90 % de la matière grise reste invisible !

17 mars 2004

L'astrophysique est peut-être une science trop sérieuse pour être confiée aux astrophysiciens

Première partie

 

Une réponse imprévue.

Vingt cinq mars, 11 place, place Marcellin Berthelot. Le Collège de France a été complètement rénové. C'est aussi beau que le Louvre.

Narlikar, un indien président de l'IAU, ami de longue date de Jean-Claude Pecker, est très sympathique. On a le même âge. C'est un ancien élève de Fred Hoyle. Je sais que pendant un temps ils avaient émis l'idée que les constantes de la physique pourraient varier d'un endroit de l'univers à l'autre. Ils voulaient expliquer grâce à cela les "red shifts anormaux", le fait qu'on trouve des déviations tout à fait "anormales" vis à vis de la loi de Hubble. Je sais qu'ils avaient vu juste, mais qu'à l'époque ils n'avaient pas les moyens théoriques pour aborder ce problème, à travers "des fluctuations conjointes des métriques".

Pecker sait que je compte, à l'occasion de cette conférence, parler de cela à son ami.

Le contact est très agréable. Narlikar est un homme fin, plein d'humour. Nous parlons anglais. J'imagine un instant la rencontre entre Souriau et lui, quelques semaines plus tôt. Jean-Marie ne parle pas l'anglais, pas un traître mot. Quant à Narlikar il doit connaître quelques phrases-clés, comment indiquer une adresse à un chauffeur de taxi, dire trois mots à une secrétaire. Heureusement j'arrive à me débrouiller dans la langue de Shakespeare. Nous conversons pendant deux heures. Narlikar est intéressé. A la fin, je tente le coup.

- J'ai pensé ... aux idées que vous aviez agitées jadis, avec Fred Hoyle, sur cette variation des constantes de la physique.
- Oh, c'était spéculatif.....
- Non, vous aviez raison. Je sais comment procéder. On pourrait peut-être collaborer, publier.

Narlikar sourit (je mets sa réponse en Anglais, avec la traduction) :

- My dear colleague, I am also on the black list (mon cher collègue, je suis aussi sur la liste noire). I have recently sent a paper to a peer reviewed journal. I received 43 questions. The letter with the questions was longer than the paper itself. So, I gave up ( J'ai envoyé récemment un article à une revue à comoté de lecture. J'ai reçu en retour une liste de 43 questions. Cette liste était plus longue... que le papier lui-même. Alors j'ai laissé tomber).

- Then, everything if hopeless..... (alors, il n'y a plus d'espoir).


Publier

J'avoue que je reste un peu abasourdi. J'avais envisagé toutes les réponses possibles, sauf celle-là. Je sais que ma vie à des côté "roman", mais là vient de s'écrire un chapitre particulièrement imprévu. Même le président de l'IAU, de l'International Astronomical Union, a donc des difficultés à publier, alors qu'il se publie des kilomètres d'âneries chaque jour. Mais Souriau a les mêmes problèmes. Le public ignore que la science, dans l'après-guerre, est passée sous le contrôle de bandes anonymes. Comment identifier ces gens ? C'est assez simple. Regardez ceux qui publient beaucoup, avec facilité, des choses assez creuses. Eux-mêmes sont "referees", experts. Les journaux de publication, avec leur comité de sélection, ne sont en fait que des émanations de lobbies scientifiques occultes. Des gens se groupent, décident de constituer un journal, de créer une revue. Celle-ci est gérée par un "editorial board", qui nomme en principe de directeur de la revue. Prenez un exemple, en France. James Lequeux a été à l'origine de la création de la revue "Astronomy and Astrophysics", une revue "à vocation Européenne". Le Cnrs, des ministères ont filé des sous. Des scientifiques se sont "regroupés". Les travaux publiés nez sont pas nuls, non. Mais ils ne sont que l'expression d'un certain lobby scientifique, dont Lequeux s'est fait le "garant". Une attitude qui va parfois jusqu'au cynisme et la malhonnêteté. Mais on ne peut rien faire. Le système est verrouillé. C'est pour cela, comme le dit souvent Souriau "que la science s'enfonce dans une moderne scholastique".

Qui sont les "referees" des revues de publication scientifique ? En principe leur anonymat leur assure "une indépendance de pensée". Dans la pratique ceci leur permet de faire barrage à toute idée qui mettrait en danger les thèses de leur propre école. Tous les referees sont des chercheurs, sans exception, on a tendance à l'oublier. Ces gens ne sont pas rétribués pour ce travail. Bien sûr, ils ne reçoivent pas chaque jour que des travaux charpentés. N'importe qui peut envoyer n'importe quoi à n'importe quelle revue. Il y a donc des "filtreurs". Ce sont des gens qui lisent les articles en diagonales. Temps consacré à cette première exploration d'un article : en moyenne cinq, dix minutes. Critères d'analyse :

- Ce type fait-il partie de ma bande ? Son travail conforte-t-il les thèses que nous défendons ? (par exemple, à l'époque actuelle le dogme de l'existence d'une matière sombre). Est-il connu ? Hmmm... un français ! Il n'y a jamais eu de contributions marquantes, venant de France, en matière de cosmologie. Ca doit être une connerie de plus ...

Il parcourt les pages, distraitement. C'est bourré de tenseurs. Ah, il y a des groupes....

Il traverse le couloir et frappe à la porte du bâtiment d'en face, chez un ami physicien théoricien.

- Dis-donc, Mike, l'action coadjointe d'un groupe sur son espace des moments, ça te dit quelque chose?
- Jamais entendu parler....
- Bon, alors mon impression première était la bonne.

Il revient dans son bureau et charge à partir de son disque dur le réponse-type :

Sorry, we don't publish speculative works

Désolé, nous ne publions pas de travaux à caractère spéculatif.

Ce type, qui bosse dans les supercordes, sur la "théorie du Tout", la TOE (Theorie of Everything), imprime la lettre-réponse et passe au dossier suivant.

Des réponses de journaux, j'en ai eu des douzaines comme celles-là, avec renvoi par retour du courrier. J'ai pu publier de temps en temps, mais je peux dire que j'ai consacré à chaque publication dix à cent fois le temps que j'avais mis pour produire le travail lui-même. Ce type de réponse c'est exactement celle que que m'avait faite Lequeux en 97, par retour du courrier, après soumission d'un article pour sa revue Astronomy and Astrophysics. Mais comme il était en France, le l'ai appelé au téléphone. J'ai argumenté.

- Mon modèle gémellaire n'est ni plus, ni moins spéculatif que celui de la matière sombre, qui est une interprétation ad hoc. Ce modèle permet de retrouver également les forts effets de lentille gravitationnelle, en tant que manifestation d'un "negative lensing", de l'action gravitationnelle de la matière gémellaire, géométriquement invisible, répulsive, sur les photons de notre propre univers. C'est simplement une interprétation différente des phénomènes, mais j'estime qu'elle devrait pouvoir être publiée, car elle est féconde. Je vous propose une chose : trouvez un referee du genre méchant, un Grand Méchant Loup de la Cosmologie et envoyez lui mon papier. S'il trouve des failles, je m'inclinerai.

Lequeux reste un instant silencieux à l'autre bout du fil. Il pense réellement que mon travail ne tient pas debout . Un type qui s'intéresse aux ovnis ne saurait produire des travaux de qualité. C'est peut-être une bonne occasion d'en finir une fois pour toutes. Après un instant de silence :

- OK, on fait comme ça.

Un mois après je reçois une réponse d'un referee anonyme, sollicité par Lequeux, avec dix questions. Le bras-de-fer commence. Ceux-là, je les ai toujours gagné pour autant que le referee accepte d'engager le combat. Les questions, très techniques, sont pointues et pertinentes mais il écrit :

The work is interesting and provocating

Le travail est intéressant et provocateur.

On sent que le gars cherche la faille. Je réponds, point par point. A un moment il écrit "vous conjecturez qu'au centre des immenses bulles vides, des lacunes de cent millions d'années-lumière de diamètre autour desquelles se situent les galaxies se trouveraient des conglomérats de matière gémellaire, répulsifs, qui auraient créé cette VLS (very large structure ou structure à grande échelle) . Vous dites que ceux-ci sont "géométriquement invisibles". Mais ils devraient cependant avoir un effet sur les images des objets situés à l'arrière-plan, à cause de ce negative lensing (effet de lentille gravitationnelle négatif) que vous introduisez. Avez vous considéré cela?"

La question est très pertinente. Je me lance dans des calculs. Effectivement, l'arrière-plan, ce sont les galaxies très distantes, à fort red shift. Même si ces conglomérats (image de gauche) se présentent selon des diamètres apparents relativement faibles le décor de l'arrière plan cosmique est un tissu, un "papier peint" fait de millions de galaxies à très fort redshift. Avec le télescope Hubble et les moyens modernes d'observation on commence à avoir de plus en plus d'images de ce fond de ciel lointain. Seul problème : ces objets sont très, très distants. La lumière qu'ils nous envoient est extrêmement faible. Concrètement, on peut former l'image de ces galaxies, de simples taches, en collectant un photon toutes ... les heures. Les gens n'imaginent pas comment les choses se passent. Pour avoir une image d'un objet très lointain à partir de la surface terrestre il faut un miroir immense, et du temps, des heures d'observation. Il faut collecter les photons, un à un. Je me souviens d'une nuit d'observation où j'avais accompagné mes collègues "astronomes pratiquants". Boulesteix, astronome à l'observatoire de Marseille a été un des premiers à coupler à l'objectif d'un télescope un ordinateur. Nous étions autour du 193 de l'Observatoire de Haute Provence, considéré maintenant comme une antiquité (mais grâce auquel Mayor a découvert la première exo-planète). On voyait donc l'image d'une galaxie qu'il observait se former, photon par photon. Jacques avant "sonorisé" de processus. A chaque fois que ses capteurs de photons se déclenchaient le haut-parleur du micro-ordinateur émettait un "tic". J'étais fasciné. Il y en avait un toutes les quatre ou cinq secondes. Chaque nouveau photon imprimait sa marque, signalait son impact avec l'apparition d'un nouveau pixel sur l'écran. J'ai passé quatre heures à voir cette image se constituer. En parallèle l'ordinateur effectue des mesures d'effet Doppler. On en déduit la vitesse de récession et par delà une estimation de la distance. Quand les galaxies sont trop lointaines il faudrait envisager des jours de collecte de photons, ou des miroirs grands comme des terrains de football. Ou alors accroître le temps de collecte de la lumière. Mais la Terre tourne et le télescope ne peut tourner le dos au Soleil plus de quelques heures. C'est ce qui limite la portée des télescopes terrestres. Les télescopes spatiaux n'ont pas cette contrainte. En tournant le dos au Soleil ils peuvent rester braqués vers une même région du ciel pendant des jours et des jours. C'est ce qu'on a fait avec Hubble. On savait qu'il y avait juste au dessus de la Grande Ourse une région du ciel, grande comme le chas d'une aiguille tenue à bout de bras (là aussi, le grand public ignore que plus les télescopes voient loin et plus leur champ de vision est étroit), qui était noire comme de l'encre. Dans cette direction -là, il semblait qu'il n'y ait "rien", ni étoile, même faible, ni galaxie. On a alors braqué Hubble dans cette direction, vers ce chas d'aiguille, pendant une semaine. Il recevait un photon toutes les heures. L'image s'est constituée. On lui a donné un nom : "deep sky survey" : "coup d'oeil sur le ciel profond". Ce cliché, historique, a révélé l'existence de milliers de galaxies situées à des milliards d'années lumière de distance. Ainsi a été confirmée l'idée selon laquelle les galaxie existent depuis très longtemps, ce qui découle aussi de l'estimation de l'âge des étoiles qu'elles contiennent. Les étoiles des amas globulaires sont considérées comme "des étoiles primordiales", nées pratiquement en même temps que la galaxie où elles résident. L'âge de ces étoiles est estimé à dix ou quinze milliards d'années. La conclusion est que les galaxies devraient se former en même temps que l'univers lui-même. Comment ? Les astrophysiciens ne le savent pas. Toujours est-il que ce fond de ciel constitue un tapis de galaxies, presque "jointives". Donc leur lumière serait nécessairement altérée en parvenant jusqu'à nous, à cause de l'effet gravitationnel inverse dû à la présence des conglomérats de matière sombre.

Je fais des calculs. Le papier grossit de plusieurs pages et je fournis ma réponse. Cet effet de lentille gravitationnel inverse doit fonctionner à la manière de mini-lentilles divergentes et affaiblir le signal. J'ai déjà expliqué ce genre de chose dans une suite de fichiers présents dans mon site, consacrés à la vulgarisation du thème des univers jumeaux ( Début de cette série de pages - page où cet effet est évoqué). Voici le dessin qui illustrait ce concept :

Représentation schématiques des galaxies situées en arrière-plan et de l'effet que pourrait produire l'interposition,
sur la ligne de vue, d'un conglomérat de matière gémellaire.

A de telles distances (estimées à partir de la mesure du redshift z) l'importance d'une galaxie, sa masse ne se mesurent qu'en se fondant sur la quantité de lumière reçue. Je conclus que celle lumière doit être atténuée. Voilà donc un observable spécifique qui conforterait ma théorie : on devrait trouver à très grande distance une abondance de "galaxies naines". Or c'est ce qu'Hubble a révélé, c'est ce qu'on trouve.

Je marque un point. Je réexpédie l'article. Il revient, toujours un mois après avec de nouvelles questions. Je m'y attelle et, de nouveau, je rebondis sur ces critiques, je les réfute. Le papier grossit au fil des échanges. Il faisait vingt pages au départ. Huit mois passent. Il atteint désormais soixante pages. Mon ami Georges Comte, qui était alors directeur de l'observatoire de Marseille, commente :

- Fichtre. Quand tu auras eu raison de ce referee et quand Lequeux devra publier, il lui faudra consacrer un numéro entier de sa revue, au train où vont les choses....

Mais soudain Lequeux m'adresse une lettre, très sèche comme à son habitude :

- Cet échange a assez duré. Je ne peux mobiliser ainsi le secrétariat de la revue pour ces échanges interminable. J'ai le sentiment que ceci n'aboutira pas et je mets fins à cette affaire. Ma décision est irrévocable.

"Irrévocable", c'est du Lequeux tout craché. Les gens qui le connaissent savent cela. La cervelle de James a la souplesse du béton précontraint. A l'observatoire mes collègues sont stupéfaits. Ca ne s'est jamais vu. Comte, Directeur :

- Mais... tu étais en train de mettre le referee à terre, de gagner contre lui ton bras-de-fer. Cette lettre est effarante !

J'écris à Lequeux et je propose une fragmentation de l'article, thème par thème. Il refuse. J'essaye alors de sauver les meubles en proposant d'extraire de ce monument quelques éléments approuvés par le referee, pour composer un article minimal, de quelques pages. Lequeux refuse de nouveau en précisant dans son courrier :

- Je vous signale que l'avis du referee n'est que consultatif et qu'en dernier ressort la décision d'acceptation ou de refus d'un article appartient au directeur du journal.

N'ayons pas peur des mots. Dans toute ma carrière de scientifique je n'ai jamais vu un geste aussi malhonnête. Lequeux, sachant qu'il jouit d'une impunité absolue, se comporte comme ce qu'il est : un maffieux. Que faire ? Défiler dans la rue ? Entamer une grève de la faim ? Ecrire à la presse scientifique (qui non seulement s'en out mais roule également pour les maffias). Aller m'enfermer avec Lequeux dans son bureau en lui accrochant une grenade autour du cou ?

Ces dix mois de combat avec ce referee m'ont épuisé. Comment publier ce travail ?

Il reste un colloque scientifique international, celui de Marseille, en 2001. Je tente d'approcher le comité d'organisation, mais l'accueil reste très froid. Je n'ai pas que des amis au plan local. Quelques années plus tôt, au début des années quatre-vingt dix mon amie Marie-France Duval, maître de conférence avait été chargée par le Cnrs de composer un panneau exposant les travaux des chercheurs de notre labo, l'observatoire de Marseille. Elle m'avait demandé d'y faire figurer une image des galaxies barrées superbes que nous avions obtenues en 92, Frédéric Lansdheat et moi. Mais lorsque le panneau avait été présenté au conseil scientifique de l'observatoire, deux de ses membres, Albert Bosma et Lia Athanassoula, s'étaient vivement opposés à ce que toute trace des travaux de Jean-Pierre Petit figure sur le panneau, qui faisait partie d'une exposition itinérante, laquelle était censée présenter les travaux des différents labos de France et de Navarre.

Albert Bosma

Bosma et Athanassoula, qui ont vainement tenté, à travers des centaines de simulations numériques effectués pendant vingt ans sur de puissants ordinateurs qu'ils ont fait acheter, d'obtenir de tels résultats, menacent même de démissionner du conseil si on passe outre. Marie-France est contrainte de retirer les images. Comte m'explique :

- Tu sais, il y a aussi des pression très fortes émanant de Paris. Il faut ... calmer le jeu. Je pourrais passer outre mais cela nous coûterait cher en postes, en crédits. Tu comprends ? .... Je dois gérer cette ... maison de fous et éviter une crise grave.

Je me montre ... compréhensif. Que faire d'autre ? Reste ce colloque international de 2001 qui se tiendra à Marseille. Au moins, je pourrais y assister : je n'ai pas eu un sou de crédits depuis 25 ans, et encore moins de frais de mission. .

En 99 se tient un colloque franco-français à Montpellier, sur les "astroparticules". Je m'y rends, toujours à mes frais, mais ça n'est pas loin. J'ai un temps de parole de vingt minutes octroyé par l'un des organisateurs, un jeune physicien théoricien nommé Moltaka. Au moment où je m'apprête à prendre la parole celui-ci vient vers moi.

- Hmm... nous avons un problème. Bosma a dit que si vous parlez à ce colloque, il part immédiatement.

A côté de Moltaka se tient un collègue de l'observatoire de Marseille, un certain Giraud, qui aboie :

- Nous, on ne veut pas laisser la parole à des gens qui reçoivent des messages des extraterrestres !

Je réponds :

- Je ne suis pas venu vous parler de cela, mais d'une interprétation alternative de la réaccélération du cosmos, à fort redshift, via l'action de son jumeau. Vous savez, Giraud, la salle du conseil est à côté. Vous n'avez qu'à demander à passer une annonce devant tout le monde et répéter tout cela aux gens. Mais j'ai peur que vous ne passiez pour un imbécile....

Le jeune Moltaka est ennuyé. Il essaye de calmer le jeu.

- Ecoutez, Petit. Nous trouverons un autre créneau horaire pour votre exposé, quand Bosma sera reparti à Marseille.
- Bon....

Deux jours passent. L'ambiance devient lourde. Il y a deux cent congressistes, tous des astrophysiciens. Le ronron continue. Le but du colloque est évident : justifier l'octroi de crédits pour la détection des "astroparticules", composantes de l'hypothétique matière sombre. La particule vedette est le "neutralino", issue de la "supersymétrie". Elle est neutre. Quelqu'un (j'ai oublié son nom) suggère qu'on puisse détecter cette particule en utilisant "l'effet Cerenkov". Ce neutralino est une particule non chargée électriquement, en principe "issue du Big Bang", dans "ses premiers instants". Giraut explique "qu'il a calculé que l'amas d'Hercules devait nous envoyez un flux de deux cent neutralinos par seconde et par mètre carré". Celui qui espère devenir le directeur d'un futur laboratoire voué aux astroparticules explique que la manip de détection pourrait permettre de mettre en évidence "un événement par jour". Derrière moi un physicien théoricien lâche entre ses dents :

- Tout cela est ridicule. Cette particule dépend de deux cent paramètres libres. C'est vraiment n'importe quoi. Si ce type prévoyait un million d'événement par jours, ça ferait trop. Un par an, ça serait trop peu : personne ne donnerait un centime pour une détection aussi problématique. Alors ils se sont tous mis d'accord sur ce chiffre d'un par jour, complètement arbitraire. Les calculs d'épicier de Giraud n'ont aucun sens.

La vérité est que mes théories s'opposent à cette matière sombre. Aux yeux de ces gens je fais figure d'empêcheur de chercher en rond. Si l'univers gémellaire existe, alors la matière sombre n'est qu'un mythe. Bosma a présenté le résultat de ses travaux. Il a empiriquement saupoudré des galaxies de "matière sombre froide" pour obtenir, vaille que vaille, les valeurs des vitesses observées pour les masses gazeuses, ce qu'on appelle "le courbes de rotation, qui présentent "d'inexplicables survitesses périphériques". Cette matière sombre fournit une "explication ad hoc" et Bosma "fitte des courbes" (du verbe anglais to fit, faire coller). Ca n'est pas de l'astrophysique, ça n'est plus qu'une lamentable cuisine. Bosma sait très bien que mon modèle gémellaire, publié en 1995 dans Astrophysics and Space Science permet de retrouver parfaitement ces courbes. Dans ce colloque, extraterrestres ou pas extraterrestres, mon discours n'est pas souhaité. Je suis le chien dans le jeu de quille. Le premier jour le président de l'Université de Montpellier nous a tenu ce discours le premier jours de ce colloque franco-français :

- La ville de Montpellier est en pleine expansion démographique. En parallèle les effectifs estudiantins de la fac de science stagnent. Cela veut dire que de moins en moins de jeunes se tournent vers les sciences. Quant au département de physique, il est pratiquement en chute libre. Trouvez vous des idées nouvelles, nous sommes prêts à donner des crédits et des postes, mais faites-le vite, sinon dans peu d'années aucune étudiant de croira plus à la physique fondamentale.

Moltaka m'évite. Je sais que ce jeune joue sa carrière. Des pression sont arrivées, de Paris. Je finis par lui dire :

- Alors, quand donnerez-vous la parole à J.P.Petit ? Il ne reste qu'aujourd'hui et demain.
- Je crois... que nous ne lui donnerons pas la parole. Je suis ... désolé....

J'en ai vu des vertes et des pas mûres dans ma carrière, mais ce soir-là, dans mon hôtel, je suis incapable d'avaler quoi que ce soit. Je croyais avoir l'estomac solide. Là, ça ne passe pas. J'ai été interdit de parole sous l'effet d'une pression exercée par un des "ténors" du colloque, Bosma. Tout le monde l'a su et aucun des deux cent participants n'a bougé. Personnellement j'aurais dit "Si Petit ne parle pas, je m'en vais". Mais je suis ... Jean-Pierre Petit, pas l'astrophysicien ou le physicien théoricien lambda du Cnrs, pas un de ces deux cent courageux qui, depuis quelques jours évitent de croiser mon regard. .

Au retour j'affiche au mur un compte-rendu écrit de cet événementà la fois à l'observatoire de Marseille et au LAS, au laboratoire d'Astronomie Spatiale de cette même ville. Tous, le directeur de mon labo en tête, "déplorent l'attitude de Bosma", verbalement, individuellement. Mais les choses n'iront pas plus loin.

Tout cela me donne une idée. J'ai accès, indirectement, à un membre du comité organisateur du colloque international de Marseille, de juin 2001, dont le thème est "Where is the matter ?". Athanassoula m'a déjà dit "que je perdais mon temps en espérant y présenter un papier". Il me faut alors employer une autre méthode : la prise d'otage. Je fais prévenir le comité que si on n'accepte pas que je puisse présenter une communication je raconterai toute l'affaire Bosma, dans un prochain livre et que cela risquera d'apporter un certain discrédit sur le labo.

Ca marche....

Voilà comment il faut manoeuvrer, parfois, pour publier. ( Voir cette publication). Ce sont les pensées qui m'habitent lorsque je prends congé, le premier jour, de Narlikar. Celui-ci me raccompagne dans une suite de couloir ponctués de sas porteurs le clés à touches où on doit composer un code. Que de précautions ! Cette forteresse du savoir semble mieux défendue que le fort d'Arcueil. Peut-être est-ce pour se prémunir contre l'infiltration d'idées subversives ?

Comment identifier ces mystérieux referees, protégés par leur sacro-saint anonymat ? C'est assez facile. Ce sont ceux qui publient beaucoup. Pour eux, tout semble facile. Même chose pour les membres de leur équipe de recherche, ou de leur "clientèle". Il y a aussi un signe qui ne trompe pas : ces gens s'entre-citent à tour de bras. Renvoi d'ascenseur. "Je te cite et tu me cites". Il y a longtemps que les articles scientifiques figurent sur le web et longtemps que des moteurs de recherche spécialisés comptabilisent chaque citation d'auteur. Le Cnrs et d'autres instances s'appuient beaucoup sur ce nombre de citations. Cela devient une référence. Un travail important est un travail qui a été cité en référence de nombreuses fois. Alors des bandes se forment. La "Bande d'Hawing" en est un exemple. Dans cet ordre d'idées voyez le livre de Greene, l'univers Elégant, qui n'est pas mal non plus. Les gens des supercordes ont constitué une fantastique "communauté". Le fait est sans précédent connu. Ils ont réussi cette performance de donner corps à une discipline totalement inexistante, puisque cette "théorie en formation", cette "Théorie du Tout" ne prévoit rien, n'interprète aucun phénomène, aucune observation, ne modélise rien. Mais, comme l'écrivait ce jeune perroquet qu'est Larousserie (Sciences et Avenir) "c'est une théorie globale".

Si vous êtes "global", vous êtes "in", c'est simple, sinon vous n'êtes rien.

Je connais des dizaines de chercheurs qui sont archi-cités mais dont les articles ne sont que de la mousse. Vous voulez un image de l'état de l'astrophysique, de la cosmologie et de la physique théorique contemporaines ? Prenez des centaines de bombes de mousse à raser et videz-les toutes ensemble. Vous vous rappelez le film Brasil ? Il y a un personnage dont j'ai oublié le nom, joué par Robert de Niro, qui sauve le héros à plusieurs reprises en utilisant des gadgets spectaculaires. Il s'enfuit par exemple en glissant sur un fil d'acier. Mais un jour il passe à proximité d'une bouche d'aération et reçoit en plein visage un formulaire qui se colle à son visage. Il tente de l'arracher, mais se trouve rapidement submergé par des imprimés, du papier timbré et meurt rapidement, étouffé par ces émanations administratives. Nos modernes Don Quichotte ne chargent plus des moulins à vents. Ils se jettent, lance en avant, dans des montagnes de mousse à raser anonymes où ils meurent étouffés.


Parler

Demain c'est la conférence au Collège de France. Je n'ai rien préparé. Je n'ai même pas fait de transparents.

- Quand même ... ton ami Pecker .... tu devrais.....

Je sais, mais le ressort est cassé, depuis l'article de Larousserie, dans Science et Avenir, en février 2001. Plus récemment les Editions Dunod ont publié le livre d'un certain Magueijo, intitulé "plus vite que la lumière. Gros succès à échelle internationale. C'est un peu dans le même style que le livre de Greene. En 97 Magueijo, jeune chercheur à Cambridge, Angleterre, réussit à publier un article dans Physical Review. Il a eu l'idée qu'en imaginant une scénario cosmique où la vitesse de la lumière aurait été plus élevée dans le passé ceci aurait permis aux particules de "dialoguer" aux époques les plus reculées et ainsi d'expliquer l'homogénéité remarquable de l'univers primitif. Mais immédiatement après un certain Moffat, un Canadien, se manifeste, qui a publié des choses semblables en 93. Moffat proteste vivement.

En fait je suis le véritable précurseur dans cette voie-là, en j'en parlerai tout à l'heure. J'ai publié trois articles en 88-89 dans Modern Physics Letters A [1 , 2 , 3 ]. En découvrant les travaux de Magueijo (A.Albreicht & J. Magueijo : Time-varying speed of light as a solution to cosmological puzzles, Phys. Rev. D 1999), puis de Moffat en 93 je leur avais envoyé plusieurs mails. Pas de réponse. Le premier devait être en train d'écrire son livre et ça n'était pas le moment de le troubler. Et puis, quelle importance ! Il y a tellement de choses à propos desquelles j'aurais du me battre, à commencer par la MHD, où mes idées dees années 70-80 font actuellement l'objet d'une (laborieuse) opération de pillage scientifique dans des organismes comme l'ONERA (Office National d'Etudes et de Recherches Aéronautique). .

Le lendemain la matinée commence par un exposé de Narlikar qui évoque le scénario "standard" du Big Bang, avec l'inflation de Linde et tout le bazar. Pecker nous a prévenus :

- Narlikar va nous exposer ce que les autres pensent, pas ce que lui-même pense.

Puis vient l'heure de mon exposé. Il se produit alors un phénomène étonnant, comparable à la marée. La salle où nous sommes ne possède que cent places. Etant donnés les échos qui nous parviennent de l'entrée il semble qu'il y ait un problème. Pecker va voir et se tourne vers l'assistance :

- Pour pouvoir recevoir tout ce monde on déménage au Grand Amphi.

Celui-ci se trouve rempli aussitôt et des gens doivent s'asseoir sur les marches. Diable, je n'avais pas prévu cela. Combien sont-ils ? Trois cent ? Quatre cent ?

Pecker me présente et j'attaque :

- A part Narlikar et Pecker, y a-t-il des astrophysiciens et des cosmologistes dans la salle ?

Silence.

- Y a-t-il des cosmologistes, physiciens théoriciens ?

Rien. Cela me rappelle ce que disait mon prof de Grec, Barquissau, quand je traînais mes fonds de culotte au Lycée Carnot et quand, après qu'il ait demandé si quelqu'un voulait passer au table notre enseignant nos regards plonger vers nos chaussures ou s'élever vers le plafond :

- Il se levait tant de mains que le ciel en était obscurci.

Je demande :

- Y a-t-il des physiciens ?

Des mains se lèvent. La composition de la salle est variée, mais il y a pas mal de "seniors", entre quarante et soixante. J'ai une heure pour leur décrire ma vision gémellaire de l'Univers.

J'attaque.

- Prenons le concept de particule. C'est quelque chose que nous pouvons percevoir. Enfin, jadis, c'était possible. Je regrette que le Palais de la Découverte ait supprimé une manip où on voyait une Chambre de Wilson. Quand j'étais gosse cet objet m'avait fasciné. Vous avez tous vu la traînée de condensation laissée dans le ciel par un avion volant à haute altitude. Quelque fois vous pouvez voir l'appareil lui-même. Mais parfois il vole si haut que vous ne voyez que cette traînée blanche. Elle se constitue parce que, là-haut, la haute atmosphère chargée de vapeur d'eau ne demande qu'à produire ces condensation. En traversant ces masses d'air l'avion crée des turbulences, essentiellement au bout de ses ailes. Alors des gouttelettes d'eau se forment, qui donnent à cette traîné une couleur blanche. Puis l'eau se vaporise de nouveau et le ciel redevient bleu.

Dans une chambre de Wilson il se produit un phénomène semblable. Elle est emplie de vapeur d'eau en état supercritique. La moindre remue-ménage, comme le passage d'une particule, suffit à créer cette condensation de valeur d'eau. Je me souviens de ce que j'avais vu, quand j'étais gamin. La pièce était faiblement éclairée, de telle manière qu'on puisse nettement apercevoir ces traînées fugitives se produisant dans cette chambre vitrée, de la taille d'un aquarium. Elles apparaissaient instantanément, puis, dans cette enceinte "il se mettait à pleuvoir". On voyait de légères écharpes de vapeur d'eau se former et se dissoudre en un temps de l'ordre de la seconde. Cela pouvait se produire sous l'effet du passage d'un neutron, d'un proton ou d'un électron. Un neutron est insensible à la présence d'un champ magnétique. Par contre un tel champ provoque la giration d'un proton. Le sens de rotation dépend de la direction du champ. Si le champ B est dirigé vers le haut, le proton tourne à droite. Son rayon de giration, ou "rayon de Larmor" dépend de l'intensité du champ magnétique. Les électrons tournent dans l'autre sens, ici, à gauche.

C'est fantastique de "voir" les particule dans une chambre de Wilson. On ne les voit pas, mais on perçoit très nettement la traînée de condensation qu'elles laissent.

Donc les particules existent et nous pouvons au moins percevoir leur mouvement. Aujourd'hui on n'utilise plus de chambre de Wilson mais des "chambres à bulles". Le phénomène est similaire : en passant, les particules provoquent l'apparition de bulles microscopiques. Mais je ne sais pas si, quelque part, on peut voir ça de ses yeux. Remarquez que sur ce dessin j'ai fait figurer la trajectoire d'un anti-électron, d'un positon telle qu'elle fut effectivement "observée" pour la première fois en utilisant une chambre à bulle embarquée à bord d'un ballon. Par la suite cette observation fut confirmé à l'aide du grand accélérateur de Berkeley, en Californie. Ces trajectoires peuvent faire l'objet d'un enregistrement photographique. Avant qu'on ait en main ce cliché une ne savait pas si l'antimatière existait. Tout ce qui avait été prévu c'est que si c'était le cas elle se comporterait comme "la même particule, mais avec une charge électrique opposée".

Je conte cette anecdote pour illustrer un concept fondamental de la physique mathématique :

Dis-moi comment tu te meus et je te dirai quoi tu es

Ca nous amène à envisager un autre "objet" appelé "espace-temps". Un espace dans lequel les mouvements s'inscrivent. On débouche sur un mode de classement des objets, des particules, sous un angle comportemental. Les objets de la physique deviennent des classes de mouvements. On parlera de ce qui va suivre de point matériel et de dynamique du point matériel. Par point matériel on entendra "particule" comme un neutron, un proton, un électrons, dans une description relativiste mais non-quantique.

Dans l'espace temps il y a une infinité de trajectoires possibles, de mouvements possibles, bien que tous les mouvements ne soient pas possibles (limitation à v < c ). Vous pouvez vous imaginer, dans votre tête, l'espace sillonné par toutes les trajectoires possibles, tous les mouvements envisageables. Ce qui est plus difficile c'est de s'imaginer ces mouvements, en tant "qu'objets géométriques". Parmi tous ces mouvements possibles on imagine qu'on puisse classer ceux-ci en "familles", en sous-ensembles. Tel sous-ensemble de mouvements pourra correspondre aux mouvements possibles d'un photon, ou d'une particule de masse m.

A ce stade, ce qu'il faut comprendre c'est qu'un puisse exister un outil mathématique qui permette, à partir d'un mouvement donné d'en construire un autre. Cet outil porte un nom : ça s'appelle un groupe. Au niveau du discours de vulgarisation il n'est pas nécessaire que le lecteur sache ce qu'est un groupe G, constitué d'éléments B. Schématiquement on se dira qu'on a, à droite, un espace qui est l'espace des mouvements. On a figuré schématiquement l'un de ces mouvements. Au gauche un ensemble qui est le groupe et un élément g de ce groupe G . En faisant "agir" cet élément g sur cette trajectoire, sur ce mouvement on obtient un autre mouvement.

Actions de groupes

On peut faire un parallèle avec des objets géométriques habitant notre espace 3d. Si je me donne un groupe qui est le groupe d'Euclide, un élément de celui-ci me permettra de passer d'un objet géométrique constitué par un ensemble de points de l'espace, à un autre objet qui sera celui-ci "transporté plus loin, ailleurs", dont chaque point aura été "transporté par l'élément du groupe" . A ce stade, l'idée semble intuitive. Un groupe G est composé d'élément g qui "transportent". Les groupe d'Euclide GE transporte des objets dans l'espace. Un autre groupe, comme le groupe de Lorentz (relativité restreinte) ou le groupe de Poincaré vont "transporter des mouvements dans l'espace des mouvements". Je pense qu'un non-mathématicien est capable d'admettre une telle chose, que ce qu'il imagine dans un espace 3d, statique, puisse trouver son équivalent en 4d, dans un espace-temps, terrain de jeu de la "dynamique". En restant volontairement schématique je tente de donner au concept toute sa généralité.

On peut imaginer un nombre infini de groupes différents. Le groupe d'Euclide conserve les longueurs, les angles. On peut imaginer un autre groupe qui puisse faire grandir ou rapetisser les objets, opérer des homothéties, comme dans les voyages de Gulliver. Appelons-le le groupe de Gulliver GG. On peut aussi marier les deux groupes en créant le groupe GEG, "Euclide-plus-Gulliver". Chaque élément, non seulement transporte, fait tourner, mais aussi grandit et rapetisse. Le groupe a quelque chose à voir avec notre vision du monde. Pour pouvoir classer les objets il faut pouvoir les ranger, les comparer. Sont-ils semblables, différents ? Puis-je les superposer, ne serait-ce que mentalement ?

Vous connaissez ce jeu qu'on offre aux bébés. Il s'agit d'une boite en plastique munie de trous. L'un est rond, le second carré, le troisième triangulaire. L'enfant apprend à reconnaître des formes en rangeant ces objets.

Instinctivement ou par imitation il va essayer de faire entrer des prismes de section ronde (cylindre), carrée ou triangulaire dans ces orifices.

Ces différents objets peuvent être de couleur différentes, mais en effectuant ces gestes il apprendra à classer, dans sa tête, "les objets qui entrent par le trou carré". Mais, pour faire cela il lui aura fallu mettre en jeu des éléments du groupe d'Euclide, pour transporter physiquement les objets. Sans pouvoir effectuer ce test, pas de classement possible. Nous avons besoin de groupes pour penser. Souriau pense que le concept de groupe constitue la structure mentale la plus fondamentale de la pensée. Cela serait, selon lui "en amont de tout".

J'étais sceptique face à cette idée, mais je commence à penser qu'il a peut-être raison. Tout simplement parce que l'action de groupe est une opération "pré-langagière". On peut faire agir un groupe sans le "dire".

Quand il tourne un pot, le potier ignore qu'il fait agir sur sa glaise un sous-groupe du groupe d'Euclide :
Le sous-groupe des rotations autour d'un axe.

Tout à l'heure nous avons associé un groupe (celui d'Euclide par exemple) et un espace (en l'occurrence l'espace "Euclidien"). Les deux concepts se répondent l'un l'autre. Le groupe transporte les objets, mais il les sécrète également.

Voilà une idée étrange, mais relativement simple à illustrer. Le groupe d'Euclide met en jeu un certain nombre d'opérations. On construit les éléments du groupe en combinant ces différentes opérations élémentaires qui sont :

- Les rotations
- Les translations

(en fait les symétries, qui inversent les objets droite-gauche, font aussi partie du groupe, mais laissons cela de côté pour ce qui suit. On considérera une sorte de "demi groupe dEuclide" qui correspond aux déplacements que nous avons l'habitude de faire subir aux objets que nous manipulons. Personne à ma connaissance n'est physiquement capable de transformer un tire-bouchon droit en tire-bouchon gauche).

Les éléments du groupe sont donc des combinaisons de rotations et de translations. Parmi tous les éléments du groupe je peux ne considérer que l'ensemble des rotations autour d'un point fixe, par exemple de l'origine O. C'est un sous-ensemble d'opérations qu'on appellera sous-groupe. Maintenant, question : quels sont les objets qui restent invariants sous l'effet de rotations autour de l'origine.

Réponse : c'est la famille des sphère concentriques, centrées en O :

On voit que le groupe a naturellement "sécrété" un objet géométrique, la sphère, qui nous était familier, mais d'une façon inhabituelle. Vous aviez peut être l'habitude de considérer qu'une sphère est le lieu des points situés à une distance constante d'un point fixe. Là l'objet devient "ce qui est invariant sous l'action des éléments du sous-groupe des rotations autour d'un point fixe". Accessoirement une grandeur, un scalaire s'attache à cet objet, appelée rayon R.

N'ayez pas l'air étonné. Faire des mathématiques consiste généralement à enfoncer des portes ouvertes. La droite, le plan, possèdent des définitions similaires. C'est ce qui est invariant sous l'effet de l'action des éléments du sous-groupe des ..... (à vous de chercher).

Passons à l'espace temps. Nous allons tout de suite sauter à un groupe gérant le mouvement du point matériel, de manière relativiste. Notre espace-temps sera donc peuplé "d'objets géométriques" qui seront constitués par une infinité de trajectoires différents. Nous préférerons le mot mouvements différents. Si je me donne un mouvement particulier, un élément g du groupe de Poincaré GP me permettra de construire un autre mouvement. Mathématiquement ces éléments sont des "matrices", qui constituent également les éléments du groupe de Poincaré. Les gens ayant des connaissances en mathématiques trouveront tout un cours intitulé "Les groupes et la physique" dans ce dossier, spécialement conçu à leur intention. Accessible à un terminale s. Mais peu importe. Ici, restons "abstraits". Nous avons vu plus haut que les objets géométriques qui nous étaient familiers se définissaient parce qu'ils avaient la propriété d'être invariants sous l'effet de l'action des éléments de tel sous-groupe. On peut imaginer qu'il en soit de même pour le groupe de Poincaré. Dans un groupe il y aura des sous-groupes. On pourra imaginer que certains objets que nous considérions comme des objets physiques, comme la masse, puissent se définir comme des objets géométriques émergeant de propriétés d'invariance sur l'action de sous-groupes. Le lecteur ayant une formation scientifique pourra trouver tout ceci, concrètement, dans le dossier évoqué. Mais, même sans voir toutes ces choses vous pouvez les concevoir par simple analogie. Plus haut nous avons "reconstruit la sphère" en la concevant différemment. Vous pouvez imaginer que la physique, envisagée avec une "paire de lunettes" appelée théorie des groupes nous fasse percevoir certaines "choses" différemment... géométriquement. Comme la masse, l'énergie, l'impulsion.

Revenons à notre groupe d'Euclide. Nous sommes dans une cuisine. L'usage illimité des éléments de ce groupe nous a permis de classer différents objets, superposables par une action de groupe, comme des fourchettes rangées dans un tiroir, ou des cuillères. Le groupe d'Euclide est constitué par des matrices, des objets mathématiques. Nous ne les montrerons pas ici. Se référer à cette initiation à l'usage des groupes en physique, déjà évoquée. Vous pouvez imaginer qu'en construisant ces matrices et en leur donnant une généralité accrue on puisse faire apparaître des éléments étrangement exotiques qui, appliqués aux objets de notre cuisine produisent des objets qui semble n'en point faire partie. Ce sont les symétries (par rapport à un plan).

Le groupe d'Euclide est constitué d'élément qui conservent l'orientation droite-gauche des objets et d'autres qui... l'inversent. Voilà le physicien fort perplexe. En appliquant ces éléments à une cuillère, une casserole ou une fourchette, cela ne pose guère de problème. Mais tout d'un coup, avec un tire-bouchon, les problèmes apparaissant. Envisagé, créé "mathématiquement" le tire-bouchon inversé existe-t-il physiquement ?

On constate que des tire-bouchons inversés, énantiomorphes, existent bel et bien dans le magasin de farces et attrappes voisin. Cela ne veut pas dire qu'on puisse physiquement et facilement détordre un tire-bouchon et l'enrouler inversement. Mais cela veut dire que cet objet était physiquement concevable, que son existence avait été conjecturée comme possible. Le groupe l'avant engendré, par une opération nommée symétrie et il s'est avéré que cet objet pouvait exister physiquement.

Si on considère le groupe d'Euclide comme un ensemble de transformations en nombre infini, on pourra les classer en deux sous-ensembles :

- Celles qui conservent l'orientation droite-gauche des objets

- Celles qui l'inversent.

Le mathématicien appelle ces deux sous-ensembles des "composantes" du groupe. Le groupe d'Euclide est donc un groupe "à deux composantes". En s'inspirant des déplacements qu'on peut faire effectuer à un objet on a pu créer "la première moitié du groupe d'Euclide". Puis, le mathématicien, en jouant avec ses matrices, s'est aperçu qu'il pouvait fabriquer, mathématiquement, une autre moitié, d'autres composantes. Ca ne veut pas dire que ces autres éléments pouvaient correspondre à des actions physiques susceptibles d'être concrétisées. Mais cela a donné naissance à une autre famille d'objets.

Personne ne peut, en se servant d'un miroir, créer un tire-bouchon inversé puis s'en servir. Mais le miroir a permis d'envisager qu'un tel objet puisse exister. Et de fait, en s'inspirant de cette image en miroir un artisan a pu le fabriquer.

Voyez-vous où je veux en venir, toujours en utilisant l'analogie ?

Les physiciens ont inventé un groupe qui permettait de mieux comprendre la Relativité Restreinte. Qu'est-ce qu'on utilisant avant cela ? Réponse : le groupe de Galilée. Celui-ci, agissant sur les mouvements inscrits dans l'espace temps (des objets géométriques) permettait d'engendrer toutes sortes de trajectoires. Il contenait les rotations, les translations spatiales et les translations temporelles (normal, on est dans un espace-temps). On pouvait déplacer une trajectoire dans l'espace et le temps à volonté (translations spatio-temporelles). En se donnant un trajectoire quelconque, empruntée à un objet bien physique, un truc qui ne va pas trop vite, on pouvait en faisant agir dessus des éléments du groupe obtenir n'importe quelle trajectoire, correspondant à n'importe quelle vitesse, obtenir un point matériel se déplaçant à un milliard de kilomètres par seconde. Mais l'expérience montra que toutes les vitesses n'étaient pas possibles.

Tout passe par les groupes. Une "vision du monde" c'est une façon d'appréhender ce monde à travers un groupe. Comme me disait Souriau il y a cinq minutes au téléphone:

- Dis-leur : " Groupe égale géométrie ".

J'avais dis plus haut que le groupe "sécrétait les objets géométriques". Plus encore : ils "sécrètent" la géométrie, l'espace qui leur convient. Le groupe d'Euclide "sécrète" l'espace euclidien. Mais l'espace où nous vivons n'est pas parfaitement euclidien, partout, sinon on n'aurait d'effets de lentille gravitationnelle. Mais, pire encore, il n'est pas "galiléen", du tout, à cause de la Relativité Restreinte. Donc le groupe de Galilée qui gérait tout cela n'était pas le bon. Il a fallu "changer de géométrie", donc "changer de groupe", ce qui revient au même. Le groupe de Poincaré a remplacé le groupe de Galilée. Avec lui on peut, à partir d'un mouvement particulier, utiliser un élément du groupe et fabriquer un autre mouvement.

Alors, me direz-vous, où est le problème ?

Il s'est passé ce qui s'est passé avec le groupe d'Euclide. Vous vous rappelez que la manipulation du groupe d'Euclide dans sa totalité avait impliqué la mise en oeuvre de symétries. C'est comme si quelqu'un avait mis un miroir dans votre cuisine et s'était mis à regarder le reflet des objets. C'est là, soudain, qu'on avait vu apparaître un étrange tire-bouchon, non superposable au tire-bouchon d'origine par simple déplacement et que tout le monde s'était demandé "est-ce que ces tire-bouchons là existent ?" jusqu'à ce qu'on en trouve chez le marchand de farces et attrapes d'à côté.

Vous remarquerez que pour obtenir l'image énantiomorphe d'un objet, dans un espace 3d euclidien il suffit, en décrivant ses points à l'aide d'un repère orthonormé OX, OY, OZ de changer par exemple la coordonnées x en - x. On obtient alors le symétrique de l'objet par rapport au plan YOZ, faisant office de miroir. Dans le groupe d'Euclide il y a des éléments (des matrices qui "agissent" sur les coordonnées x , y , z ) qui inversent la coordonnée x, donc donnent l'image en miroir des objets par rapport au plan x = 0, au plan YOZ.

Dans le groupe de Poincaré on trouve des éléments qui changent la coordonnée t en - t, carrément (ou qui, plus généralement changent le signe de la grandeur t )! Ainsi, considérant un mouvement peinard, tranquille, où une particule, un point matériel se déplacerait tranquillement dans le sens des t croissants, de manière orthochrone, on peut, grâce à ces éléments, fabriquer, rendre concevables, envisageables des mouvements antichrones, où la particule cheminerait à rebrousse temps.

En fabriquant l'image en miroir d'un objet avec des éléments du groupe d'Euclide on obtenait leur image énantiomorphe. On dit aussi qu'on a opéré sur eux une P-symétrie. P pour "parité". Partir d'un mouvement orthochrone et, usant de certains éléments du groupe de Poincaré, fabriquer "concevoir" le mouvement "en miroir par rapport au temps" revient à opérer une T-symétrie.

Il ne faut pas de dire que ces éléments du groupe sont "très particuliers". En fait le groupe de Poincaré est composé d'un ensemble d'éléments qui se partage en deux sous-ensembles :

- Les éléments orthochrones, qui permettent de passer d'un mouvement à un autre mais qui ne changent pas le sens du temps

- Les éléments antichrones, qui tout en changeant le mouvement, inversent au passage de temps, mettent en jeu cette symétrie en "miroir-temporel".

Comme il fallait s'y attendre, il y a autant (la même infinité) des uns que des autres.

Nous sommes comme tout à l'heure, dans la cuisine avec l'image en miroir du tire-bouchon. Là, nous nous demandons "ces mouvements rétrochrones ont-ils un sens physique ?". Question subsidiaire : que veut dire "avoir une signification physique ?". Autre question "si je ne perçois pas ces mouvements visuellement, dans quelle structure géométrique pourraient-ils s'inscrire (se rappeler qu'on avait bien trouvé des tire-bouchons énantiomorphes, mais dans le magasin de farce et attrapes voisin, en traversant la rue).

C'est là qu'intervient un résultat majeur en physique mathématique, dû à Souriau. A trouver (exclusivement) dans son ouvrage Structure des Systèmes Dynamiques (écrit en 1968, publié chez Dunod en 1972, épuisé : un ouvrage republié en Anglais chez l'éditeur Birkhaser, 1999, 30 ans plus tard, sans avoir pris une ride. Un exploit). Je ne me souviens plus à quelle page cela se trouve (je trouverai &&&). Plus haut j'avais parlé des mouvements. Combien de paramètres pour ceux-ci ? Ne cherchez pas à sortir cela de votre chapeau, vous auriez... tout faux. En effet en pensant à un point masse on aurait tendance à se dire : la trajectoire d'une une particule non chargée électriquement, qui ne possède qu'une masse doit dépendre, hmm... de quatre paramètres, l'énergie E, plus trois pour l'impulsion (px , py , pz ). Faux, il y a dix paramètres. Mais quels sont les six autres ???

C'est là que "le concret", l'intuition physique deviennent trompeurs. La physique est plus abstraite que nous ne le croyons. Un groupe est un objet mathématique qui dépend d'un certain nombre de paramètres. Je vais vite, ça serait trop long d'entrer dans les détails. Si vous voulez tous ceux-ci, plongez-vous dans mon cours sur les groupes. Le groupe d'Euclide dépend de six paramètres : trois pour le vecteur translation et trois pour la rotation dans l'espace (les "angles d'Euler"). Le groupe de Poincaré dépend de dix paramètres. Chaque choix de ces dix paramètres détermine, caractérise un mouvement (et c'est pour cela que l'on préférera le mot mouvement au mot trajectoire, trop réducteur, pas assez "riche"). Il y aura effectivement l'énergie E ainsi que l'impulsion (px , py , pz ). Les six autres quantités permettront de faire émerger ... le spin, en tant qu'objet purement géométrique. Souriau a été le premier à le faire. Je ne pourrai pas en dire plus ici sous peine d'entrer dans des développement assez hard.

Un mouvement possède deux représentations. l'une dans l'espace-temps et l'autre sous la forme d'un point figuratif dans l'espace des paramètres du mouvement, que Souriau appelle "l'espace du moment", un espace à dix dimensions. Lorsqu'on fait agir un élément g du groupe de Poincaré on va changer de mouvement. Corrélativement on sautera d'un point figuratif à un autre point figuratif dans cet espace des paramètres du mouvement. Les paramètres du mouvement changeront. Un traitement mathématique trop subtil pour être évoqué ici ("l'action coadjointe d'une groupe sur son espace des moments"), mais que le lecteur scientifique pourra trouver sur mon site permet de savoir comment se transforment les paramètres du mouvement "lorsqu'on change de mouvement", en utilisant un élément g du groupe dynamique (de Poincaré). Nous avons vu qu'il y avait des éléments qui inversaient le temps, qui transformaient une trajectoire considérée a priori comme "orthochrone" en trajectoire "antichrone, ou "rétrochrone". Ces éléments changent les paramètres du mouvement. Que trouve-t-on alors :

Lorsqu'on opère une T-symétrie, qu'on inverse le temps, qu'on fait agir une composant "antichrone" du groupe, l'énergie E est inversée.

autrement dit :

La T-symétrie est équivalente à l'inversion de l'énergie : E --> - E

Nous avons donc une perception physique différente, mais peut être plus parlante à nos yeux.

Une particule qui suit une trajectoire rétrochrone se comporte comme une particule à énergie négative.

Comme l'énergie est grosso-modo mc2 , on peut aussi écrire :

Une particule qui suit une trajectoire rétrochrone se comporte comme une particule à masse négative.

Reprenons notre raisonnement depuis le début.

1 - Nous avons cherché quel était le "groupe dynamique" qui permettait de décrire les mouvements relativistes du point matériel.

2 - Le groupe de Poincaré secrète des mouvements qui cadrent avec les observations liées à la Relativité Restreinte. Donc c'est le bon groupe dynamique.

3 - Ce groupe contient des éléments qui permettent de transformer un mouvement orthochrone en mouvement antichrone.

4 - Ces mouvements sont ceux d'une particule à énergie et à masse négative.

Ceci soulève immédiatement une question: ces objets existent-ils ? Si c'était le cas et si ces objets se situaient dans notre espace-temps des particules d'énergie opposées pourraient se rencontrer. Or nous déboucherions alors sur le phénomène :

Deux particules d'énergies opposées s'annihilent. Il n'y a pas de produits de réactions. Cela donne du ... rien.

Grave problème. Si l'univers avait été constitué par moitié de particules à énergie positive et de particules à énergie négative, celui-ci aurait tout simplement ... disparu. Notez que ceci n'a rien à voir avec ce qu'on appelle " L'annihilation de la matière et de l'antimatière". Nihil en latin veut dire RIEN

Nihil obstat : rien ne s'y oppose

Une rencontre entre une particule de matière (à énergie et masse positives) et sa soeur faite d'antimatière (également à énergie, et masse positives) produisent des photons. Le résultat de cette réaction n'est pas du "rien", du néant. Il y a conservation de l'énergie-matière. La somme des énergies hn des photons émergents est égale à la somme des énergies des particules de matière et d'antimatière incidentes. Il n'y a pas annihilation. Le mot est impropre. Les photons résultant de cette rencontre massive entre la matière et l'antimatière primordiales forment d'ailleurs "les photons cosmologiques", le "fond de rayonnement cosmique à 3°K. Accessoirement ces photons constituent la trame de l'espace. Le vide parfait n'existe pas. Ce que nous appelons le vide le plus poussé est en fait une trame de photons "jointifs". Le mot peut froisser certains, puisque les photons cheminent à la vitesse c. En parlant différemment on pourrait dire que ce que nous appelons le vide est un "clapot", chaque vaguelette correspondant à un photon. Il n'y a pas de contenant sans contenu, pas d'océan sans clapot. "Si la mer-univers cessait d'être agitée par un clapot, elle cesserait ... d'exister". L'annihilation véritable d'un mélange de matière à énergie positive et de matière à énergie négative entraînerait la disparition de l'espace lui-même...

On tentera de répondre à cette question plus loin.

On a vu que les éléments du groupe de Poincaré se distribuaient en deux sous-ensembles, les uns entraînant une T-symétrie (inversion du temps) et les autres, non. Ces deux sous-ensembles sont eux-même composés de deux sous-sous-ensembles, les premiers entraînant une inversion des objets droite-gauche (P-symétrie) et les seconds, non. Le groupe de Poincaré est donc constitué par quatre sous-ensembles (le mathématicien parlera de composantes du groupe). Schématiquement, voici ces quatre sous-ensembles, ces quatre "composantes".

Pas de P-symétrie
Pas de T-symétrie

P-symétrie
Pas de T-symétrie

Pas de P-symétrie
T-symétrie

P-symétrie
T-symétrie

 

Qualifions de N(neutre) la composante du groupe qui est constituée par les éléments qui n'impliquent ni l'inversion droite-gauche, ni celle du temps et qui contient l'élément neutre. On l'appelle d'ailleurs en théorie des groupes la "composante neutre". Elle existe toujours. On peut alors écrire schématiquement (avec T pour T-symétrie et P pour P-symétrie) :

N

P

T

P T

 

On a vu qu'étendre notre compréhension de l'univers impliquait de changer de groupe, ou ... d'étendre ce groupe. Initialement le groupe "agissait" sur un espace temps ( x , y , z , y ) à quatre dimensions. On va réaliser une extension à la fois du groupe et de l'espace sur lequel il agit en conférant à celui-ci 5 dimensions. Appelons z la cinquième dimension (la "dimension de Kaluza"). Pour scientifique : comment ceci se traduit matriciellement. C'est un classique. Voir le livre de Souriau ainsi que "Géométrie et Relativité", du même auteur,publié chez Hermann en 1964. Précisément, chapitre VII "Relativité à cinq dimensions", page 387. ). On appelle ceci "l'extension non-triviale du groupe de Poincaré". Historiquement ça n'est pas comme ceci que les choses se sont passées, mais nous pouvons présenter la chose de cette manière. Les mouvements se situeraient alors non dans un espace à 4 dimensions, mais dans un espace à 5.

Encore une fois, notre groupe transforme un mouvement en un autre mouvement. Apparaît alors une partition supplémentaire. Le groupe peut être scindé en deux sous-ensembles :

- Celui des éléments qui conservent le sens de parcours de la dimension z

- Celui des éléments qui l'inversent. On appellera cette opération une C-symétrie, plus simplement appelée C.

cette identification de la conjugaison de charge (opération qui inverse la charge électrique) et de l'inversion de la cinquième dimension est introduite dans Géométrie et Relativité, Souriau 1964, page 413. Je cite la phrase exacte, pour rassurer certains :

Dans la conjugaison de charge X5 --> - X5

Souriau appelle simplement cette cinquième dimension X5

A quoi correspondent donc ces mouvements qui s'effectueraient en inversant le sens de parcours de la dimension z ? Rappelez-vous :

Dis-moi comment tu te meus, je te dirais quoi tu es

Réponse : au mouvement de l'antimatière au sens de Dirac. Celle-ci est donc C-symétrique par rapport à la matière "normale".

Il existe un célèbre théorème, dû à la mathématicienne Emmy Noether. A chaque fois qu'il existe une "symétrie" supplémentaire, ceci est lié à l'existence d'un nouveau scalaire lié à l'objet considéré. Ajoutons que le mot "symétrie" n'a pas le même sens pour un mathématicien et pour l'homme de la rue. Le fait qu'un objet reste invariant si on ne fait que "le transporter dans le temps" et qualifié de "symétrie". Cette invariance particulière est liée à l'existence d'un scalaire : l'énergie E. On conçoit que corrélativement l'inversion du temps entraîne l'inversion de l'énergie E.

Le fait qu'une particule puisse être transportée le long de cette coordonnée z est liée à l'existence d'une nouvelle grandeur :

La charge électrique q

L'inversion de z entraîne l'inversion de la charge électrique.

z---> - z     entraîne      q ---> - q

Sans plus d'explication nous dirons que si cette cinquième dimension est fermée sur elle-même alors la charge électrique est quantifiée, elle ne peut pas prendre n'importe quelle valeur. La C-symétrie entraîne une inversion du sens de parcours le long de cette dimension fermée (ce que les géomètres appellent "le fibré en cercle"). Le "groupe de Poincaré étendu" (groupe construit par une "extension non-triviale" du groupe) est donc constitué par huit "composantes". Schématiquement :

Energie positive

Matière                          Antimatière

N

C

P

C P

 

Energie négative

Matière                   Antimatière

C P T

P T

C T

T

Si on prend une particule de matière, à énergie positive, décrite selon son mouvement, et si on transforme ce mouvement (donc cette particule) en utilisant des éléments pris dans les quatre premières cases, deux donnent de la matière et les deux autres de l'antimatière au sens de Dirac (impliquant une C-symétrie, donc l'inversion de la charge électrique q ).

Si on utilise des éléments pris dans les quatre cases suivantes, tous conduisent à des éléments à énergie négative. Nous trouvons en particulier des éléments empruntés à deux cases qui nous rappellent quelque chose.

La CPT-symétrie

La PT-symétrie.

Le théorème CPT, un "théorème de physicien, dépourvu de toute base mathématique solide, persifle Souriau", prédit que la CPT-symétrique d'une particule est en principe identique à cette même particule (il n'existe aucune démonstration mathématiquement établie de ce fameux "théorème CPT"). Autrement dit un objet, inversé droite-gauche (P-symétrie), doté d'une charge électrique opposée (C-symétrie) et cheminant à rebrousse-temps (T-symétrie) devrait en principe se comporter de manière identique à celle d'une particule de matière, de manière indiscernable.

Selon Feynman la PT-symétrique d'une particule (en miroir et cheminant à rebrousse-temps) devrait se comporter comme de l'antimatière.

Oui, à la différence près que comme ces CPT et PT symétries comportent une T-symétrie impliquant une inversion de l'énergie et de la mase. En d'autres termes :

La CPT-symétrique d'une particule est identique à cette particule, dont on aurait inversé l'énergie (et la masse)

La PT-symétrique d'une particule de manière "normale" se comporte comme de l'antimatière à énergie, et masse négatives.

Souriau est d'accord avec moi sur ces deux points. Il peut donc exister donc deux ensembles de particules, les unes à énergie positive, les autres à énergie négative. Dans ces deux sous-ensembles on trouvera la dualité matière antimatière. Le produit d'une symétrie C par une symétrie C est .. l'identité I. Il y a donc une symétrie C entre la CPT-symétrique et la PT-symétrique, car :

C x CPT = ( C x C ) P T = I x P T = PT

Ainsi, si nous tenons compte de toutes les composantes du groupe "Poincaré étendu", qui gère les mouvements du point matériel électriquement chargé on obtient quatre types de matière :

Matière

Antimatière au sens de Dirac

Matière à énergie négative

Antimatière à énergie négative (antimatière au sens de Feynman)

La possible rencontre entre ces ensembles à énergies opposées rend problématique l'existence même de l'univers. En 1967 Andréi Sakharov a suggéré que l'univers puisse être constitué par deux entités, notre propre univers et son jumeau, lequel serait doté d'un "temps opposé". En couplant cette intuition au travail de Souriau on peut préciser que ce second univers contient des particules qui se comportent comme si elles possédaient des masses (et des énergies négatives). Tout ceci constitue le fondement de mes travaux sur les univers jumeaux, depuis 1977, date de ma première publication sur le sujet, aux Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris, il y a 27 ans, grâce au regretté André Lichénrowicz.

On sait que les observations de ces dernières années montrent que le contenu physique du cosmos, celui qu'on observe, prête de plus en plus à désirer. On l'a donc doté de différents ingrédients supplémentaires comme la "matière sombre", une mystérieuse matière, à énergie et masse positive, mais curieusement... invisible. La réaccélération du cosmos à très grande distance a fait naître un autre ingrédient : l'énergie noire, ou quintessence. On en revient à la théorie des quatre éléments. La quinte-essence, c'est autre que la cinquième essence. Elle aurait la vertu d'être répulsive, donc de "relancer l'expansion". Ailleurs on brandira la "constante cosmologique" ressortie promptement de sa naphtaline, après avoir été considérée comme nulle selon un "un large consensus" (à prononcer en prenant l'accent canadien).

Qu'est-ce que ma théorie gémellaire, extension de la théorie de Sakharov (mais où diable tira-t-il cette idée exotique d'inversion du temps ? ). Cela consiste à expliquer les phénomènes en terme d'interaction entre deux types de matières :

- La nôtre

- La matière gémellaire, CPT-symétrique de la nôtre (et son antimatière, également CPT-symétrique de notre ... antimatière).

Comme cette matière gémellaire se comporte comme si sa masse était négative, matière et matière gémellaires, auto-attractives, se repoussent selon "anti-Newton". Quand on a fait ce cheminement, après, au niveau des simulations numériques, ça devient enfantin. Il suffit de mélanger des masses + m et des masse - m et de voir ce qui se passe. Toutes les bizarreries du cosmos se trouvent alors expliquées. C'est ce que j'avais commencé à faire et à publier il y a dix ans. On voit apparaître :

- La structure à Grande Echelle, lacunaire (voir illustration, plus haut)

- Le confinement des galaxies, l'étrangeté de leurs courbes de rotation

- Comment elles se forment

- L'origine des forts effets de lentille gravitationnelle

- La réaccélération du cosmos à grande distance

- La structure spirale des galaxies (quelqu'un aurait-il conservé le film que nous avions mis sur mon site, Boland et moi, et qui montrait la naissance d'une spirale barrée ? A l'époque les affectation-mémoire pour les sites étaient limitées et on avait du virer ce fichier parce qu'il tenait trop de place. Dommage, c'était joli ).

- Etc... etc....

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