...Dans le divergent d'une tuyère supersonique (par exemple bidimensionnelle) le gaz est accéléré :
..Ci-dessus les ondes de Mach dans le divergent d'un propulseur de fusée. Ces ondes semblent se réfléchir sur la paroi. Ceci est lié à une condition de compatibilité concernant l'écoulement à la paroi : la bissectrice intérieure des deux ondes de Mach, ou caractéristiques, représente la direction de l'écoulement, qui doit être tangente à la paroi.
...La vitesse du son est atteinte au col. En amont, le gaz est à vitesse subsonique. Il est accéléré dans le divergent et la pression baisse. On moteur fusée fonctionnera avec un rendement d'autant meilleur que la vitesse d'éjection sera élevée. Mais il y a une contre-partie : il faut également que les gaz soient éjectés à une pression égale à la pression ambiante, à l'altitude où ces propulseurs fonctionnent. On appelle ceci "l'adaptation de la tuyère".Si le divergent est trop prononcé, le gaz sera éjecté à une pression inférieure à la pression ambiante (atmosphérique) et apparaîtront des ondes de choc de recompression. Les ondes de Mach s'appellent aussi les "caractéristiques" de l'écoulement. Dans un moteur fusée, à symétrie de révolution, ces ondes de Mach sont côniques. Ceci signifie qu'en tout point de la tuyère, si on disposait un obstacle fixe, de la taille d'un grain de sable, il engendrerai une onde de Mach de forme cônique.
..Le vecteur vitesse correspondrait alors au demi-angle au sommet du cône. Plus le nombre de Mach serait élevé et plus ce cône de Mach serait pointu.
...Les moteur à réaction des avions sont équipés de tuyère à section variable, dont le divergent s'ouvre au fur et à mesure que l'altitude s'accroît et que la pression ambiante baisse.
..Les divergents des tuyères des moteurs à réaction sont munies de "pétales" qui s'ouvrent à l'aide de vérins hydrauliques, au fur et à mesure que la pression diminue, ceci étant directement commandé par une mesure barométrique. La vitesse d'éjection étant plus élevée, ces moteurs ont un meilleur rendement en haute altitude.
...Mais revenons à notre caniveau. Que se passe-t-il lorsque le virage se présente comme ceci :
...A gauche le "convergent" n'est pas trop prononcé. Les caractéristiques (ondes de Mach) tendent à se resserrer, mais elles ne se recoupent pas (sinon hors de l'écoulement lui-même. Il y a diminution du "nombre de Mach local", de la vitesse et accroissement de la hauteur d'eau (équivalent de la pression dans un gaz).
...A droite le virage est trop prononcé.Les ondes de Mach tendent à se recouper. Apparaît un "ressaut" liquide, analogue d'une onde de choc dans un gaz. L'écoulement connaît une discontinuité. En aval de l'onde de choc, la vitesse décroît brutalement, à la traversée du ressaut-onde.
..L'étrave d'un navire est aussi un "convergent". Si le navire se meut à une vitesse faible, inférieure à la vitesse de propagation des ondes de surface (donc en "subsonique") les ondes de Mach n'existent pas. Corrélativement, le niveau de l'eau reste constant.
...A plus forte vitesse ( V > a ) on peut, à l'aide d'un ordinateur, calculer dans un écoulement bidimensionnel la géométrie des ondes de Mach, théoriques. On constate qu'elle se recoupent, tendent à se focaliser :
...Sur le dessin ci-dessus, on a calculé les ondes de Mach théoriques dans un écoulement gazeux, en résolvant les équations de la mécanique des fluides (Navier-Stockes) autour d'un profil d'aile lenticulaire, immergé dans un courant gazeux supersonique, à l'ide d'un ordinateur (1979). On constate que les ondes de Mach tendent à se focaliser. On n'a représenté qu'une famille d'ondes. Ces lieux de focalisation sont "les lieux de naissance" des ondes de choc. En effet ces ondes de Mach sont des ondelettes de compression. L'écoulement ci-dessus n'est donc pas physiquement réaliste. On notera la présence de deux éventails de détente sur les flancs du profil. Deux systèmes d'onde de choc apparaîtront donc :
..En aval des ondes de choc, le gaz est "choqué", recomprimé, et sa vitesse diminue. Ce phénomène s'effectue sur une épaisseur très faible : quelques centièmes de millimètre.
..En aval de l'onde de choc frontale, après avoir été décéléré brutalement le gaz est réaccéléré en continu, selon un "éventail de détente". Il est même "suraccéléré", au point qu'une seconde onde de choc, dite onde de choc de culot, doit s'établir au bord de fuite du profil pour redonner, en aval, la pression ambiante, selon le principe évoqué dans ma bande dessinée "Le Mur du Silence" (voir le "CD-Lanturlu") :
On est prié de laisser le gaz dans l'état où on l'avait trouvé en entrant.
..Le vecteur vitesse subit aussi une discontinuité en direction, si le bord d'attaque est un dièdre :
(phénomène analogue au bord de fuite, si celui-ci est également en forme de dièdre).
...Voyons ce que cela donne en analogie hydraulique.
...On voit que la suraccélération de l'eau, sur les flanc du navire, fait apparaître la partie de la coque située au repos en dessous de la ligne de flottaison.
...Ces systèmes d'ondes (en écoulement gazeux ou dans ces écoulements liquides à surface libre) modifient la distribution de la pression autour du profil ou de la carène. Il en résulte une traînée d'onde qui s'ajoute à la traînée de frottement. Lors qu'une croisière supersonique (comme par exemple lors d'un vol du Concorde) la traînée d'onde devient si importante qu'elle excède largement la traînée de frottement. Le vol supersonique est donc grand consommateur d'énergie et les appareils doivent alors être équipés de moteurs puissants. De même, ces vols supersoniques ne peuvent être opérés qu'en altitude, sinon la traînée d'onde deviendrait prohibitive. Un avion à réaction ne peut guère dépasser Mach 1,2 au ras du sol.
Où va cette énergie ? Elle se dissipe de deux manière. Les engins supersoniques créent un "bang" très intense, qui distribue cette énergie très loin d'eux, de même que l'onde de choc créée par un explosif dissipe cette énergie à grande distance. L'onde de choc provoque aussi un échauffement de l'air, mais la dissipation sous forme sonore est majoritaire.
..Nous avons ici présenté un système "d'ondes attachées". Si la partie frontale de l'appareil est émoussée (nez ou bords d'attaque des ailes et de l'empennage, dans le cas de la navette spatiale) l'onde de choc s'établit à une certaine distance de l'objet. La vitesse étant nulle au "point d'arrêt" de l'écoulement, celui-ci devient subsonique en aval de l'onde, puis la réaccélération s'opère.
..La recompression du gaz, en aval d'une onde de choc, s'accompagne d'un échauffement. La température au "point d'arrêt" croît très rapidement avec le nombre de Mach (comme son carré). Les avions supersoniques subissent donc, sur leurs parties frontales (nez, bords d'attaque) de fortes contraintes thermiques. Bien que ceci entraîne un accroissement de traînée, les nez ou bord d'attaque doivent ainsi être émoussés à nombre de Mach très élevé (régime hypersonique) pour répartir l'afflux de chaleur. Se souvenir du nez très émoussé d'un engin expérimental comme le X-15.
..Dans le cas de corps de rentrée, ça n'est pas gênant puisqu'on recherche au contraire le freinage. Les capsules de rentrée russes sont simplement sphériques. Les capsules américaines présentent un important "bouclier thermique", ou s'opère une ablation partielle du matériau (ils ne sont pas conçus pour servir plus de quelques minutes et doivent être remplacés après chaque rentrée, si la capsule est réutilisée.
...Nous nous sommes posés, en 1975, le problème d'une possible évolution supersonique, et même hypersonique (jusqu'à Mach 15) en air dense, au ras des toits. Avec un système conventionnel (propulseur fusée ou moteur à réaction, style stato-réacteur, plus bouclier thermique, ou parties frontales réfrigérées à l'hélium liquide) ces croisière à très haute vélocité sont totalement inenvisageables. Aucun système ne pourrait encaisser un tel afflux de chaleur ni fournir la poussée nécessaire pour vaincre une traînée d'onde aussi importante.
...J'ai été le premier à suggérer que la MHD puisse résoudre ce problème (note aux Comptes Rendus de l'Académie des Science de 1975 et article dans Science et Vie en 1976). Il est assez choquant de voir certains groupes de gens reprendre à leur compte cette idée, sans la moindre citation de ce travail de précurseur et lorsqu'un ancien technicien, parfaitement incompétent en la matière, déclare à la télévision, comme tout récemment :
..- Nous savons maintenant comment faire évoluer des engins à vitesse supersonique, sans qu'ils ne créent d'onde de choc.
la chose devient proprement ridicule. Mais disons que la chose est assez courante, dans les milieux technico-scientifiques.
..Dès 1975 nous nous sommes donc demandé comment les ondes de choc, créatrices à la fois d'un fort afflux de chaleur et d'une forte traînée d'onde pourraient être carrément éliminées. Pour aborder ce problème, il est nécessaire de bien comprendre pourquoi ces ondes de choc se forment.
..Lorsqu'un objet pénètre dans une masse gazeuse à vitesse subsonique, ce sont les ondes sonores qui "préviennent" le gaz de sa venue. Lorsqu'un objet, même émoussé, pénètre dans un gaz à vitesse subsonique, ce dernier commence à s'écarter bien avant que l'objet ne soit sur lui :