Demande de droit de réponse, formulée à l'adresse du CEA

suite à la mise en ligne d'un texte portant atteinte à ma réputation

23 janvier 2012

29 mars 2012 : pas de réponse

Le 17 novembre 2011 le CEA a placé sur son site un texte un texte qualifiant mes écrits de malhonnêteté intellectuelle. Voici, in extenso, le texte en question, 4.625 mots, trente mille caractères :

 

Réaction au papier « ITER Chronique d’une faillite annoncée » de Mr Jean-Pierre Petit, paru le 12 novembre 2011 dans la revue Nexus, préparée par le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives.Le 17 novembre 2011.

 

Introduction

L’argumentation développée dans son article par Mr J.P. Petit, membre de l’association antinucléaire française « Sortir du nucléaire », visant à contester le projet ITER en attisant des peurs irraisonnées, est construite à partir d’extraits, sortis de leur contexte, d’une thèse de doctorat récemment préparée à l’Institut de Recherche sur la Fusion par confinement Magnétique du CEA et soutenue en novembre 2010 à l'Ecole doctorale de l'Ecole Polytechnique sur la question particulière des phénomènes de disruptions susceptibles de survenir lors du fonctionnement d’ITER.

Une disruption, phénomène connu de longue date, est une instabilité qui peut se développer au sein d’un plasma de Tokamak. Chargée d’une forte énergie, elle conduit à la rupture du confinement magnétique et se traduit par une décharge électrique de forte intensité vers la paroi de l’enceinte à vide, induisant le risque d’endommager celle-ci.

Cette thèse de grande qualité s’appuie sur 50 ans de travaux d’une communauté scientifique mondiale de plusieurs milliers de professionnels de par le monde, et qui constitue la base reconnue du débat scientifique actuellement en cours sur le sujet.

Il existe une abondante littérature sur le sujet des disruptions, notamment dans les articles publiés régulièrement dans le journal « Nuclear Fusion ». Ils constituent la base physique officielle et publique de la conception d’ITER.

En constatant que l’article de Mr J.P. Petit ne retient que des extraits sélectionnés à dessein de travaux qui confirment à juste titre l’attention qui doit être portée par la communauté scientifique aux phénomènes de disruption, on ne peut que conclure à la volonté manifeste de polémique politique et de malveillance de la part de Mr J.P. Petit, et certainement pas à un travail de qualité scientifique mené dans un esprit critique constructif, et destiné à faire avancer le sujet.

Nous sommes affligés de constater la légèreté avec laquelle des informations scientifiques publiées dans des revues de renommée internationale, leurs auteurs, mais également les lecteurs de l’article lui-même, y sont manipulés à des fins partisanes étrangères à la recherche et aux progrès des connaissances. Par un tel comportement intellectuellement malhonnête, Mr J.P Petit se disqualifie lui-même ipso facto du débat, qu’il soit scientifique ou sociétal.

Le présent document a vocation d’une part à répondre aux points les plus grossièrement inexacts de l’analyse de Mr J.P. Petit, tant sur le plan scientifique que sur le plan de la méconnaissance du contexte général des recherches, et d’autre part à fournir au lecteur les clés principales de lecture de ce même contexte et du rôle exact qu’ITER doit jouer dans la recherche en fusion magnétique sur les décennies à venir.

 

Analyse des critiques de Mr J.P. Petit.

L’argument principal de Mr J.P. Petit est qu’ITER ne saurait résister aux disruptions, qui correspondent à un arrêt rapide du plasma. Analysons point par point les critiques émises dans l’article (les extraits de l’article sont en italique).

p.91, « De cette lecture, on retire que la fusion par confinement magnétique et la physique des tokamaks, extrêmement complexe, ne sont nullement maîtrisées par les théoriciens. Aucune modélisation du comportement du plasma contenu dans ces machines n’est représentative, au sens où il est et restera longtemps impossible de gérer, même avec les supercalculateurs les plus puissants au monde, un problème mettant en jeu 10 20 à 10 22 particules électriquement chargées,interagissant toutes avec les autres ».

Ces propos sont étonnants de la part de quelqu’un qui se prétend être un « spécialiste émérite de la physique des plasmas ». Les exemples ne manquent pas de théories et modèles fonctionnant fort bien sur un grand nombre de particules. Il s’avère que la Magnétohydrodynamique (MHD) est une science permettant de décrire la dynamique d’un plasma ou d’un fluide conducteur comportant un très grand nombre de particules. Les puissances de calcul disponibles actuellement permettent même des simulations en vraie grandeur. Sauf à remettre en question les propres travaux de la communauté scientifique à laquelle il a appartenu il y a plus de 20 ans, M. J.P. Petit ne peut sérieusement soutenir une assertion suivant laquelle il est impossible de simuler un système dynamique comportant un grand nombre de particules.

Ceci étant dit, personne n’a jamais prétendu que les tokamaks étaient et devaient être conçus sur la base de simulations numériques. En pratique les spécifications techniques d’un tokamak concernant leur tenue aux disruptions s’appuient sur des « lois », dites « lois-ingénieur » portant sur les énergies et temps caractéristiques mis en jeu dans ce processus. Les valeurs choisies pour ITER ont été validées par des expériences réalisées sur un grand nombre de tokamaks pendant plus d’un demi-siècle. Les simulations numériques de disruptions ne sont apparues que récemment, notamment dans la thèse de M. C. Reux dont M. J.P. Petit fait grand cas.

De fait, les résultats sont très encourageants, même si leur précision est encore améliorable. Il convient de souligner à nouveau que ces simulations constituent un raffinement supplémentaire dans la compréhension des plasmas de tokamaks, et non la base la base de la conception d’ITER, validée depuis longtemps par les « lois ingénieur» évoquées précédemment.

p.91 : « Tous les tokamaks du monde, y compris Tore Supra et JET, sont devenus ingérables,sous l’effet de causes extrêmement variées ».

Cette affirmation est à l’évidence erronée et totalement mensongère: Tore Supra et JET fonctionnent de manière satisfaisante et parfaitement sûre depuis 1988 et 1983 respectivement, soit plus de 20 ans de fonctionnement pour Tore Supra et presque 30 ans pour JET. Des disruptions surviennent régulièrement dans ces deux machines (comme dans toutes les autres), mais elles n’ont jamais conduit à une destruction, ni à une perte de confinement de produits toxiques, comme en fantasme le scénario de Mr Petit. 30 ans de fonctionnement sans incident majeur n’est certainement pas ce qu’on appeler honnêtement une situation « ingérable » !

p.92 : « les disruptions … engendrent des forces capables de déformer les structures pariétales comme des fétus de paille »

Les éléments de première paroi et de structure des tokamaks et en particulier d’ITER sont bien entendu conçus pour résister aux forces générées pas les disruptions, y compris les plus puissantes envisageables. Ces éléments sont agencés de façon à minimiser les courants électriques qui y circulent lors d’une disruption, limitant ce faisant les forces de traction qu’ils pourraient subir.Par ailleurs, en cas de situations extrêmes induisant des dommages superficiels à ces éléments, ces derniers sont conçus pour être remplaçables.

La photographie montrée dans l’article et extraite de la thèse (élément de Tore Supra endommagé sous l’effet d’une disruption) est à ce titre exemplaire : il correspond à une « aiguille » (élément de première paroi) tordue sur Tore Supra sous l’effet d’une disruption : elle a été remplacée, les chemins de courant ont été depuis corrigés, et Tore Supra a fonctionné tout à fait normalement par la suite!

Il est certain que durant la phase de mise en service progressive d’ITER, des situations de ce type seront rencontrées et les défauts constatés seront corrigés, comme cela se produit dans toute installation industrielle ou de recherche dans sa période initiale de fonctionnement (cf. la situation du CERN en 2009). Bien évidemment, la machine sera testée avec des courants plus faibles que la valeur nominale, afin de minimiser les dégradations potentielles pendant cette phase de mise au point.

p.93 : « les coups de foudre qui s’y produisent immanquablement atteindront 15 millions d’Ampère (150 millions d’ampères sur son successeur DEMO). Des impacts d’une telle puissance perforeront l’enceinte à vide. La couche de Beryllium … sera volatilisée et dispersera le matériau dont elle est constituée, en même temps que le tritium ; radiotoxique, contenu dans la chambre »

Cette affirmation est doublement fausse. A supposer qu’en situation extrême, une perforation de la chambre à vide survienne sur ITER suite à une disruption, il n’y aura pas de rejet de Beryllium ou de Tritium hors de l’installation: la chambre à vide est entourée d’une série de barrières de confinement, qui ne seront pas affectées par les disruptions. De plus, DEMO ne fonctionnera certainement pas à 150 MA, mais à des courants de l’ordre de ceux d’ITER (15-20 MA). Les extrapolations hasardeuses et péremptoires de Mr Petit démontrent sa profonde méconnaissance de la physique et de la technologie des tokamaks.

p.93 : « les forces de Laplace, se chiffrant en milliers de tonnes, pourront déformer les structures de la machine, imposant leur remplacement, voire la réfection totale de l’installation ».

Mesurer des forces en tonnes est plus que surprenant de la part d’une personne qui se revendique physicien.

Une force se mesure en Newton et une masse en gramme ou tonne. Les forces de Laplace induites dans ITER sont estimées pouvoir atteindre des milliards de Newton. Les éléments de structure d’ITER sont conçus pour résister à ces forces de plusieurs milliards de Newton– il ne sera donc en aucun cas nécessaire de les remplacer. JET résiste depuis 30 ans à des disruptions induisant des forces de plusieurs milliards de Newton. L’installation est construite pour supporter sans déformation de telles forces.

p.94 : « il n’existe aucun moyen d’extrapoler et de réutiliser les données existantes … ces incidents, inévitables lors de la mise en oeuvre, pourront amener la destruction d’ITER dès les premiers tests »

Ces affirmations péremptoires sont erronées. Il existe en effet des moyens et des codes très fiables pour estimer les courants dits de « halo » liés à une disruption, le niveau d’asymétrie de ces courants dans la direction toroïdale, ainsi que les forces exercées sur la chambre à vide. Cette estimation est consolidée à partir d’une base de données (« ITER disruption database ») alimentée par les observations sur un très grand nombre de tokamaks de tailles variées. Comme déjà mentionné, il existe aussi des simulations numériques MHD sans cesse plus précises permettant d’estimer de manière indépendante la nature fine des disruptions, mais celles-ci n’ont pas été utilisées pour concevoir ITER, car les décisions prises sont antérieures au développement de ces techniques de simulation. Celles-ci sont désormais utilisées à des fins de compréhension fine, de vérification et d’aide à la définition des tests de démarrage, des expériences à venir, et à l’exploitation de leurs résultats. Mentionnons à nouveaux que les tests de démarrage d’ITER s’effectueront à courant plasma réduit (comme pour toute autre machine) avec une montée en puissance progressive, et donc dans des situations sans risque pour l’intégrité de la machine.

p.94 : « espérer faire un jour fonctionner un tokamak sans disruption est aussi déraisonnable que d’envisager un soleil sans éruptions solaires, une météo sans vents ni nuages, une cuisson dans une casserole emplie d’eau sans tourbillon »

Un tokamak peut fonctionner sans risque de disruption si le plasma est stable vis-à-vis des modes MHD. De facto, c’est le régime de fonctionnement normal de la plupart des tokamaks, et ITER n’échappera pas à la règle. Il faut se garder ici de confondre instabilité et turbulence. Une disruption est due à une instabilité parfaitement déterministe. Si un plasma est stable vis-à-vis de cette instabilité, il n’y a aucune raison qu’elle survienne en vertu de la reproductibilité d’une physique déterministe. Ce point très important a été confirmé par l’analyse de la base de données ITER déjà mentionnée : il n’y a pas de caractère aléatoire dans le déclenchement d’une disruption, même si la physique en jeu est complexe. Une turbulence (l’image de la casserole) est associée à une multiplicité d’instabilités à petite échelle. De fait, une turbulence est chaotique. Elle est incontournable, mais ne conduit pas à une disruption. Une disruption peut entrer en régime turbulent,mais dans un deuxième temps seulement, une fois l’instabilité primaire déclenchée. A cet égard, la figure montrée en guise d’illustration par Mr J.P. Petit est hors de propos : elle correspond à une turbulence qui n’a rien à voir avec une disruption.

Bien évidemment un des objectifs d’ITER est de mettre au point un scénario stable vis-à-vis des disruptions. Une fois ce scénario trouvé, il n’y a aucune raison pour qu’il devienne disruptif spontanément.

p.95 :« les disruptions peuvent endommager n’importe quels éléments d’un tokamak, y compris son système supra-conducteur de magnétisation, dont on rappelle qu’il contient l’énergie du porte-avion Charles de Gaulle lancé à 150km/h»

Cette assertion à nouveau est fausse. La chambre à vide sera protégée par une couverture prévue pour stopper les neutrons de 14MeV issus des réactions de fusion, et a fortiori les électrons rapides issus des disruptions, qui ne parviendront donc pas jusqu’à l’aimant. Répétons une nouvelle fois que les éléments de structure, dont l’aimant supraconducteur, sont conçus pour résister à une disruption. L’énergie mise en jeu lors d’une disruption n’a rien à voir avec l’énergie de l’aimant toroïdal. Il s’agit plutôt du contenu énergétique du plasma (environ 350 MégaJoules pour un plasma ITER à pleine puissance) et de l’énergie du champ magnétique dit poloïdal (à peu près 400MJ) – les deux n’étant pas libérées en même temps – donc rien de commensurable avec les 51GigaJoules mentionnés, ni avec un quelconque porte-avion lancé à 150km/h, fût-il le Charles de Gaulle.

p.95 : « si on voulait offrir une image de la mise en oeuvre d’un tokamak, il faudrait se représenter un machiniste qui est face à une chaudière et à quelques instruments de mesure. Si l’aiguille de l’un deux accuse le moindre frémissement, sa seule action possible consiste à noyer le foyer à l’aide d’une lance à incendie »

Encore une fois, méconnaissance de ce qu’est un Tokamak et manipulation des faits à des fins partisanes. Tore Supra est équipé de 40 instruments de mesure en continu, JET d’environ 80 et ITER en aura plus encore. Parler de « quelques instruments de mesure » est pour le moins réducteur. Pour ce qui est de la «lance à incendie », l’estimation du temps disponible pour arrêter ou freiner des électrons rapides est de l’ordre de 10 ms. On estime qu’il faudra injecter 10 22 électrons par mètre cube pour un arrêt « en douceur » (cf. le document de référence « ITER Physics Basis » donnant les bases du dimensionnement physique d’ITER, publié dans Nuclear Fusion et cosigné par l’ensemble de la communauté mondiale). Ce n’est pas tâche impossible !

De fait, l’étude de l’injection massive de gaz comme moyen d’arrêt des électrons rapides est précisément l’objet de la thèse de C. Reux. D’autres techniques sont à l’étude par plusieurs équipes dans le monde, dont une du CEA, en vue de retenir celle qui présente les meilleures performances au meilleur coût.

Les résultats actuels sont encourageants, et on peut raisonnablement penser qu’une, ou même plusieurs, de ces méthodes innovantes, au-delà de celle déjà disponible, seront au point en 2019-2020 pour le premier plasma d’hydrogène et à plus forte raison en 2026 avec le premier plasma deutérium-tritium.

p.95 : « on peut s’étonner que l’autorité de sûreté nucléaire n’ait jamais fait mention de cette dangerosité …»

C’est vraiment mal connaître ce que sont les autorités de sûreté nucléaire des 7 partenaires d’ITER(Japon, Corée du Sud, Inde, Chine, Etats Unis, Fédération de Russie, Union européenne) et de la France que de penser un seul instant qu’elles auraient pu n’en jamais faire mention, si ces disruptions étaient aussi dangereuses que Mr Petit le fantasme.

Sa phrase malveillante vise à laisser à penser que les disruptions ont été cachées aux diverses instances d’évaluation. Il n’en est naturellement rien. Les disruptions sont largement commentées dans la littérature, en particulier plus de 35 pages leur sont consacrées dans le « ITER Physics Basis », publié dans le journal Nuclear Fusion en 2007 (complétant le rapport initial de 1999).

Les publications de niveau international sur ce sujet se chiffrent en centaines. Insinuer que le sujet aurait été éludé, voir caché, est à l’opposé de la réalité.

Ce qui est surprenant, c’est que M. J.P. Petit, qui revendique une démarche scientifique, appuie ses affirmations péremptoires essentiellement sur la lecture superficielle des travaux de la thèse de Mr Reux, et ignore superbement les milliers de pages consacrées à ce sujet des disruptions dans les revues scientifiques unanimement reconnues. On ne peut donc que s’étonner de son étonnement.

***

Ayant démontré l’outrance des propos de Mr Petit, il convient maintenant de répondre de manière synthétique aux légitimes questionnements de l’opinion sur le projet de recherche ITER : qu’en est-il précisément du fonctionnement du Tokamak ITER et de sa situation face aux disruptions?

Les recherches en fusion magnétique et le rôle d’ITER

La recherche en fusion nucléaire, par voie de confinement magnétique, est une recherche dite «sociétale », dans le sens où elle mobilise un ensemble aussi cohérent que possible de compétences scientifiques et techniques pour aboutir à un but unique, à savoir développer, dans des conditions aussi sûres que souhaitées, une source d’énergie basée sur le principe de la fusion de deux noyaux légers. Monsieur Petit dans son introduction rappelle à juste titre que, sous forme d’un résumé très rapide, on peut parler de la domestication sur Terre de l’énergie de fusion, cette énergie produite dans les étoiles, et en particulier dans le Soleil. Une tâche de grande ampleur en effet à laquelle on veut s’atteler !

Ce défi, car c’en est bien un, consiste donc tout d’abord à vérifier que de telles réactions sont réalisables sur Terre, et qui plus est, qu’elles le sont à « taille humaine ». La bonne nouvelle, le résultat tangible et remarquable apporté par la communauté scientifique, est qu’en effet il est possible de trouver un point de fonctionnement pour cette réaction de fusion nucléaire compatible avec une réalisation « humaine ».

En clair, le dimensionnement de la physique à laquelle il est fait appel indique qu’un réacteur de cette nature est envisageable dans des installations industrielles comparables à celles que l’on connaît pour la production massive d’électricité actuellement.

Ceci représente une étape décisive dans la poursuite de cette recherche. Cette étape a été franchie à la fin des années 1990, notamment par une démonstration expérimentale sur le tokamak européen JET, saluée universellement et clôturant ainsi une phase longue, mais décisive de l’histoire de la fusion : la « phase des pionniers ». Plusieurs livres spécialisés ont déjà été écrits sur cette phase de l’histoire de la fusion, mais il est important d’en souligner les conclusions majeures en des termes accessibles au grand public, et aux personnes intéressées par nos choix de sociétés.

Cette phase des pionniers est typiquement scindée en deux époques, la première époque couvrant deux décennies entre la « déclassification » des recherches (1958) et la décision de construction du JET (1980); la seconde époque couvrant les deux décennies suivantes marquées par l’exploitation des grands tokamaks, dont le plus grand est encore aujourd’hui JET, et aboutissant à la décision collective de construction d’ITER (2005).

Dans la première époque, de très nombreuses voies ont été explorées de par le monde, cherchant de manière fortement compétitive à développer ce que nous appelons la configuration magnétique, c’est-à-dire cette «boîte» immatérielle chargée de confiner ce plasma extrêmement chaud, et dont tout le monde comprend qu’aucun mur matériel ne peut le contenir.

La configuration arrivée en tête de très loin dans cette compétition est la configuration tokamak, proposée par les chercheurs russes, et non détrônée jusqu’ici.

D’autres configurations ont été purement et simplement écartées, mais certaines voies alternatives ont été conservées et sont encore d’actualité. Si la configuration tokamak est arrivée en tête, cela ne signifie pas qu’elle est parfaite, ou idéale.

La seconde époque a consisté à définir les performances de la configuration tokamak, c’est-à-dire à établir les « lois-ingénieur » permettant d’extrapoler les résultats acquis en vue de la conception d’un réacteur.

Il est fondamental de comprendre ici, comme dans tout processus industriel, qu’établir des « lois ingénieur » ne nécessite pas la compréhension complète de la physique sous-jacente à un phénomène.

C’est ce qui s’est passé par exemple pour l’aéronautique : nos avions volent depuis plus de 100 ans, nos fusées vont sur la Lune depuis plus de 40 ans, mais la physique de la turbulence autour d’une aile d’avion,si elle est comprise dans ses grandes lignes, n’est toujours pas « résolue » complètement et fait encore l’objet de recherches. Les premières voitures ont été développées et commercialisées par des gens qui ne maîtrisaient pas la thermodynamique du moteur à explosions dans toute sa complexité. Le processus normal dans une recherche de ce type, dont on rappelle que la vocation n’est pas simplement la connaissance pour la connaissance, mais la connaissance pour répondre à un besoin et qui requiert le développement d’un équipement ou d’un procédé innovant intégrant de nombreux savoirs et savoir-faire, est toujours de combiner des informations expérimentales (on construit des prototypes, on les fait marcher, on mesure les paramètres d’études et on analyse les résultats pour modéliser le système en fonctionnement et donc le maîtriser), des informations théoriques (on s’interroge sur les processus physiques qui régissent le phénomène, on pose des équations, on les résout, et on les confronte aux résultats de l’expérience), mais également des « modèles ingénieurs », qui reproduisent les comportements de manière ad-hoc, et qui sont en général des lois simples avec des paramètres ajustés sur l’expérience. C’est l’itération constante entre ces activités qui permet une progression régulière vers le résultat.

Monsieur Petit fait un amalgame à ce niveau dans l’ensemble de son analyse, et s’il est vrai que la physique des plasmas est encore loin d’être comprise dans ses aspects les plus fondamentaux, il est totalement faux d’affirmer que cette connaissance est un prérequis au bon fonctionnement d’ITER.

C’est un peu trop vite ignorer, ou envisager de manière bien naïve, le processus complet qui sous-tend toute recherche appliquée. Par contre, évidemment, la communauté scientifique de la fusion ne relâche pas ses efforts de compréhension de fond, car elle est la clé ultime de l’optimisation d’un tel processus. Les développements de la simulation au meilleur niveau mondial, l’utilisation massive des moyens de calculs les plus avancés témoignent de cela s’il en était besoin. La France elle-même peut s’enorgueillir de mener cette recherche dans le peloton de tête mondial sur certains des fronts, dont celui des processus turbulents qui régissent le confinement du plasma, clé des performances, et la magnéto-hydro-dynamique (MHD) non linéaire, qui régit la stabilité du même plasma.

Monsieur Petit, qui se revendique ancien spécialiste de MHD lui-même, ne peut pas ne pas être au courant des progrès considérables des simulations MHD des plasmas de tokamak, dont certaines ont été conduites par Mr Cédric Reux dans la thèse si généreusement citée par Mr Petit lui-même.

Alors qu’en-est-il d’ITER et quel est son rôle exact ? S’il y a une idée qui a la vie dure quand on parle d’ITER, c’est bien celle qui consiste à amalgamer ce projet complexe et de taille imposante à la fin de l’histoire.

Avant de se poser la question de ce qu’est ITER, il faut bien comprendre ce qu’il n’est pas. ITER n’est pas un réacteur de fusion, pas plus à vocation commerciale qu’à vocation de prototype.

ITER est par contre une machine de recherche aboutie, fruit de la synthèse collective et complète des résultats de l’époque des pionniers qui, rappelons-le encore une fois, a validé la faisabilité scientifique de la fusion magnétique. Ces travaux auraient pu conclure par exemple que la physique demandait une « machine » de 100 mètres de diamètre, ou un champ magnétique incompatible avec ce qui est physiquement envisageable. Ce n’est pas le cas, et ce sont bien les lois d’échelles développées et testées avec la rigueur scientifique adéquate qui nous permettent de l’affirmer. Les résultats de JET à la fin des années 1990 ont en fait confirmé qu’en utilisant le mélange réel de deutérium et de tritium, on obtenait bien ce qu’on avait extrapolé à partir des résultats en deutérium pur. Mr Petit a raison quand il dit que la présence de tritium est indispensable à la production de la réaction de fusion, mais il a tort quand il insinue qu’on n’utilise pas le tritium parce qu’il est cher ou « dangereux ». Il n’y avait aucune raison valable de faire l’ensemble des développements et tests avec du tritium sur JET, alors qu’on sait extrapoler le comportement des plasmas de fusion (et dans ce cas à partir des grands principes de la mécanique quantique) à partir des plasmas de deutérium.

La question du tritium est essentiellement séparable du reste de la question de physique, et sa présence ne devient nécessaire que lorsqu’on passe à la « vraie grandeur », c’est justement un des premiers rôles d’ITER.

On a assigné à ITER, et depuis les années1990, des missions scientifiques précises, en lien avec des questions auxquelles il est prévu qu’il puisse répondre, ou des extrapolations qu’il est prévu qu’il puisse confirmer parce qu’il sera le premier à pouvoir les obtenir en vraie grandeur. Ces missions scientifiques sont essentiellement de trois types :

- Produire des plasmas de deutérium et de tritium pour lesquels l’énergie que dégage la réaction domine l’énergie nécessaire pour l’entretien du processus. On a fixé à environ 10 le facteur d’amplification souhaitée entre la puissance injectée pour déclencher la réaction et la puissance recueillie au sein du plasma. Pour obtenir ce résultat majeur, ITER devra non seulement confirmer que les extrapolations sont correctes, mais il contribuera également à fournir des résultats majeurs sur le comportement de tels plasmas, en matière de confinement et de stabilité.

- Produire des plasmas de deutérium et de tritium pour lesquels l’énergie que dégage la réaction contribue de manière significative à l’entretien du processus, et de surcroît dans des conditions de durée préfigurant le fonctionnement du réacteur, c’est-à-dire approchant ce que nous appelons la stationnarité. Cette seconde condition impose des contraintes supplémentaires sur le soutien du courant plasma lui-même par des systèmes de puissance additionnelle.

- Enfin, tester des régimes proches de ce qu’on appelle l’ignition, c’est-à-dire des régimes où l’on cherche à minimiser la puissance injectée totale, en vue de mieux cerner le point de fonctionnement d’un futur réacteur. En lien avec les missions scientifiques ci-dessus assignées à ITER, ITER marque également le début d’une nouvelle époque pour la fusion dans le sens où il doit également faire la démonstration de la faisabilité technologique du processus.

Cela veut dire en clair qu’ITER doit démontrer à terme que la fusion magnétique est ou n’est pas un procédé qui peut conduire à une filière de réacteurs nucléaires totalement différents de ceux existant actuellement.

Cet enjeu est pris avec le plus grand sérieux par tous les acteurs, qui jouent tous leur rôle respectif. L’équipe ITER est responsable de proposer une machine qui doit à terme remplir cette mission, ainsi que de proposer les protocoles expérimentaux qui, un à un, devront être validés par l’Autorité de Sureté Nucléaire, avant tout mise en service et toute introduction de Tritium dans la machine.

Comme évoqué ci-dessus, ITER peut fonctionner, et de fait il fonctionnera, sans Tritium jusqu’à ce que toutes les étapes aient été validées.

C’est la raison majeure pour laquelle le plan expérimental d’ITER prévoit à l’heure actuelle entre 5 et 7 ans d’opération avant l’introduction de Tritium.

Ensuite ITER procédera par étapes avec du Tritium jusqu’aux performances qui lui sont fixées. Lors de ce processus, l’ensemble des composants et des processus physiques seront à nouveaux testés, modélisés, et comparés aux prédictions, continuant ainsi la progression du processus, mais cette fois-ci de manière intégrée. Les résultats, s’ils sont ceux qui sont prévus aujourd’hui, permettront de valider la fusion magnétique comme un processus suffisamment mûr pour envisager la phase suivante de prototypage de réacteur (souvent appelé DEMO) avec en particulier des dimensions d’industrialisation et de rentabilité, qui sont absentes des missions d’ITER.

 

et voici ce texte, sous sa forme pdf

La page du site du CEA d'où émane ce document,

http://www-fusion-magnetique.cea.fr/en_savoir_plus/articles/disruptions

qui présente également sa traduction en langue anglaise.

 

Cette version anglaise en pdf

 

Première remarque, évoquant "la production d'extraits tronqués", les auteurs (anonymes) de ce document ont fait l'impasse sur ce texte, plus complet, qui était en ligne sur mon site depuis des mois et qui s'appuyait sur 880 lignes extraites de la thèse de Cédric Reux :

Mon dossier complet sur ITER ( 115 pages ) 1.6 Mo

En septembre 2011 s'est tenu à Princeton, Etats-Unis, un colloque consacré aux futurs tokamaks de grande puissance :

Princeron sept 20111

http://advprojects.pppl.gov/ROADMAPPING/presentations.asp

A ce colloque, le professeur Glen Wurden (20 années d'expérience sur les machines à fusion et les tokamaks ) :

a présenté une communication intitulée :

Wurden couverture

C'est à dire :

Examen des risques et des conséquences des disruptions dans le grands tokamaks

http://advprojects.pppl.gov/ROADMAPPING/presentations/MFE_POSTERS/WURDEN_Disruption_RiskPOSTER.pdf

Ses conclusions sont identiques aux miennes.

Pour télécharger la version française de ce pdf

Quand cette communication est sous forme d'un powerpoint, l'auteur avait inclus deux vidéos. La première était destinée à évoquer ce qui se passait lors de l'explosion d'une charge d'explosif. Voici la page 18 en question :

 

Wurden page 18

 

Lors de sa communication il faisait entendre le bruit produit par un kilo d'un explosif de haute puissance (disposé sous une tente bleue, dans l'image de gauche )

Voici cette même page, traduite en français, la flèche désigne l'image en question.

 

Wurden 18 fr

 

 

 

Pour visionner cette première vidéo

 

Lors d'une conversation téléphonique d'une heure et demi que nous avons eue, je lui ai dit que je souhaitais que les Français puissent prendre connaissance de ces vidéos, et il me les a aussitôt envoyées.

Plus loin, page 25, Wurden présente un film, pris à 2000 images/seconde, montrant les effets d'une avalanche d'électrons découplés sur la paroi du tokamak TFTR. Dans cet essai, l'intensité du courant plasma et de 1,6 million d'ampères. La disruption donne naissance à une décharge d'électrons découplés de 700.000 ampères. Ci-après, j'ai mis directement la page traduite en Français, en entourant en rouge l'image associée à cette seconde vidéo :

 

Wurden page 25

 

Pour visionner cette seconde vidéo.

 

Ces images déconcerteront peut être certains lecteurs. En fait, ce que montre ce film c'est une suite d'image en négatif, les parties sombres étant au contraire émettrices de lumière. Ci après j'ai extrait quelques images en réalisant une inversion noir/blanc.

 

On voit la pluie de débris qui résulte de l'explosion d'une plaque de revêtement sous l'effet de l'impact d'une dégelée d'électrons découplés, correspondant à 700.000 ampères. Ce phénomène, incontrôlable, peut frapper n'importe quelle partie de la chambre, y compris la partie de cette première paroi qui sera recouverte par 1 petit centimètre de béryllium (hautement toxique et cancérigène). Rappelez-vous que pour ITER le coefficient d'amplification par effet d'avalanche (calculé), transformant des électrons thermiques en électrons relativistes (dotés alors d'énergies allant de 10 à 30 MeV) est de 1016, contre 104 pour le JET et Tore Supra. Les intensités des disruptions sur ITER ont été évaluées à 11 millions d'ampères.

Dans l'article qui a provoqué les dix pages de réaction du CEA, reproduite en début de page, est évoquée une photographie prise dans la machine Tore-Supra. Le ton incite à penser que tout est aujourd'hui rentré dans l'ordre, sous contrôle. Pour info, ceci a été commenté dans un colloque qui s'est tenu en 2011. Confers l'extrait suivant :

 

Entre les images 1 à 2 on voit qu'il ne s'écoule qu'un demi millième de seconde (d'où la difficulté d'intervenir quand on est confronté à un phénomène aussi bref). L'impact de la décharge d'électrons découplés, relativistes (appelés runaway par les anglo-saxons) est visible dans le petit cercle rouge de la figure 1. C'est très concentré. Cet impact, ici sur des tuiles d'un composé CFC de carbone, provoque aussitôt l'arrachement et l'ionisation de ses atomes, qui envahissent la chambre. D'où cette image 3, complètement saturée de lumière émise. La figure 4 montre les fragments de carbone éjectés. Essayez d'imaginer cela avec du ... béryllium.

Source de ce document (Max Planck Institute)

Juste une remarque en passant. Si vous avez lu mon ou mes papiers sur les tokamaks, vous aurez vu que le champ magnétique qui s'efforce de contrôler les ions et les électrons possède des lignes de forces en forme de spirales peu enroulées (lignes blanches fléchées, sur fond de plasma, rouge).

 

Sans cette composante "poloïdale", créée par le courant plasma" ce champ ne spiralerait pas. Les lignes de force seraient de bêtes cercles (bleus).

 

Champ magnétique "toroïdal" ( lignes de champ bleues, bobines rouges )

 

Mais comme les bobines sont plus resserrées près de l'axe de la machine, le champ qu'elles créent dans cette région est plus intense. Or :

- Les plasmas fuient les régions où le champ magnétique est intense.

C'est sur cette base qu'on a eu l'idée de les confiner, parce que le champ était plus intense près des enroulement, qu'ils soient ou non supraconducteurs.

Deux forces s'opposent alors. Les forces de pression qui règnent dans le plasma, qui croissent avec sa densité et sa température, selon la relation

p = n k T

où p est la pression, n le nombre d'ions par unité de volume et T la température absolue. k, c'est la constante de Boltzmann, qui vaut

k = 1,38 10-23

On peut résumer cette histoire de confinement en invoquant une pression magnétique :

pression magnétique

Dans une chambre toroïdale, munie de bobine, le champ est plus intense près de l'axe, là où les spires sont plus resserrées. Alors la pression magnétique, plus forte, tend à chasser le plasma. Pas bon ....

En 1951 l'américain Lyman Spitzer (1914-1997), pionnier mondialement connu en matière de physique des plasmas, suggère aussitôt de tortiller la chambre en la faisant ressembler à un ruban spiralé.

 

Lymann Spitzer

L. Spitzer, décédé en 1997

Ainsi nait l'idée du Stellarator.

 

Le Stellarator

 

Tout le monde trouve ça terriblement compliqué (donc cher). Les chercheurs préfèrent se tourner vers une idée qui nous vient du froid, et que les russes ne révéleront qu'en 1958 : faire circuler dans le tore un courant plasma, circulaire, créé par induction, qui en ajoutant une composante au champ magnétique, permet de "faire tourner le plasma" comme avec une "cuillère électromagnétique". Ca paraît plus simple que ce cauchemar qu'est le Stellarator.

Mais c'est justement ce courant plasma (1,5 million d'ampères dans Tore Supra, 4,8 millions dans le JET et 15 dans ITER ) qui donne naissance aux disruptions. Ce courant rend tous les tokamaks foncièrement instables.

En matière de plasma, les instabilités naissent quand le champ magnétique est créé par un courant circulant dans le plasma (c'est le cas du Soleil, qui a aussi ses propres instabilités MHD, qui dégénèrent en l'analogue parfait des disruptions que sont les éruptions solaires.

 

 

éruption solaire 4

Eruption solaire

 

L'image ci-dessus est assez parlante. Bien que nous n'ayions pas une compréhension précise de ce qui se passe exactement sous la surface du Soleil, laquelle est à 6000°C, il y a lieu de penser que son "sous-sol" est constitué de "nouilles", de tubes de courants, dotés d'une géométrie compliquée. Imaginez une sphère qu'on aurait bourrée de chambre à air de bicyclette, plus ou moins gonflées. La pression de l'air dans ces chambres, c'est la pression-plasma. La pression magnétique, c'est la contre-pression exercée par les tensions qui règnent dans le caoutchouc de ces chambres-tubes de courant.

De temps en temps, la pression plasma qui règne dans une de ces "chambre à air" devient plus élevée que sa pression de confinement, magnétique. Alors celle-ci jaillit hors de la surface solaire, en formant une belle arche, visible ci-dessus. C'est de la MHD à 150 %. Ces arches s'épanouissent au delà de la surface du Soleil. Dans la partie sommitale, les lignes de champ magnétique sont moins serrées. Ce qui veut dire que le champ magnétique qui règne en haut de l'arche est moins élevé que celui qu'on trouvera en ses "pieds". Or on sait que les plasmas "fuient les régions où le champ magnétique est plus intense".

 

 

Ainsi les deux piliers de cette arche de plasma vont se comporter comme des accélérateurs de particules naturels, qui vont communiquer une forte vitesse ascendante aux ions et aux électrons, lesquels entreront en collision au sommet de l'arche. Cette vitesse acquise se transformera en vitesse d'agitation thermique, donc en pression. Cele-ci fera éclater le sommet de l'arche comme une hernie de chambre à air qui ne parvient plus à contenir la pression de l'air. .

L'arche se transformera alors en deux jets de plasma, crachant des ions et des électrons formant un milieu porté à une température allant de 3 à 10 millions de degrés. Ainsi s'explique la forte température de la couronne solaire, ainsi que la violente des tempêtes qui frappent la haute atmosphère terrestre, près des pôles magnétiques de la Terre, quand le Soleil fait une grosse colère.

 

En bas, à gauche, ce qui subsiste d'une arche-éruption solaire : un jet de haute énergie

 

Chez nous, les aurores boréales sont les effets physiques, dans la haute atmosphère des disruptions qui se produisent dans le Soleil, péridiquement, obéissant à des "lois-ingénieurs" (ce qui est une autre façon de dire qu'on ne sait pas comment ça marche)

 

 

Dans le Stellarator, pas de courant plasma, donc pas de disruptions ! L'idée reprend du poil de la bête. Le Japonais en ont construit un. Le Allemands finissent le leur (le Wendelstein 7X de Greiswald, à l'Institut Max Planck).

Regardez ses bobines, elles sont ... gauches :

 

aaa

50 bobines supraconductrices pour le Stellarator allemand.

 

Depuis que l'électricité a été inventée, on sait que quand on fait passer un courant dans une spire, elle est le siège de forces qui tendent à la faire éclater. Vous avez tous vu ça au lycée.

Dans les années soixante, dans mon labo, on fabriquait des bobines dans lesquelles passaient 54.000 ampères. Il fallait sacrément les brider, sinon on les retrouvait ... dans les murs ! (rappelez-vous qu'avant d'être théoricien, j'ai été expérimentateur. A ceux qui objecteraient que cette expérience est bien lointaine, je rappellerai que ma dernière communication, dans un grand colloque international de MHD, à Jeju, en Corée, date de septembre 2010. Un travail fait ... dans un garage).

Les bobines de la machine Tore Supra sont de simples cercles, donc les problèmes de résistance des matériaux sont ipso facto minimisés.

 

La chambre de Tore Supra, de section circulaire

 

Les bobines du JET on la forme de la lettre " D ". Mais elles se situent dans un plan. Ceci étant, il faut quand même bien les brider, car les forces qui sont liées à un champ de 5,38 teslas sont considérables.

Les bobines du Stellarator allemand, gauches, posent des problèmes de tenue mécanique. Donc celles-ci ne produiront que 3 teslas seulement (ce qui donnera une pression magnétique, de confinement, 3 fois plus faible que dans le JET). Dans une chambre toroïdale, pour confiner le plasma, il faut viser un rapport pression magnétique sur pression plasma de l'ordre de 10. Si on perd un facteur 3, on sera du même coup limités en pression plasma, donc en densité et en température. Le volume de la champ du Stellarator allemand reste modeste : 30 mètres cubes , contre 100 mètres cubes pour le JET et 850 pour ITER.

 

La documentation disponible sur ce Stellarator allemand :

Diamètre : 16 m

Hauteur : 5 m

Diamètre moyen du cordon de plasma : 5,5 m

Champ : 3 teslas

Temps de fonctionnement : jusqu'à 30 minutes

Systèmes de chauffage : micro-ondes, injection de neutres, Radio-fréquences

Nombre d'ouvertures pour des mesures : 250

Volume du plasma : 30 mètres cubes

Contenu : de 0,005 à 0,03 gr

L'absence de courant plasma prémunit le Stellarator des disruptions.

 

Plus gauche, tu meurs....

 

Une section de la chambre du Stellerator Wendelstein 7X allemand

 

Dispositif destiné à contenir les forces d'éclatement des bobines supreconductrices
Bonjour la complexité technologique !

 

Le tokamak est-il sauvable, en tant que machine pouvant un jour permettre à l'homme d'exploiter l'énergie de fusion ? Certains en doutent. Beaucoup, même, à dire vrai. Le doute s'installe, fait tache d'huile. Ces fichues disruptions pourrissent la vie des chercheurs depuis des .. décennies ! Regardez la dernière planche de l'exposé de Wurden :

 

 

La traduction française est fiable. Tout est résumé dans cette page. On y trouve la crainte que l'échec des gros tokamaks (donc d'ITER) n'apporte un discrédit sur la recherche d'énergie par fusion. Et puis, à la dernière ligne on voit que Wurden, qui collabore avec les Allemands en tant que conseiller, garde un oeil sur le Stellerator.

Est-ce la solution ? Bien malin qui pourrait le dire. Dans un "Stellarator géant", où on pourrait créer la fusion, rechercher des conditions de burning plasma, sans disruptions, il subsisterait le problème, non résolu, de la résistance de la première paroi au flux de neutrons à 14 MeV. Problème qu'il aurait fallu de longue date attaquer avec une installation IFMIF, restée... dans les cartons.

 

 

Petite digression sur la fusion aneutronique 11Bore + 1H, Bore hydrogène.

Propriétés : cette réaction donne 3 hélium ("noyaux alpha") et pas de neutrons, ou très peu, à travers des réactions secondaires. Température minimale de déclenchement de cette réaction : un milliard de degrés (100keV, diraient les physiciens des hautes énergies, un kilo-électron-volt équivalant à 10.400°K).

Jusqu'en 2005 cette idée relevait de la pure fiction. Mais à cette date des températures de plus de trois milliards de degrés furent enregistrée à Sandia, Nouveau Mexique.

Des valeurs immédiatement mises en doute par quelques polytechniciens de service. Philippe Ghendih, directeur scientifique à l'IRFM, "monsieur plasma" au CNRS, dit "en avoir vaguement entendu parler", et Bernard Bigot, Administrateur Général du CEA, ne doit sans doute même pas savoir que ce truc existe. Idem pour le nucléo-député Christian Bataille.

Se référer à la communication de Malcom Haines au colloque de Biarritz, juin 2011, sur les Z-pinches (auquel j'ai assisté) :

La communication de Haines à Biarritz, juin 2011

Un tableau, extrait de cette communication :

Comme on peut le voir, Haines a confirmé, devant un gratin de spécialistes, cette température de "plus de deux milliards de degrés" : titre de sa communication de 2006 dans Physical Review Letters ).

On sait que dès 2007 les Américains ont poussé l'intensité de leur Z-machine, devenue ZR ( Z refurbished ) de 18 à 26 millions d'ampères. Or d'après l'équation de Bennett, la température ionique doit croître comme le carré de l'intensité électrique. Dans un mail récent (janvier 2011), Haines confirme ce que je pense :

I did not discuss the projected Russian Z-pinch with Valentin Smirnov.  However, provided the equipartition time is much greater than the Alfven transit time the ion viscosity and ion temperature are dominant.  This does not give maximum radiation of course but will give the highest ion temperatures.  So at 26MA and the same line density I would expect that the ion temperature would be 1.7 times the previous value that we obtained of 200-300keV.

Haines me dit qu'il n'a pas discuté avec Valentin Smirnov, directeur du département de fusion à l'Institut Kutchatov de Moscou au sujet du projet russe. Il me confirme ce qu'il m'avait dit à Biarritz, à savoir qu'avec leur 26 millions d'ampères, les Américains devraient avoir atteint 500 keV, soit cinq milliards de degrés.

Dans cette logique les Russes, qui construisent (communication personnelle de Smirnov) un engin développant 50 millions d'ampères, en 150 nanosecondes, avec un "liner sphérique" (inventé par le Russe Zakharov) et une source primaire d'énergie sous la forme d'un explosif solide, devraient logiquement atteindre les 18 milliards de degrés.

On trouve dans Wikipedia une page sur la fusion aneutronique. Le papier mentionne que l'énergie produite peut alors faire l'objet d'une conversion directe, par induction, comme je l'avais signalé dès 2006 (j'aimerais bien jeter un coup d'oeil au papier de Miley, de 1993, sur ce sujet, cité dans la page).

Dans la page consacrée à la fusion nucléaire on trouve une planche qui donne en particulier le rapport de la puissance produite par des réactions de fusion, comparée à la perte par rayonnement (bremsstrahlung). Ce rapport est très avantageux pour la détaction deutérium-tritium. Le tableau indique la température minimale à atteindre : 300 keV pour le Bore-Hydrogène, très largement dépassée dans les Z-pinches. Mais un rapport Puissance fusion/Puissance perdue par rayonnement, inférieur à l'unité (0,57) semble a priori condamner cette filière.

brem

Mais ces résultats de calculs correspondent à une égalité des températures ioniques et électroniques. Dans une Z-machine la température ionique est plus de deux cent fois supérieure à la température électronique. La perte par Bremsstrahlung croît comme la racine carrée de la température électronique (comme la vitesse de l'électron). On doit alors multiplier 0,57 par racine de 227, soit un facteur 15. Le facteur puissance produite par fusion sur pertes remonterait alors à 8,58.

Pourquoi un tel état "d'hors équilibre inverse" ? Parce que lors de l'implosion des fils, les ions et les électrons acquièrent des vitesses identiques ( 600 km/s ). Ces énergies cinétiques sont transformées en énergie d'agitation thermique. Ces thermalisations sont très rapides (moins d'une nanoseconde pour le gaz d'ions, un peu plus pour les électrons). Mais le temps caractéristique d'équipartition des énergies, de convergence vers l'équilibre thermodynamique est beaucoup plus long (voir le papier de Haines de 2006).

Simple remarque : Il serait bien que ces précisions soient apportées dans cette page de Wikipedia. Quelqu'un devra le faire à ma place. En effet je ne puis le faire, ayant été banni à vie par un groupe de quelques administrateurs anonymes, en 2005. Motif : avoir révélé l'identité d'un certain Yacine Jolivet, physicien théoricien, doctorant à Normale Sup, qui disait bêtise sur bêtise. Je lui avais proposé une explication mano à mano, dans son labo. Mais, ce faisant, je lui avais arraché son masque, ce qui, dans le fonctionnement de Wikipedia, constitue un crime imprescriptible. Depuis, son doctorat sur les supercordes en poche, Dolivet est parti travailler dans une banque. J'espère que dans cette banque il travaille sous son vrai nom.

Il y aurait donc une filière possible, qui mériterait d'être étudiée. Et puisque la "Cité de l'Energie", implantée à Cadarache, dans le polygone contenant ITER semble se présenter comme ouverte à toutes les solutions possibles (voir plus loin), pourquoi ne pas y construire une Z-machine ? (coût : le centième d'ITER). Je pourrais trouver des senior researchers capables de monter un tel projet, en piochant dans la communauté des gens des plasmas chauds, chez ceux qui n'ont pas adhéré aveuglément à une Chimère nommée ITER.

Dans la presse scientifique, des articles paraissent. On a déjà vu apparaître, le 24 octobre, dans le site du CEA, un page intitulée " zoom sur les disruptions ". Avec cette photo, prise dans la machine Tore Supra :

 

 

L'auteur de l'article oublie de dire :

- Que ce gaz rare, subissant la violente réaction d'une surface résonante" du plasma, s'ionise, ce qui lui interdit de pénétrer plus avant Il ne faut pas être sorti de Grandes Ecoles pour le voir.

- Que ces manips sont effectuées sur un plasma sain, et non sur une disruption qui se serait spontanément développée.

- Comme une fuite crée automatiquement une disruption, l'injection de gaz la crée, puis est censée atténuer ses effets.

Des travaux que le CEA qualifie " d'encourageants" (voir le texte de la réponse faite à mes écrits).

De temps en temps des lecteurs me sollicitent, en désignant quelque "nouvel" apport. Il y a quelques mois les Coréens s'efforçaient de maîtriser les "instabilités de bord" en contrariant les fluctuations locales du champ magnétique à l'aide de bobines. Au résultat : une idée qui n'est d'ailleurs pas neuve et ne donne pas grand chose.

Plus récemment c'est la revue Nature qui explique comment agir sur le plasma d'un tokamak en agissant dans le "phase space", dans l'espace à six dimensions (position plus vitesse).

Impressionnant. Mais, pour qui sait lire, rien de bien intéressant. La publication d'un travail de thèse, sans plus. Grâce à cette méthode on arrive à modifier la fréquence des "instabilités en dents de scie". Mais on ne les fait pas disparaître.

Je vais donner la reproduction de la lettre recommandée que j'ai adressée à Bernard Bigot, administrateur Général du CEA. Il faut bien s'adresser à lui, puisque les auteurs du texte où on dénonce ma malhonnêteté intellectuelle préfèrent rester à couvert. Je demande donc à Monsieur Bigot d'exercer un légitime droit de réponse en publiant ce courrier dans le site du CEA, à la suite des dix pages où de courageux anonymes concluent que "je me discrédite ipso facto du débat scientifique et sociétal".

 

 


Jean-Pierre Petit
Ancien Directeur de Recherche au CNRS                                                      Pertuis, le 17 janvier 2012

                                                                                                                    A M. Bernard Bigot
                                                                                                                    Administrateur Général du CEA
                                                                                                                    CEA, Saclay 91191 Gif sur Yvette

Recommandé avec AR.

 

Monsieur l’Administrateur Général,

Suite à la mise en ligne, le 17 novembre 2011, sur le site du CEA, d’un document intitulé, je cite :

Réaction au papier « ITER, Chronique d’une faillite annoncée », de monsieur Jean-Pierre Petit, paru le 12 novembre 2011 dans la revue Nexus, préparé par le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives".

Un contact a été tenté, en vain, en direction du service de la communication du CEA, afin de connaître l’auteur de ce texte. Il fut répondu en substance « que celui-ci émanait, non d’un auteur unique, mais d’un groupe, dont aucun des membres ne souhaitait communiquer son nom, ni débattre avec moi ».

Dans ce texte figurent des phrases comme :

Nous sommes affligés de la légèreté avec laquelle des informations scientifiques publiées dans des revues de renommée internationale, leurs auteurs, mais également les lecteurs de l’article lui-même, y sont manipulés à des fins étrangères à la recherche et aux progrès des connaissances.
Par un tel comportement intellectuellement malhonnête, Mr J.P.Petit se disqualifie lui-même ipso-facto du débat, qu’ils soit scientifique ou sociétal .

Depuis que j’exerce le métier de chercheur, ce que je continue à faire depuis plus de quarante années, en dépit de mon départ en retraite, comme en témoignent mes dernières communications scientifiques et publications dans des revues scientifiques spécialisées, à comité de lecture, de 2008, 2009, 2010, pour des travaux qui ne sont pas ceux d’un amateur, je n’avais jamais été taxé, de manière aussi insultante, de malhonnêteté scientifique.

J’ai donc voulu connaître l’auteur de tels propos, afin d’en débattre avec lui, sous le regard d’une caméra vidéo maniée par un journaliste, afin que ce même débat, exempt de toute coupure et commentaire, avec un temps de parole équilibré, puisse être porté à la connaissance de tous, qu’il s’agisse du public ou de collègues scientifiques, ou de politiques-décideurs, lesquels auraient indifféremment pu avoir accès à ce document, de par sa mise en ligne immédiate sur Internet et, sur cette base, formuler leur propre jugement.

Quand des accusations ad hominem aussi graves sont formulées, leur auteur (ou leurs auteurs, puisqu’on me dit qu’il s’agit d’un groupe émanant du CEA) ne sauraient s’abriter derrière un prudent anonymat. Les choses doivent être tirées au clair, publiquement, en vertu du sens le plus élémentaire de la justice, et du sain fonctionnement d’une démocratie, qui ne saurait se contenter de simples arguments d’autorité. Une telle dérobade n’est pas seulement synonyme d’arrogance. Elle peut aussi trahir le peu de sûreté d’eux-mêmes et le manque de compétence des personnes concernées.

Il se trouve que l’article à propos duquel les auteurs anonymes ont développé une critique bilingue sur dix pages n’est que la version très abrégée d’un article de 115 pages mis en ligne sur mon site, où 880 lignes extraites de la thèse de Cédric Reux avaient été reproduites, c’est-à-dire le tiers de sa thèse, représentant ses passages les plus significatifs.

Je tiens à préciser qu’avant de mettre cet article en ligne, j’avais vainement tenté d’entrer en contact avec Monsieur Reux, par mail, tout en le félicitant au passage pour la qualité de son travail.

Cette thèse signalait la dangerosité du phénomène des disruptions dans les tokamaks de forte puissance à venir, tel ITER. Mon article de 115 pages comportait également des extraits d’une autre thèse, celle de l’Anglais Andrew Thornton, soutenue en janvier 2011, qui parvenait à des conclusions en tous points identiques.

A titre illustratif voici ci-après deux extraits de la thèse de Cédric Reux :

Page V :

« Les disruptions des plasmas de tokamak sont des phénomènes menant à la perte totale du confinement du plasma en quelques millisecondes. Elles peuvent provoquer des dégâts considérables sur les structures des machines, par des dépôts thermiques localisés, des forces de Laplace dans les structures et par la génération d’électrons de haute énergie dits découplés pouvant perforer les éléments internes. Leur évitement n’étant pas toujours possible, il apparaît nécessaire d’amoindrir leur conséquences, tout spécialement pour les futurs tokamaks dont la densité de puissance sera un de un à deux ordres de grandeurs plus importante quand dans les machines actuelles ».

et page 165 :

« Afin d’opérer les futurs tokamaks dans de bonnes conditions de fiabilité, sûreté, sécurité et performance, il apparaît de plus en plus nécessaire de maîtriser les disruptions du plasma. Ces phénomènes violents correspondant à une perte du confinement du plasma sont à l’origine de trois types d’effets néfastes. Les effets électromagnétiques, comprenant les courants induits, les courants de halo et les forces de Laplace qui en résultent peuvent endommager l’enceinte à vide du tokamak et arracher des éléments de structure. Les effets thermiques provoqués par la perte de l’énergie contenue dans le plasma sont susceptibles de provoquer des dégâts irréversibles sur les éléments de paroi au contact avec le plasma. Enfin, des faisceaux d’électrons relativistes accélérés pendant la disruption peuvent perforer l’enceinte à vide ».

et un extrait de la thèse d’Andrew Thornton, page 14 :

« The consequences of disruptions in the next generation of tokamaks are severe, the consequences of a disruption in a power plant tokamak would be catastrophic. »

Après avoir pris connaissance de ce document de 115 pages la députée européenne Michèle Rivasi me demanda d’en extraire une version plus concise, à l’attention des 124 membres de la Commission Information Technique Recherche Energie du Parlement européen, ce que je fis.

Averti de la mise en circulation de ce texte au sein de cette commission, Monsieur Cédric Reux lui adressa alors une lettre où il protestait avec vigueur contre ce qu’il considérait comme un détournement malveillant de ses écrits et conclusions, à des fins partisanes, à travers une production d’extraits tronqués à dessein.

Au passage je signalerai que ce sont « les anonymes du CEA » qui ont utilisé cette technique, dans leur texte, toujours en ligne sur leur site, à travers la mention d’un soi-disant extrait de l’article de Nexus, je cite :

p.91 : Tous les tokamaks du monde, y compris Tore Supra et JET, sont devenus soudain ingérables sous l’effet de causes extrêmement variées.

Cette citation a été délibérément tronquée pour dissimuler qu’ITER sera inévitablement un jour le siège d’une disruption majeure, par détachement de poussières à la paroi ou entrée de gaz consécutive à un défaut d’étanchéité. Ci-après, le texte complet, non tronqué :

p. 91 : Tous les tokamaks du monde, y compris Tore Supra et le JET, sont maintes fois devenus totalement ingérables, sous l’effet de causes extrêmement variées, allant du détachement de poussières à la paroi, à l’entrée de gaz froid consécutive à un manque d’étanchéité de l’enceinte. Toutes les machines présentes et à venir ont connu et connaîtront le phénomène de « disruption ».

J’ai souligné le passage omis, qui modifie totalement le sens de la phrase.

Revenons à Monsieur Cédric Reux. En même temps que celui-ci adressait une vive protestation à Madame Rivasi, il demanda à être reçu par elle. Celle-ci accepta de le recevoir, à la date proposée par lui, le 16 novembre 2011, à condition que cette rencontre ait lieu en ma présence et que celle-ci puisse être filmée par un journaliste, sans que celui-ci ne pose de questions, ni n’oriente le débat. Le document vidéo aurait été ensuite mis sur Internet, sans coupure ni montage, dans son site Enquête et Débat.

Je suppose que c’est à cette même période qu’un groupe du CEA prépara le texte mis en ligne sur son site, le 17 novembre 2011, sur la base du document restreint, sans avoir visiblement pris connaissance du texte intégral, à partir duquel il aurait été difficile d’évoquer une manipulation par production d’extraits tronqués, étant donné l’abondance et la continuité du matériel présenté.

Vous avez ensuite adressé une lettre à Madame Rivasi en précisant que vous ne souhaitiez pas que Monsieur Reux me rencontre, seul, et vous avez alors proposé que celui-ci vienne accompagné par vous et par Monsieur Alain Bécoulet, que vous présentiez comme un spécialiste d’ITER.

Madame Rivasi a accepté et fixé le lieu de la rencontre dans une salle mise à disposition des parlementaires par l’Assemblée nationale, boulevard Saint Germain.

Madame Rivasi, le journaliste et moi-même avons vainement attendu votre venue en cette soirée du 16 novembre, où vous avez de facto tous trois simplement déclaré forfait, sans avoir la courtoisie de passer le moindre appel. Par contre le lendemain paraissait ce long texte de dix pages sur le site du CEA, sans signataires.

Que faut-il conclure ?

Que ce projet ITER manque de clarté, que sa gestion au plan français, et même international, semble bien confuse. Si les auteurs anonymes du document mis en ligne par le CEA sur son site le 17 novembre 2011 avaient pris connaissance de l’article complet, ils y auraient trouvé aussitôt les réfutations de tous leurs arguments, sous la forme de longs extraits des thèses de Reux et Thornton (qui figuraient dans le document de 115 pages, présent sur mon site internet).

Par exemple, en contradiction avec la confiance que ces gens semblent fonder sur les simulations numériques, je citerai ce passage de la thèse de Monsieur Reux (qu’ils n’ont peut-être au passage pas lue) :

page 20 :

« Sachant qu’un plasma de tokamak est composé en moyenne de 1020 à 1022 particules, chacune pouvant interagir avec toutes les autres, il paraît difficile de pouvoir résoudre un tel système, même en tenant compte de l’augmentation des capacités de calcul des supercalculateurs. »

A propos des déformations des éléments internes, voir la thèse de Reux page 59, je cite encore :

« Il apparaît donc nécessaire de développer une méthode permettant de réduire ces forces verticales pouvant amener à des déformations intolérables de l’enceinte à vide ».

etc., etc.

Les auteurs anonymes me reprochent mon ignorance des nombreux articles et communications ayant trait aux tokamaks. Je leur retournerai le compliment en évoquant une récente communication, De G.A.Wurden, intitulée :

Dealing with the Risks and Consequence of Disruptions in Large Tokamaks

« Examen des risques et des conséquences des disruptions dans les grands tokamaks » au colloque qui s’est tenu les 16-17 septembre 2011 à Princeton, USA, dont le thème était « La feuille de route pouvant mener à la production d’énergie par fusion magnétique, à l’ère ITER ».

Dans sa planche 4 on voit que sa position rejoint celles de Reux, de Thornton et de tant d’autres :

4). We can’t yet simulate it even on the world’s biggest, fastest computers.

Quelqu’un qui comparerait le contenu de sa présentation et celui du résumé que j’ai fourni à Madame Rivasi ne pourrait que constater que les conclusions sont en tous points identiques. A moins que Monsieur G.A.Wurden ne dût être, lui aussi, taxé de malhonnêteté scientifique ou, comme l’a suggéré Monsieur Philippe Ghendrih, directeur de recherche à l’Institut de Recherche sur la Fusion Magnétique, à mon égard, n’ait également besoin de l’assistance d’un service psychiatrique.

Il y a un dernier point que je tiens à souligner. Dans le texte du 17 novembre, les anonymes ont écrit :

C’est vraiment mal connaître ce que sont les autorités de sûreté nucléaire des 7 partenaires d’ITER (Japon, Corée du Sud, Inde, Chine, Etats Unis, Fédération de Russie, Union européenne) et de la France que de penser un seul instant qu’elles auraient pu n’en jamais faire mention, si ces disruptions étaient aussi dangereuses que Mr Petit le fantasme. Sa phrase malveillante vise à laisser à penser que les disruptions ont été cachées aux diverses instances d’évaluation. Il n’en est naturellement rien. Les disruptions sont largement commentées dans la littérature, en particulier plus de 35 pages leur sont consacrées dans le « ITER Physics Basis », publié dans le journal Nuclear Fusion en 2007 (complétant le rapport initial de 1999).

Je mets au défi quiconque de trouver, en France un politique, un décideur, un journaliste scientifique qui, antérieurement à la publication de mes articles, ait entendu parler du mot disruption ou l’aurait lu quelque part avant que ne paraisse mon article sur le sujet. Les documents scientifiques auxquels ces anonymes se réfèrent restent à ce jour inaccessibles, sauf à des spécialistes en poste dans des laboratoires.

Ce n’est que le 24 octobre 2011 qu’on a vu apparaître sur le site du CEA un nouvelle page « Zoom sur les disruptions », document visiblement positionné dans la précipitation. S’appuyant sur la thèse de Cédric Reux, son auteur, toujours anonyme, oublie à dessein de mentionner que de tels essais ont été effectués, non sur une disruption se déclenchant par elle-même, mais sur un plasma sain. Confer cet extrait de la thèse de Reux, page 168 :

« Du point de vue expérimental, les injections n’ont été réalisées que sur des plasmas sains, et n’ont pratiquement pas été testées sur des plasmas déjà pré-disruptifs ».

Ce qui équivaut à tester l’efficacité d’une lance sur un « non-incendie ».

Par simple coup d’œil à la photo présentée, l’auteur du texte sait-il que celle-ci traduit l’impossibilité pour le gaz froid injecté de franchir la barrière immédiatement dressée par une « surface résonnante », en ionisant celui-ci. S’agit-il d’un fait, qui pourtant saute aux yeux, passé sous silence, ou de la simple incompétence de l’auteur de ces lignes ?

En revenant sur le texte du 17 novembre 2011, l’idée prônée par nos anonymes, de fonder une expérience problématique et potentiellement dangereuse, sur la base de « lois ingénieur » (alias « recettes de cuisine »), la dénégation du prérequis de la connaissance des aspects fondamentaux pour lancer un projet aussi coûteux et aléatoire, ont quelque chose de choquant, d’irresponsable et, disons-le, de pathétique.

La dissimulation des problèmes se poursuit. Témoin la présentation du projet ITER effectuée le 17 novembre 2011 à l’Assemblée Nationale par monsieur Paul Garin, d’ITER France, qui fait l’impasse sur cet écueil majeur, connu de tous les spécialistes depuis des décennies. Mais le connaît-il ? On peut en douter en l’écoutant développer un discours, produit en l’absence de tout contradicteur, qui tient plus de la propagande que d’un propos de scientifique.

La vérité est que le brillant succès du JET, avec une seconde d’énergie de fusion produite, ainsi que le succès de l’expérience Tore-Supra, en tant que maintien d’un plasma non thermonucléaire pendant un temps de six minutes, à l’aide de dispositifs supraconducteurs et d’un système d’entretien du courant plasma, ont créé un emballement totalement prématuré pour cette formule, dont les problèmes fondamentaux étaient parfaitement connus, de longue date.

Je renvoie aux conclusions de la communication de G.A.Wurden, déjà mentionnée plus haut., consacrée à ITER. Je rappelle qu’en conclusion il insiste sur le fait que le plasma des tokamaks n’est pas contrôlé à 100% et qu’une campagne intensive d’essais sur les machines existantes, ou en voie d’achèvement rapide, devrait être entreprise avant ITER.

Sa communication, planche 28 :

- We must demonstrate control of high energy tokamak plasmas before ITER

Sa communication, page 32 :

- Where is the best to study tokamak disruptions … not ITER !

Par ailleurs, toutes les méthodes visant à assurer un contrôle actif du plasma (Corée, Angleterre) ne sont qu’au stade de projets et, bien que présentées à son de trompe dans la presse comme des avancées, ne sont nullement opérationnelles à ce jour.

S’il est logique de vouloir poursuivre des recherches à caractère fondamental, il était déraisonnable de faire passer un projet de cette nature pour le prélude à des réalisations à caractère industriel, s’étendant jusqu’à la fin du siècle.

Mais, chevauchant les rêves de politiques, les designers se sont pourtant mis à l’ouvrage. Les plans d’ITER ont été dressés il y a plus de dix années, à grands frais, dans leur totalité, en s’appuyant par exemple sur des solutions technologiques (une première paroi à base de carbone) qui ont dû être abandonnées en cours de route et remplacées par des choix infiniment plus dangereux (le béryllium, toxique et cancérigène).

L’engin a été entièrement dessiné, alors qu’on ne disposait pas de données valables sur la tenue des matériaux vis-à-vis de l’abrasion, de l’effet des chocs thermiques et de leur résistance à l’irradiation par les neutrons de fusion (14 MeV), sept fois plus énergétiques que ceux générés par la fission. Tout cela au mépris d’avertissements lancés par deux prix Nobel français, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, et par le prix Nobel Japonais Masaroshi Koshiba, ce dernier n’hésitant pas à déclarer, dès 2004 :

- Ce projet n’est plus entre les mains des scientifiques, mais dans celles des hommes politiques et des hommes d’affaires .

Les problèmes liés aux disruptions qui, visiblement, ne sont pas près d’être maîtrisés, ont été sous-estimés, soit délibérément, soit par simple légèreté, soit tout bêtement par incompétence. Aucun industriel n’envisagerait de lancer une entreprise aussi vaste et ambitieuse en lisant cette phrase extraite du commentaire du CEA du 17 novembre 2011, se référant à l’effort de les contrôler :

- Les résultats actuels sont encourageants, et on peut raisonnablement penser qu’une, ou même plusieurs de ces méthodes innovantes, au delà de celles disponibles, seront au point en 2019-2020 pour le premier plasma d’hydrogène, et à plus forte raison en 2026 avec le premier plasma de deutérium.

Je ne tiendrai pas ici des propos aussi insultants que ceux qu’a tenu à mon égard Monsieur Philippe Ghendrih, directeur de recherche à l’IRFM, ou ceux toujours présents dans la mise au point publiée par le CEA dans son site, le 17 novembre 2011. En m’appuyant sur le contenu de la communication de G.A.Wurden, dont les recommandations sont en tous points identiques aux miennes, je conclurai simplement, avec plus de sobriété, par une simple phrase,

Le projet ITER n’est pas raisonnable.

Veuillez agrée, Monsieur l’Administrateur Général, l’expression de mes distingués sentiments, et faire procéder à la mise en ligne ce texte, de même que sa traduction anglais, sur le site du CEA , à la suite du texte insultant mis en place par celui-ci le 17 novembre 2011, et cela au titre d’un légitime droit de réponse.

Jean-Pierre Petit

 

 

28 juin 2012 :

Pas de réponse de Bernard Bigot à mon courrier, adressé en recommandé avec accusé de réception.



 

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