Iter : un "projet de Société"

17 mars 2006

29 août 2008 : les langues se délient

 

Oui, c'est ainsi que les responsables venus présenter ITER se sont exprimés hier, dans la salle des fêtes de Pertuis où nous avions été conviés pour un débat. J'ai pu à grand peine récupérer un micro après que nous ayions entendu de laborieux discours où on nous disait "que tout avait été prévu en matière d'impact sur l'environnement". J'ai pu entendre par exemple, tout au long d'un speech interminable qu'il il avait été prévu de tenir compte de la préservation de fleurs et de scarabées à proximité du site d'implantation de ce complexe de ploutophysique ( ploutos, en Grec, veut dire "cher" ). Sur des images de synthèse nous pouvions voir l'allure des bâtiments, les structures d'accueil, l'infrastructure routière, etc.

Je me suis demandé où se cachaient la science et la technologie dans cette présentation qui était à mi-chemin entre celle d'un luxueux projet immobilier et celle de l'implantation d'un village du Club Méditerranée. Je me suis aussi demandé quand commencerait le débat.

En fait ITER ressemble aux propos tenus par Villepin à propos de son contrat de première embauche. La loi est là, et le gouvernement se déclare prêt à discuter sur tous les points de détail que les intéressés pourraient vouloir soulever.

Pour ITER c'est un peu la même chose. Il ne semble pas question de remettre en question des décisions qui ont déjà été prises "en haut lieu", par "des responsables", sans nous consulter, nous, les Français.

ITER est à l'image de notre monde d'aujourd'hui. Vous avez des milliards d'euros qui traînent ? Investissez les dans le le luxe, les loisirs les plus coûteux. Les carnets de commande des fabriquants de yachts de la classe des 120 pieds sont pleins. Les appartements de 1000 mètres carrés de Dubaï se vendent comme des petits pains. Ne faites pas dans le mesquin, ne vous laissez pas handicaper par le rentable. L'utile se vend mal, c'est l'inutile qui est à la mode. Je vais vous dire une chose. Je crois que le club de happy few qui profitera d'ITER le temps d'une carrière se fout éperduement que la machine soit ou non rentable; opérationnelle.

Est-ce qu'on s'intéresse au rendement à l'hectare d'un terrain de golf ?

ITER fonctionnera-t-il ? Là, les responsables deviennent moins bavards : le Blablatron s'enraye aussitôt. J'ai rappelé que les hommes couraient après la fusion contrôlée depuis soixante ans, depuis l'immédiat après guerre, sans beaucoup de succès. J'ai rappelé que tout cela n'avait guère de précédent en matière de technologie. Les hommes ont inventé les avions qui ont assez vite volé, de plus en plus haut, de plus en plus vite. Les automobiles se sont mises à rouler. Le nucléaire balbutiait en 1938. Peu d'années après le premier réacteur nucléaire, construit par Enrico Fermi sous les gradins d'un stade de l'université de Chicago, divergeait. Il y a eu les bombes et dans la foulée les réacteurs civils. On a perfectionné des fusées, envoyé des gens dans la Lune. Tout cela en un nombre d'années relativement faible. En parallèle la fusion contrôlée ressemble à un conte de fée interminable, à un mirage qui s'éloigne sans cesse. A chaque fois qu'un pas de plus est fait, un nouveau problème surgit. Mais personne ne remet en cause après six décennies la pertinence de l'approche, entièrement basée sur l'invention du Russe Artsimovitch : le Tokamak.

- C'est simplement une question d'échelle....

Bref si dans vingt autres années ( c'est le délai qui a été avancé pour tirer le bilan d'ITER ) ça ne marche pas, si la machine s'étouffe au bout de quelques dizaines de secondes, qu'à cela ne tienne, c'est simplement que celle-là n'était pas assez grande. Il suffira d'en mettre une autre en chantier, encore plus grosse, encore plus chère.

- Paye et tais-toi.

J'ai rappelé que j'avais été présent à Cadarache il y a vingt cinq ans lorsque les responsables du Centre présentèrent les grandes lignes du projet " Tore Supra ". On parlait " de Soleil en laboratoire". Le Blablatron tournait déjà à plein régime. Un quart de siècle plus tard, de fusion, point. Mais " l'aimant supraconducteur fonctionne ". Je trouve que vingt cinq ans pour arriver à mettre au point un simple aimant supraconducteur, c'est quand même un peu long, d'autant plus que cette technologie n'a rien de révolutionnaire. Elle est déjà utilisée dans les chambres à bulles des accélérateurs de particules.

Un des "animateurs" ( le mot G.O. me vient aux lèvres ) m'a dit deux choses. Il a d'abord critiqué mon visage peu avenant et m'a suggéré de le montrer à l'assistance, ce que j'ai aussitôt fait en me levant. J'ai ajouté que c'était simplement celui d'un contribuable français, confronté à un tel projet. Sa seconde remarque intervint lorsque je signalais mon étonnement devant ce qualificatif de "projet de société", vis à vis d'une machine qui me semblait destinée a priori à produire de l'électricité.

- Mais, monsieur, ITER est bien plus qu'un projet de recherche....

Là, il y avait visiblement quelque chose que je n'avais pas capté.

On m'a demandé "quelle était ma question, afin qu'une réponse puisse m'être fournie". J'ai alors demandé "comment les gens du projet envisageaient de gérer le refroidissement radiatif rapide qui découlerait du rayonnement de freinage lié à la pollution du plasma par des noyaux à forte charge électrique, arrachés à l'enceinte".

Le G.O. a battu en retraite instantanément en agitant les mains en signe de dénagation. Je me suis alors tourné vers l'autre table, où siégaient différentes personnalités, dont une femme qui semblait avoir quelques responsabilités dans cette affaire et qui conservait un sourire imperturbable, fruit d'une longue expérence en matière de politique de recherche. Mais la balle ne revint point. Même silence chez le spécialiste des fleurs et des scarabées.

Les choses ne tournaient pas comme prévu. Que venait faire ce physicien des plasmas au milieu de cette foule villageoise ? D'ailleurs, comme cela me fut rappelé, n'avait-on pas déjà suffisamment débattu de tout cela lors de rencontres précédentes, à Nice, Avignon et Aix ?

On m'a finalement indiqué un homme assis comme moi au premier rang, un certain Michel Chatelier, en poste à Cadarache. En réponse à la phrase que j'avais prononcée et dont il était le seul à avoir perçu le sens il a simplement dit "que c'était une bonne question".

En fait c'est la question chiante par excellente, à ne pas poser.

"La fusion a fonctionné, en Angleterre, pendant trois secondes, mais c'est parce que l'aimant était fait en cuivre. Ca n'était pas conçu pour fonctionner plus longtemps". Mais alors comment se fait-il que nous, Français, qui disposions d'un système de magnétisation capable de fonctionner en continu ( supraconducteur ) n'avons-nous pas été fichus d'obtenir ces mêmes réactions de fusion ?

Même, si les Anglais avaient eu des bobinages supraconducteurs, les réactions de fusion, exo-énergétiques, se seraient-elles maintenues ? Je n'en suis pas convaincu. Le plasma de fusion, collisionnel, contient des atomes rapides qui parviennent à franchir la barrière du confinement magnétique et arrachent des atomes appartenant à l'enceinte. Ceux-ci polluent le plasma et sont la source d'un intense refroidissement radiatif. Je pronostique que la chaudière s'étouffera, que la fusion s'arrêtera, au bout de secondes, de dizaines de secondes, de minutes peut être. Rien n'a été prévu pour faire face à ce problème que vous ne trouverez nullement évoqué dans les luxueuses plaquettes éditées par le CEA.

Mais ça n'est pas grave, ITER est "un projet de société".

Ne trouvez-vous pas fantastique qu'on puisse mettre autant d'argent dans un projet aussi problématique et hasardeux, par les temps qui courent. Avons-nous les moyens de nous offrir une telle "danseuse", ai-je lâché.

Réponse de Michel Châtelier :

- Cela semble représenter beaucoup d'argent, mais c'est beaucoup plus faible si on raisonne en pourcentage.

Il faudra qu'il m'explique tout cela. J'ai pris ses coordonnées, son numéro de téléphone. Nous irons le voir à Cadarache et nous lui poserons des tas de questions, concernant en particulier l'histoire du projet de société précédent, c'est à dire de Tore Supra. On parlera plasmas chauds, fusion, pertes radiatives, systèmes de confinement. On parlera aussi d'autres filières où la fusion est visée de manière impulsionnelle, éventuellement à plus forte température. Un milliard de degrés, par exemple.

Je rendrai compte de nos échanges dans mes colonnes. Je reproduirai fidèlement les réponses qu'il nous fournira.

A priori je dirais ceci :

- Cette fusion axée sur une machine imposante et chère reste en l'état trop problématique pour qu'on consente de tels investissements, dans une entreprise qui a les plus fortes chances de déboucher dans vingt ans sur une nouvelle demande d'argent pour faire encore plus grand.

- Ces dépenses priveront des filières de recherche, axées sur d'autres moyens de produire de l'électricité, d'indispensables finances.

- Au plan de la fusion je pense qu'on joue en visant au dessous du filet. Avec cent millions de degrés on peut faire fusionner du deutérium et du tritium, deux isotopes de l'hydrogène. Cela reste polluant. Avec un milliard de degrés on pourrait jouer sur une réaction comme

Bore 11 + Hydrogène 1 donne trois Hélium4

Pas de neutrons, pas de pollution. Toutes les particules sont électriquement chargées. Ainsi la production d'électricité peut-être élégamment utiliser la MHD, un peu oubliée en France depuis trente ans, il est vrai.

Les déchêts ? De quoi gongler des ballons. Peu de gens savent qu'une fusion avec zéro pollution, zéro déchêts, zéro effets collatéraux peut être envisagée.

Mais pour cela il faudrait faire preuve d'un peu d'imagination. Le Tokamak est un sentier à la fois battu et aride, point focal de tous les conformismes de la physique. Ca n'est pas de la science, de la véritable innovation, mais de l'entêtement technologique.

Envisager le confinement en régime continu d'un plasma à un milliard de degrés ? Je ne vois pas les choses comme ça. A mon avis il faudrait explorer les (peu coûteuses) voies de l'impulsionnel. Je vais vous citer une machine qui utilise les performances de l'impulsionnel :

le moteur à explosion, comparé à la machine à vapeur

Il y a des tas de systèmes qui produisent des températures étonnantes, toujours en impulsionnel.

- La cavitation, au tour d'une simple hélice et dans de l'eau froide permet de fondre du bronze.

- Avec les ultrasons produits par un cristal piézo-électrique on crée un plasma montant à dix mille degrés. La sonoluminescence en témoigne.

- Dès les années cinquante Andréi Sakharov explorait les étranges propriétés des ondes de choc focalisées par la MHD.

 

J'ai peur qu'ITER soit la machine à vapeur du troisième millénaire, frappée en outre d'un fonctionnement extrêmement problématique.

 


29 août 2008

ITER : les langues se délient

iter_echelle

J'ai reçu ce mail d'un correspondant qui, pour des raisons évidentes a souhaité rester anonyme. Outres les défauts que j'avais déjà pointés :

- Absence d'essais de tenue d'un aimant supraconducteur à unintense bombardement de neutrons

- Absence de solution vis à vis de la dépollution du plasma, celui-ci se peuplant d'ions lourds, arrachés à la paroi par les ions hydrogène rapides ( queue de distribution boltzmanienne dans un plasma collisionnel )

- Mauvais choix du site,à proximité de la retenue d'eau douce d'Esparon sur Verdon, susceptible d'être " enrichie " en tritium lors des inévitables lâchés de cet isotope de l'hydrogène, d'une durée de vie de 12 années, s'intégrant immédiatement à toute chaîne alimentaire. Le plaquage de cet istotope léger ( les molécules lors des lâchers se fondront immédiatement dans la masse d'air, par diffusion turbulente ) découle des fréquents régimes d'onde qui se crée lors des fort vents dominants ( couche sous ondulatoire turbulente, en " rouleaux " ). Aucune étude météo n'a été faite avant le choix du site.

Cela serait une erreur de penser " que cet hydrogène s'élèvera dans l'atmosphère ". A moins que ces lâchers ne soient effectués dans des ballons, peu discrets. Faites les raisonnement inverse. Lâchez une vessie emplie d'eau d'une grande hauteur. Elle tombera rapidement. Mais la même masse d'eau, déversée en vrac, se mêlant à l'atmosphère, se fragmentera en fine goutelettes dont les vitesses de chute seront bien inférieures. Lors des lâchers d'hydrogène il ne se forme pas de " gouttes d'hydrogène ". Le nuage se fragmente d'abord du fait de la turbulence. Puis ce sont les molécules qui diffusent à vitesse très lente dans la masse d'air, dans laquelle ellest se retrouvent pratiquement prisonnières. Elles seront alors livrées aux caprices des vents et éventuellement plaquée au sol. .

Voici le contenu du mail reçu :

 

Cher Monsieur,

Vous souhaitez écrire sur ITER. Au-delà de vos arguments, j'ajouterais trois points très résumés.

Je ne peux vous dire mon nom, mais je peux vous dire que j'ai suivi ce projet de très près.

 

Conception :

Le circuit primaire, contrairement aux réacteurs nucléaires, n'a pas été dimensionné en tenant compte de l'éventualité d'un accident. On aurait pu imaginer la rupture d'un ou plusieurs tubes vapeur de refroidissement pour définir une pression de dimensionnement du circuit primaire. Il n'en est rien, le tore primaire ne résiste qu'à de très faibles pressions dues à des fuites normales ou faiblement incidentelles. Ce principe de conception est d'une insuffisance notable vis-à-vis de la sûreté.

 

Déchets

ITER est un prototype dont l'un des enseignements sera de connaître la fréquence de remplacement des couvertures primaires fortement irradiées par le plasma. Si l'on doit les remplacer tous les ans ou tous les deux ans, on aura une montagne de déchets hautement toxiques car mixtes bêta-gamma et tritiés et donc très difficiles à gérer. Comme ITER International ne couvre que l'exploitation du prototype, la gestion des déchets est laissée à la France. Il faudra donc gérer l'entreposage des déchets sur Cadarache ainsi que les rejets en tritium qui dépassent largement les rejets existants du site, même si le tritium est retenu sur des filtres métalliques.

 

Radioprotection

Bien que la maintenance se fera à distance (si tout va bien alors que nous sommes sur un prototype), on n'évitera pas des expositions du personnel. Celui-ci sera confronté à un problème nouveau: exposition combinée tritium-béryllium (présent dans le circuit primaire). Or ces deux éléments sont cancérogènes pulmonaires et donc leur nocivité ne s'ajoute pas, mais se potentialise mutuellement. Si l'on connaît les limites de doses  de chaque élément pris isolément on ne connaît pas de limite au cumul des deux.

J'ai du mal à croire que ce projet ira à son terme.Un jour ou l'autre, on préfèrera mettre l'argent sur les réacteurs de génération IV.

Bien à vous

Bon courage

 

 

 

En passant .....

Communiqué du 29 août 2008


Belgique, Espagne, Allemagne, Autriche, Slovénie, Ukraine, France


L'Europe frappée par les accidents nucléaires
 

 
La France, qui a passé un été très radioactif avec de multiples évènements en particulier au Tricastin, est loin d'être le seul pays d'Europe frappé par les incidents et accidents nucléaires. Des scandales de grande ampleur font même la Une actuellement dans certains pays.
 
 
En Belgique, un accident de niveau 3 s'est produit le 24 août à l'Institut des radioéléments (IRE) de Fleurus. Comme d'habitude dès qu'il s'agit de nucléaire, l'alerte a été donnée en retard, les conséquences ont d'abord été minimisées par l'Agence fédérale belge de Contrôle nucléaire (AFCN), mais on apprend aujourd'hui que la fuite radioactive est plus importante qu'annoncé au départ et que la consommation des légumes du jardin et du lait est maintenant interdite, en attendant peut-être de nouvelles révélations...
 
En Espagne, un important incendie s'est déclaré, le 24 août aussi, à la centrale nucléaire Vandellos II (Catalogne) qui est arrêtée depuis. Une trentaine d'incidents ont eu lieu depuis le début de l'année dans les centrales espagnoles. En avril dernier, on a appris qu'une fuite radioactive avait eu lieu 6 mois plus tôt (!) à la centrale d'Asco I (Catalogne) dont l'exploitant encourt de lourdes sanctions.
 
En Allemagne, la population a appris fin juin qu'une contamination de grande ampleur était en cours depuis des années dans une mine de sel ou 126 000 fûts de déchets nucléaires ont été stockés. La mine était présentée comme "stable depuis 70 millions d'années" et "quasi-imperméable", mais les déchets baignent aujourd'hui dans un véritable lac souterrain dont la contamination menace de grandes nappes phréatiques.
 
En Autriche, un incident s'est produit dans la nuit du 2 au 3 août dans les laboratoires de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à 35 km de Vienne. Ce n'est que par chance qu'un accident grave n'a pas eu lieu.
 
En Ukraine, une fuite d'eau radioactive a provoqué l'arrêt d'un réacteur à la centrale nucléaire de Rivné (ouest de l'Ukraine) le 10 juin.
 
En Slovénie, une fuite radioactive le 4 juin à la centrale nucléaire de Krsko a entraîné une alerte européenne (les 26 autres pays de l'Union ont été contactés en urgence) avant que la gravité de la situation ne soit minimisée, sans que personne ne sache vraiment ce qui s'était passé.
 
La France, enfin, a été frappée cet été par de multiples incidents à la Socatri-Areva (Bollène, Vaucluse ; grave fuite d'uranium le 7 juillet), à la FBFC-Areva (Romans-sur-Isère, Drôme ; découverte le 18 juillet de contaminations par une canalisation rompue depuis des années), à la Centrale nucléaire EDF du Tricastin (Drôme ; 100 salariés contaminés le 23 juillet) et à celle de St-Alban (Isère ; 15 salariés contaminés le 20 juillet), à nouveau à la Socatri-Areva (aveu le 6 août de rejets illégaux depuis des semaines de carbone 14 radioactif) et à la Comurhex-Areva (Pierrelatte, Drôme ; aveu le 21 août de contaminations par une canalisation rompue elle aussi depuis des années).

 

 

 

 

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