe des anges.

Le trou noir est le pendant astrophysique de la théorie des supercordes, mais on ne voit guère où et comment détailler des critiques ( d'ordre géométrique ) sur ce modèle, à propos duquel le journal Libération écrivait il y a dix ans :

Bien qu'on n'ait jamais eu à ce jour de preuve observationnelle de l'existence des trous noirs
les astrophysiciens sont tous convaincus qu'ils existent vraiment

Qu'a-t-on trouvé de nouveau sur ces objets depuis trente ans ? Strictement rien. Brandon Carter, en poste à Meudon, un cerveau importé d'Albion, qui leur a voué son existence est parti à la retraite. Une carrière dont le bilan scientifique est totalement nul, ce qui ne l'a pas empêché de faire la pluie et le beau temps dans la maison et de régner en maître incontesté dans cette "discipline".

A l'observatoire de Marseille que j'ai quitté en 2003 Evangelina Athanassoula, d'origine grecque, continuer de piloter son puissant ordinateur comme une locomotive à vapeur. Elle aussi approche de la retraite mais hélas, cette théoricienne n'a jamais rien trouvé qui vaille la peine d'être retenu. Toutes ses galaxies spirales ont perdu leurs bras avec régularité, les unes après les autres, années après années ( comme celles de son amie la parisienne Françoise Combes ). Elle a dirigé moult thèses de doctorat. Recette : prendre des points masses et se donner des conditions initiales, puis lancer le tout comme on met à cuire des poireaux dans une cocotte. Observer l'image sur écran. Si celle-ci ressemble à une formation présente dans quelque catalogue, arrêter le calcul et prétendre avoir ainsi percé un nouveau mystère. Lancer alors la rédaction de la thèse. A noter qu'on peut obtenir des formations très intéressantes en vidant deux bassines, préalablement agitées, contenant des liquides non-miscibles. On m'a dit qu'on obtenait également des choses remarquables avec des vrais poireaux et une vraie cocotte minute. Le mari d'Athanassoula, Albert Bosma, d'origine hollandaise, ajoute depuis dix ans des quantités ad hoc de matière sombre, et autres ingrédients, aux distributions de masse déduites des observations de galaxies. Il parvient ainsi, grâce à un autre puissant ordinateur, utilisé également par lui comme une machine à vapeur, à retrouver les formes des courbes de rotation du gaz dans les galaxies qui en possèdent. C'est complètement ad hoc et comme il n'y a aucune confirmation observationnelle de l'existence de cette matière sombre c'est totalement dénué d'intérêt. Voici donc deux autres exemples de carrières à bilan strictement nul, de salaires de chercheurs versés à fonds perdus pendant plus de trois décennies.

Au royaume des aveugles les borgnes sont rois

Je me souviens d'un colloque d'astrophysique franco-français qui s'était tenu en 1999 à Montpellier et où Bosma, exerçant une pression sur le pauvre Moltaka, le jeune organisateur, avait pu réussir à me faire interdire de parole alors que je m'apprétais à présenter des travaux théoriques sur les univers jumeaux avec des incidences intéressante sur l'interprétation du phénomène de réaccélération cosmique. Une alternative à cette résurgence de ce vieux serpent de mer, la "constante cosmologique", après une éclipse de plusieurs décennies pendant laquelle les astrophsiciens du monde entier avaient réussi à se convaincre qu'elle devait être nulle.

 

Albert Bosma ( très ressemblant )

Après que cette interdiction de parole m'eût été signifiées ( Bosma n'avait eu qu'à dire "si Petit parle, je m'en vais ! ", pour faire plier Moltaka, maître de cérémonie), je m'étais tourné vers la salle et j'avais simplement dit :

Le roi est nu

Quand cette séance s'était achevée, Bosma ayant présenté le résultat d'obscurs bidouillages de matière sombre et que nous quittions la salle, un astrophysicien plus courageux que les autres s'était approché de moi. Puis, avec des mots rapides et feutrés, m'avait glissé à l'oreille :

- Vous savez, je suis en gros d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure.

Puis il s'était éloigné à vive allure, de peur sans doute que ses collègues aient pu s'apercevoir de son inconcevable hardiesse.

Je tiens à apporter quand même une précision. Ce tableau déprimant tendrait à suggérer que c'est l'ensemble de la science française, de l'université et du Cnrs qui s'enfonce dans le marasme. C'est faux. A l'observatoire de Marseille, par exemple ou au Laboratoire d'astronomie spatiale oeuvrent d'excellents observateurs et des constructeurs d'instruments de renommée mondiale. Il suffit de rappeler que lors du projet Skylab on fit appel aux ... Français pour équiper la station de mini-télescopes. Les observateurs et les constructeurs de télescopes français sont parmi les meilleurs du monde. Mais c'est au niveau du fondamental, dans le milieu des théoriciens, chez ceux qui sont censés interpréter les données qui dégringolent du cosmos à un rythme accéléré que la nullité fait tache d'huile. Il en est de même en physique. Nous physiciens expérimentateurs sont loin d'être des manches. Mais au niveau de la physique théorique, de l'interprétation, un grand vide s'installe, depuis des décennies. C'est ... comme ça. Entre les neutralinos, les whimps et autres fantômes....

Voilà. Veneziano va pouvoir enseigner pendant huit années de rang au Collège de France. Quoi ? Mystère. Des éléments pouvant conduire à la "Théorie du Tout", dit-on. Je vous le prédis : il ne sortira rien de tout cela, dans dix ans, vingt ans, plus encore. Parce que ça manque non de matière sombre, mais de matière grise, d'imagination. La physique théorique est devenue un marécage, un bras mort de la pensée, une sorte de dysfonctionnement de l'activité encéphalique.

 

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